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Apprendre le français : un projet d’immigration trop ambitieux ?

 

Je lis fréquemment le bilan des immigrants francophones, mais je vois rarement les témoignages de ceux ou celles qui arrivent d’ailleurs, notamment, des pays de l’Europe de l’Est où l’on a notre propre langue distincte. Dans cet article, je partage avec vous mes expériences en tant qu’immigrante allophone. 

Pour commencer, au Canada, un allophone est une personne qui a pour langue maternelle une autre langue que l'anglais ou le français. Le topic est important car au Québec comme d’ailleurs au Canada, les immigrants arrivent des 4 coins du monde sans nécessairement connaître les deux langues officielles du pays. Comme pour n’importe qui, leur but est de s’intégrer le plus rapidement possible dans le nouveau pays d’accueil.  

De la Hongrie, je suis arrivée à Kirkland au Québec, il y a une dizaine d’années dans l’objectif d’améliorer mon anglais, sans intention d’y immigrer de façon permanente. Néanmoins, suite à quelques aller-retours, j’ai décidé de m’installer.

Je savais bien que si je reste au Québec, l’anglais ne suffirait pas, et il faut qu’éventuellement j’apprenne le français aussi. Jeune, ambitieuse et surtout très naïve, j’étais prête pour ce nouveau défi.

J’ai trouvé que les cours de français offerts pour les nouveaux arrivants ne me rendaient pas loin. Par conséquent au lieu d’aller étudier en anglais à Concordia ou à McGill qui aurait été plus facile dans mon cas, je me suis inscrite à l’UQAM où j’ai obtenu mon baccalauréat après 7 ans d’études en français. 

Malgré toutes ces années d’études, je me suis rendue compte que le français est une langue qui ne s’apprend pas !!! Certes, je parlais bien, j’avais des bonnes notes à l’école, mais les fautes de langue seconde typique ne voulaient pas disparaître ! Le genre des mots, les prépositions entre autres restent un défi constant. Cependant, j’ai déjà trop investi dans cette langue et c’était trop tard d’abandonner.

Aujourd’hui, (12 ans plus tard) en étant plus intelligente, plus mature et certainement moins naïve, je dirais que le Québec est une belle place pour s’installer pour les gens d’issus des pays francophones (France, Belgique, Maghreb etc…). Mais pour les immigrants allophones comme moi, malheureusement ce n’est pas une place propice pour s’intégrer facilement.  

Je suis toujours surprise quand j’entends le parcours de mes amis français que dans quelques semaines après leur arrivée, il y avait déjà un emploi. Malheureusement, moi je ne connais pas ça. De mon côté, cela m’a pris plus de 8 ans pour décrocher mon premier travail professionnel en tant qu’intervenante dans un petit centre communautaire au Parc-Extension à Montréal. 

J’ai lu l’autre jour dans un article qu’un immigrant perd automatiquement 7 ans de sa vie à apprendre une nouvelle langue à parler, à écrire correctement, à faire de petits travaux pour subvenir à ces besoins avant d'avoir un emploi intéressant. Par mon vécu personnel, je confirme les dires de cet article, sauf qu’au Québec le degré de difficulté est doublé, car il est vital d’apprendre les deux langues officielles.

Tout cela étant dit, je crois que j’ai réussi mes objectifs et mes efforts seront payants. Cela fait 3 ans que je vis au Nouveau-Brunswick. Je viens d’être diplômée à la Faculté de droit de l’Université de Moncton et bientôt je vais être une avocate. 

Le chemin pour m’y rendre était long et très demandant. Cela a puisé toutes mes énergies et ma jeunesse. Pendant que mes amis ont une carrière, une maison, des enfants, moi, tout ce que j’ai: c’est « ma propriété intellectuelle ». 

Quant à la langue de Molière, nous avons une relation d'amour et de haine. Je l’apprends encore et je l’apprendrai probablement pour le reste de mes jours. La différence entre avant et maintenant est que j’ai accepté qui je suis et comme je suis. À ce jour, je me focalise plus sur le fond que sur la forme. 

D’après moi, une langue bien maitrisée est la clé pour toute immigration réussie. En conséquence, elle peut aussi bien faciliter que ralentir le chemin vers le succès.

 

Monika Kimmel, Moncton, NB

 

 

 

Apprendre le français un projet d’immigration trop ambitieux Monika Kimmel.docx

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