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presque 13 ans !


rayjean

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  • Habitués

Profil

Mon projet d'immigration s'est ébauché peu de temps après mon entrée en formation ébénisterie industrielle. Lors de mes BEP, Bac Pro et BTS j'ai effectué pas mal de stages, étonné des conditions de travail déplorables dans mon domaine et l'absence d'alternative réaliste, peu à peu immigrer s'est présenté comme un plan B. Après mon service militaire et trois ans en usine je me suis envolé pour Montréal avec ma résidence permanente en juin 2000, j'avais 27 ans.


Compétences

J'ai eu une formation de très mauvaise qualité (voie de garage) surtout au niveau BTS avec juste une vague connaissance du Logiciel Autocad et je ne parlais pas anglais ce sont deux faiblesses qui m'ont conduit à travailler en atelier et pas en bureau d'étude. J'ai mis les diplômes à la fin de mon CV et placé en avant les compétences formulées en termes simples et clairs "verbe-sujet-complément" par exemple: "programmer et opérer une perceuse/défonceuse à commande numérique" ce qui est la seule chose que je savais vraiment faire à mon arrivée. Bien sûr j'avais acquis beaucoup de notions au niveau de l'organisation du travail, gestion des stocks et conception ainsi que tout un bagage théorique lors de mes études mais il était difficile de convertir ça en quelque chose d'exploitable sur CV.

Remarque importante: au Québec on désigne par ébénisterie la fabrication de meuble en général. Elle peut donc être industrielle ou artisanale.


Acte premier -le siège ejectable-

En cinq ans je suis passé par 8 entreprises et j'ai fait le deuil d'une vie linéaire, j'ai pris chaque expérience professionnelle comme une période de formation avec pour objectif de retourner à une pratique plus artisanale de mon domaine afin d'être moins dépendant des changements technologiques. J'ai appris à ajouter de petits mensonges à mon CV pour aller chercher un meilleur poste à chaque fois (le premier mensonge a été de dire que je connaissais le système des mesures impériales). J'ai avancé pendant cinq ans comme ça et suis arrivé dans une entreprise formidable comme ébéniste/machiniste jusqu'à ce que, comme d'autres, elle ferme ses portes. Physiquement j'ai développé des tendinites cela faisait donc pas mal de bonne raisons pour prendre mon chômage et penser à l'avenir au bord d'une de ces belles piscines extérieures de Montréal pendant le parfait été 2005.

Contexte économique

La plupart des entreprises de mobilier exportaient massivement aux États-Unis en raison d'un taux de change favorable mais le flux s'est tari avec l'appréciation du dollar canadien et la quasi parité entre les deux monnaies. Le gouvernement provincial offrait aussi des formations gratuites en ébénisterie à des fins de réinsertion dans le marché du travail ce qui créait un dumping salarial. Les entreprises décrochant des contrats soit trop gros soit trop petits, on embauchait des nouveaux et on les virait à la fin du projet en conservant un noyau dur de personnel stable. À la fin de chaque période de travail j'ai toujours demandé une lettre de recommandation et l'ai obtenue la plupart du temps. C'est un document qui peut s'avérer utile en référence avec un CV ce qui suppose de se quitter en bons termes. Mon salaire le plus bas pendant cette période 9$/h le plus haut 11$/h.

Salaires constatés à la fermeture de la dernière entreprise où j'ai travaillé (les gens parlent plus facilement): 16-18 pour un ouvrier expérimenté et 23-24 pour un vieux syndiqué. Sachez que pour recevoir du chômage il faut être renvoyé. Ça à l'air simple comme ça mais il existe toutes sortes de moyens de pousser quelqu'un à démissionner.

Acte deux -le détail-

À la fin de mon été de chômeur je tente l'aventure dans la vente au détail dans un genre de "Leroy Merlin", un travail modeste mais faire autre chose m'a fait du bien -un peu comme s'étirer après un long voyage en avion-. Pendant quelques années j'y ai beaucoup socialisé en développant des aptitudes à la communication et en baragouinant l'anglais de mieux en mieux. Je vendais des matériaux de construction en n'y connaissant rien mais je lisais tout ce qu'il y avait de pertinent sur les normes de construction et les différentes méthodes de travail; les meilleurs ouvrages étant en anglais j'ai fait d'une pierre-deux-coup. Après quelques années les affaires ont commencé à décliner et le travail est devenu ennuyant. De conseillers à la clientèle il nous a été demandé de devenir vendeurs, l'ambiance a foutu le camp. J'ai déclenché moi-même le siège éjectable pour ne pas sombrer dans la déprime, après cinq ans je gagnais 13.75$ (mon gérant gagnait 11.85$)

Pour cet emploi on ne demandait aucun diplôme si ce n'est une expérience dans le domaine (et encore…) en France le commerce cité plus haut demandait un BTS dans le secteur de la construction (offre sur son site web).

Acte trois -un autre monde-

J'ai été recommandé par une amie auprès d'un petit commerce qui recherchait un opérateur pour leur site de vente en ligne. À la suite de deux entrevues je me suis retrouvé aux manettes d'un site en pleine croissance à gérer le contenu, préparer des commandes, répondre aux clients, jongler avec toutes sortes de logiciels et photographier les produits à mettre en ligne. Cela m'a pris dix ans à trouver les conditions rêvées à avoir au travail: des relations humaines de qualités, un environnement sain et… un salaire qui a de l'allure. Bref, j'ai quitté la case prolo et j'aime mon travail.

Intégration

Quelques étapes qui m'ont rendu plus à l'aise dans mon environnement: faire des sorties avec un club de plein air (raquette, ski de fond, etc…), vivre en colocation avec une québécoise et rencontrer tous ses amis (bien choisir son ou ses colocs!), changer de métier, laisser tomber les interminables discussions sur les différences Québec/France (ne riez pas vous y passerez), trouver des loisirs constructifs et m'approprier la politique de mon nouveau pays. J'ai participé aux premières manifs pour réclamer une commission d'enquête contre la corruption dans le milieu de la construction je suis fier du résultat.

Globalement je dirais que cela a été très difficile mais j'ai appris à cloisonner les différents aspects de la vie avec d'un côté le travail et de l'autre l'aspect relationnel, les loisirs et conserver la capacité d'émerveillement des premiers temps.

Mon conseil ultime: cessez de marcher sur les pistes de ski de fond du Mont Royal. Merci. :laugh:

Modifié par rayjean
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  • Habitués

Beau parcours Rayjan, un grand bravo, cela n'a pas du être facile tous les jours. Mais tu as réussi et en a certainement appris une certaine philosophie de la vie. Merci de partager tout cela avec nous ! :give_rose::smile:

A+ :flowers:

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  • Habitués

Merci pour ce témoignage qui montre que la persévérance paye

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  • 2 months later...

Une preuve en plus,que si l'on est persévérant,ca paye!félicitations à toi,j'espère avoir le même discours dans 10 ans

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  • Habitués

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Mon projet d'immigration s'est ébauché peu de temps après mon entrée en formation ébénisterie industrielle. Lors de mes BEP, Bac Pro et BTS j'ai effectué pas mal de stages, étonné des conditions de travail déplorables dans mon domaine et l'absence d'alternative réaliste, peu à peu immigrer s'est présenté comme un plan B. Après mon service militaire et trois ans en usine je me suis envolé pour Montréal avec ma résidence permanente en juin 2000, j'avais 27 ans.

Compétences

J'ai eu une formation de très mauvaise qualité (voie de garage) surtout au niveau BTS avec juste une vague connaissance du Logiciel Autocad et je ne parlais pas anglais ce sont deux faiblesses qui m'ont conduit à travailler en atelier et pas en bureau d'étude. J'ai mis les diplômes à la fin de mon CV et placé en avant les compétences formulées en termes simples et clairs "verbe-sujet-complément" par exemple: "programmer et opérer une perceuse/défonceuse à commande numérique" ce qui est la seule chose que je savais vraiment faire à mon arrivée. Bien sûr j'avais acquis beaucoup de notions au niveau de l'organisation du travail, gestion des stocks et conception ainsi que tout un bagage théorique lors de mes études mais il était difficile de convertir ça en quelque chose d'exploitable sur CV.

Remarque importante: au Québec on désigne par ébénisterie la fabrication de meuble en général. Elle peut donc être industrielle ou artisanale.

Acte premier -le siège ejectable-

En cinq ans je suis passé par 8 entreprises et j'ai fait le deuil d'une vie linéaire, j'ai pris chaque expérience professionnelle comme une période de formation avec pour objectif de retourner à une pratique plus artisanale de mon domaine afin d'être moins dépendant des changements technologiques. J'ai appris à ajouter de petits mensonges à mon CV pour aller chercher un meilleur poste à chaque fois (le premier mensonge a été de dire que je connaissais le système des mesures impériales). J'ai avancé pendant cinq ans comme ça et suis arrivé dans une entreprise formidable comme ébéniste/machiniste jusqu'à ce que, comme d'autres, elle ferme ses portes. Physiquement j'ai développé des tendinites cela faisait donc pas mal de bonne raisons pour prendre mon chômage et penser à l'avenir au bord d'une de ces belles piscines extérieures de Montréal pendant le parfait été 2005.

Contexte économique

La plupart des entreprises de mobilier exportaient massivement aux États-Unis en raison d'un taux de change favorable mais le flux s'est tari avec l'appréciation du dollar canadien et la quasi parité entre les deux monnaies. Le gouvernement provincial offrait aussi des formations gratuites en ébénisterie à des fins de réinsertion dans le marché du travail ce qui créait un dumping salarial. Les entreprises décrochant des contrats soit trop gros soit trop petits, on embauchait des nouveaux et on les virait à la fin du projet en conservant un noyau dur de personnel stable. À la fin de chaque période de travail j'ai toujours demandé une lettre de recommandation et l'ai obtenue la plupart du temps. C'est un document qui peut s'avérer utile en référence avec un CV ce qui suppose de se quitter en bons termes. Mon salaire le plus bas pendant cette période 9$/h le plus haut 11$/h.

Salaires constatés à la fermeture de la dernière entreprise où j'ai travaillé (les gens parlent plus facilement): 16-18 pour un ouvrier expérimenté et 23-24 pour un vieux syndiqué. Sachez que pour recevoir du chômage il faut être renvoyé. Ça à l'air simple comme ça mais il existe toutes sortes de moyens de pousser quelqu'un à démissionner.

Acte deux -le détail-

À la fin de mon été de chômeur je tente l'aventure dans la vente au détail dans un genre de "Leroy Merlin", un travail modeste mais faire autre chose m'a fait du bien -un peu comme s'étirer après un long voyage en avion-. Pendant quelques années j'y ai beaucoup socialisé en développant des aptitudes à la communication et en baragouinant l'anglais de mieux en mieux. Je vendais des matériaux de construction en n'y connaissant rien mais je lisais tout ce qu'il y avait de pertinent sur les normes de construction et les différentes méthodes de travail; les meilleurs ouvrages étant en anglais j'ai fait d'une pierre-deux-coup. Après quelques années les affaires ont commencé à décliner et le travail est devenu ennuyant. De conseillers à la clientèle il nous a été demandé de devenir vendeurs, l'ambiance a foutu le camp. J'ai déclenché moi-même le siège éjectable pour ne pas sombrer dans la déprime, après cinq ans je gagnais 13.75$ (mon gérant gagnait 11.85$)

Pour cet emploi on ne demandait aucun diplôme si ce n'est une expérience dans le domaine (et encore…) en France le commerce cité plus haut demandait un BTS dans le secteur de la construction (offre sur son site web).

Acte trois -un autre monde-

J'ai été recommandé par une amie auprès d'un petit commerce qui recherchait un opérateur pour leur site de vente en ligne. À la suite de deux entrevues je me suis retrouvé aux manettes d'un site en pleine croissance à gérer le contenu, préparer des commandes, répondre aux clients, jongler avec toutes sortes de logiciels et photographier les produits à mettre en ligne. Cela m'a pris dix ans à trouver les conditions rêvées à avoir au travail: des relations humaines de qualités, un environnement sain et… un salaire qui a de l'allure. Bref, j'ai quitté la case prolo et j'aime mon travail.

Intégration

Quelques étapes qui m'ont rendu plus à l'aise dans mon environnement: faire des sorties avec un club de plein air (raquette, ski de fond, etc…), vivre en colocation avec une québécoise et rencontrer tous ses amis (bien choisir son ou ses colocs!), changer de métier, laisser tomber les interminables discussions sur les différences Québec/France (ne riez pas vous y passerez), trouver des loisirs constructifs et m'approprier la politique de mon nouveau pays. J'ai participé aux premières manifs pour réclamer une commission d'enquête contre la corruption dans le milieu de la construction je suis fier du résultat.

Globalement je dirais que cela a été très difficile mais j'ai appris à cloisonner les différents aspects de la vie avec d'un côté le travail et de l'autre l'aspect relationnel, les loisirs et conserver la capacité d'émerveillement des premiers temps.

Mon conseil ultime: cessez de marcher sur les pistes de ski de fond du Mont Royal. Merci. :laugh:

Encore un témoignage qui montre que rien n'est facile, mais que quand on décide de persévérer, ça finit par payer! Un grand merci pour cette bouffée d'oxygène!

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  • Habitués

Merci beaucoup ca fait du bien ce genre de message.

Il faut etre bien préparer dans sa tete a tous ces changements de vies pour envisager une immigration. Tout le monde me dit : pose un congé sabbatique au cas ou ca ne marche pas ! A chaque fois je leur repond : mais si je fais ca j'aurais pas la perseverance pour m'integrer. Mentalement je prefere me dire tu DOIS reussir au Quebec plutot que se dire "oui j'ai toujours une porte de sortie et je pourrais revenir en france". Avec ma femme on est vraiment determiné a s'integrer et reussir notre vie personnelle et professionnell.

En tout cas merci pour ce partage et j'espere que ca donnera encore plus de courage aux futurs immigrants (dont moi).

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  • Habitués

Joli témoignage!

Effectivement, il va être rassurant pour les futurs immigrants qui ont peur de foncer...avec de la persévérance et l'amour du pays aussi,tu ne l'as pas mentionné mais il doit y avoir quelque chose entre toi et le Québec °))Tu t'es accroché et tu nous le racontes avec une humble fierté,

Tout simplement: Bravo !!

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  • Habitués

Un grand merci pour ton récit. tu nous donne une bonne leçon de vie, la persévérance est une qualité indiscutable. Bonne continuation Envoyé par l'application mobile Forum IC

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  • Habitués

Un gagnant,quelqu'un qui sait ou il va...sans regarder en arrière! :bye:

je dirai que le gagnant est celui qui avance meme sans savoir ou il va, en n'oubliant pas ce qu'i la vecu.

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  • Habitués

Un gagnant,quelqu'un qui sait ou il va...sans regarder en arrière! :bye:

je dirai que le gagnant est celui qui avance meme sans savoir ou il va, en n'oubliant pas ce qu'i la vecu.

En effet il faut savoir se lancer, après de savants calculs sur les risques à prendre, mais tout en sachant que de toute façon on est trop mal renseigné pour prendre avec certitude de bonnes décisions. Le sort de l'immigrant est souvent de se lancer emporter faute de mieux par le courant, s'efforçant au moins de ne pas se prendre une roche dans la figure.

Quant au deuxième aspect de cette remarque ("... ce qu'il a vécu"), il m'a fait penser à ces sages paroles proférées par Cicéron il y a deux mille ans :

"à l'homme double et à la démarche tortueuse, personne ne demande d'être fidèle à lui-même".

(J'espère que personne, sur ce coup,me trouvera double et tortueux)

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