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Pourquoi quitter la France… et revenir


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Pourquoi quitter la France… et revenir

Publié le 10/06/2014 à 06h00
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Chaque année, ils sont des milliers de Français à prendre le départ. Et chaque année, ils sont de plus en plus nombreux. Seul ou en famille, souvent sans travail ni réseau, mais avec l'envie de vivre l'expérience nord-américaine en français. Destination Québec. Mais que vont-ils donc chercher là-bas ?

Avec ma femme et nos deux jeunes garçons (3 ans et 1 an) nous avons emprunté cette route migratoire un 14 juillet 2011. Ce jour-là, je me souviens d'avoir caressé le tarmac de Charles-de-Gaulle, troublé par cette émigration choisie vers une incertitude exaltante. Heureux de le faire un 14 juillet, donnant à ce départ un semblant de fête et une promesse de retour. Je laissais un poste de directeur d'une association régionale que j'avais développée avec foi et passion, une équipe d'une quinzaine de salariés et des partenaires que j'aimais. Ma femme laissait, elle aussi, un poste à responsabilités dans le secteur de l'économie sociale. Nous quittions la France pour aller nous inspirer, vivre une expérience dans une contrée réputée dotée d'un état d'esprit positif et tenter une aventure familiale. Et, pour la première fois de notre vie, nous rentrions dans cette grande famille des émigrants, avec un billet aller sans date de retour, pas d'adresse à l'arrivée ni de travail, aucune certitude sauf l'intuition que, vers le Nouveau Monde, il y avait des choses à vivre, hors des sentiers battus.

Trois années ont passé. Que retenir de cette expérience québécoise ? D'abord, que le processus est plus important que le résultat ! Initialement, nous voulions partager la vie d'une communauté autochtone dans le Grand Nord et y développer l'économie sociale. Au bout de trois mois de cette expérience, nous avons été mis dehors par les Indiens. Belle ironie et leçon d'humilité. Mais plutôt que de voir cela comme un échec, nous avons vécu cette expérience en nous concentrant sur ce que nous avons appris. Et aujourd'hui, c'est sûrement ce qui alimente le plus nos souvenirs du Québec, vivre de peu au milieu des autochtones, loin de nos racines, de nos réseaux, de nos acquis. Arrivés à Montréal, il a fallu trouver du travail en prenant appui sur notre vécu plutôt que sur nos diplômes et nos références. Là encore, ce fut une belle leçon de vie et une immense joie de rebondir et de se reconstruire. Il y a eu les doutes, le désarroi, les tentatives infructueuses. Mais jamais un seul regard pour nous juger, nous dire ce que nous devions faire, nous casser nos projets.

Le Québec n'est pas un eldorado, c'est un lieu qui a ses propres défis, notamment en éducation et en santé. Par contre, ici, l'environnement est propice à l'« essai erreur », à l'expérimentation, au « t'es capable » plutôt qu'au « peut mieux faire ». On ne dit pas problèmes, mais défis, le mot crise est absent du vocabulaire… C'est une différence, elle est de taille. Elle permet notamment de se projeter, de penser au possible et de se dire « pourquoi pas ? ».

Est-ce notre vision de jeunes immigrants, loin de notre famille, de nos proches, de nos réseaux, qui fait qu'on se sent moins jugé et donc plus libre ou bien est-ce dans l'ADN du Québec de laisser sa chance, de parier sur le potentiel plus que sur le pedigree ? Probablement un mélange des deux. Ce qui est sûr, c'est que cette alchimie nous a ouverts à de nouvelles idées, des manières différentes de voir le monde, de coopérer, de partager, de se dire les choses avec bienveillance, de ne pas mettre du doute là où il y a un possible. C'est un art du non jugement qui permet à chacun d'être un peu plus soi-même, de se réaliser sans tomber dans le panneau des attentes de l'autre, de vivre « sa » vie passionnément.

Loin de la France, on la voit différente. Riche de son histoire, de son savoir, de sa culture, de son immigration. Pas celle que nous servent livres et médias, la France vieille et passive, repliée sur elle-même, en crise et en grève, et j'en passe. Loin de la France, j'ai eu l'intuition qu'il était temps de rentrer. Joyeusement, avec des idées plein la tête et l'envie de lancer de nouvelles initiatives ensemble, pour que notre pays, que l'on dit déprimé, fasse exploser sa vitalité, sa joie de vivre, malgré la crise, le chômage, la désillusion. Avec cette fraîcheur des enfants qui demandent si aujourd'hui on est demain.

Nous rentrons pour entreprendre des ponts avec nos cousins d'Amérique, pour apprivoiser la brumaille d'un retour et de cette grande interrogation : qu'allons-nous faire ? Question à laquelle je ne vois qu'une seule réponse : continuer. Nous rentrons aussi pour partager le formidable et contagieux état d'esprit que nous avons vécu ici, où le rire commence les conversations, précédant la meilleure question à se poser : « Comment puis-je t'aider ? » Nous rentrons riches de réalisations et d'idées pour notre société, et nous remercions le Québec, ses habitants et la vie de nous avoir permis cette aventure extraordinaire.

(1) Olivier Lenoir, fécondateur d'entreprises sociales, cofondateur et ex-directeur d'Unis-Cité Aquitaine. Actuellement coordonnateur du programme À go, on change le monde ! de l'Institut du nouveau monde, www.inm.qc.ca

OLIVIER LENOIR

http://www.sudouest.fr/2014/06/10/pourquoi-quitter-la-france-et-revenir-1580281-2530.php

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