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D'où vient l'accent québécois ?


Laurent

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Le mardi 04 mars 2008

D'où vient l'accent québécois ?

Jean-François Cliche

Le Soleil

Québec

Voilà sans doute l'un des plus intrigants paradoxes de l'histoire québécoise. Du temps de la Nouvelle-France, le «parler canadien» était unanimement louangé comme une forme particulièrement pure de français. Mais quelque part entre 1760 et 1810, le monde entier s'est ravisé. Aux yeux de tous, notre accent était soudainement devenu «lourd», «sans grâce», «corrompu». Que s'est-il donc passé entre les deux?

Dans son livre D'où vient l'accent des Québécois? Et celui des Parisiens?, qui sera lancé officiellement aujourd'hui, le phonéticien retraité de l'Université Laval Jean-Denis Gendron croit avoir trouvé la réponse.

«Les Français disent au départ que l'accent des Canadiens est identique à celui de Paris, puis, au XIXe siècle, ils disent qu'il est tout à fait différent. Alors, comment l'expliquer? Ce ne sont pas les Canadiens qui avaient changé leur façon de parler, mais bien les Parisiens. Donc, il fallait chercher comment eux avaient changé», expliquait M. Gendron, hier, lors d'un entretien téléphonique.

Grand et bel usages

Pendant longtemps, deux modèles de diction ont coexisté dans la Ville lumière, souligne M. Gendron : le «grand usage», qui était la langue savante des discours publics, employée au Parlement de Paris, dans les cours de justice, par la bourgeoisie instruite et au théâtre; et le «bel usage», utilisé en privé dans les salons de la noblesse. Sa prononciation, plus relâchée que celle du grand usage, devait paraître «naturelle», c'est-à-dire ni vulgaire, ni affectée.

Elle avait tendance à tronquer certaines lettres et faisait rager beaucoup de grammairiens français. Le bel usage prononçait ainsi, entre bien d'autres : «leux valets», «sus la table», «quéqu'un», «velimeux», «des habits neus», «ostiner», «neyer» (noyer), «netteyer», «frèt», etc.

«On dit dans le discours familier qu'il fait "grand fraid" (…) mais en preschant, en plaidant, en haranguant, en déclamant, je dirois "le froid"», écrivait par exemple le grammairien français Gilles Ménage en 1672.

Puisqu'il était plus proche de la langue du peuple que le «grand usage», on ne s'étonnera donc pas, après la lecture de cette courte liste, que les visiteurs aient eu l'impression que le parler de la Nouvelle-France soit semblable en tout point, ou presque, avec l'accent de Paris — voir notre tableau.

Mais la haute société parisienne, qui a longtemps flotté entre les deux accents, bascule totalement à la révolution de 1789. Le roi de France, ou le «rouè», comme il disait peut-être, est décapité. L'aristocratie, dont le prestige donnait jusque-là préséance au bel usage, fuit la France (quand elle le peut), ce qui laisse toute la place à la bourgeoisie et à «sa» manière de parler. La révolution, écrit M. Gendron, «sera en même temps politique et linguistique. (…) L'autorité et le prestige acquis par les gens de lettres vont leur conférer le pouvoir d'influencer la langue, en devenant le modèle à imiter».

Ce changement de la prononciation parisienne — certaines consonnes, comme le r manquant de «sus la table», seront carrément restaurées, dit M. Gendron — se fera aussi très vite, à l'échelle de l'histoire des langues : quelques décennies tout au plus. «Cela s'est fait naturellement, dit M. Gendron. Personne ne s'en est rendu compte. Il y a l'historien Charles Bruneau qui le mentionne un peu, mais les autres historiens n'en parlent pas.»

La révolution linguistique surviendra d'abord chez les Parisiens, pour qui l'ancienne prononciation commencera à «faire paysan».

La colonie isolée

Le Canada français, lui, n'a évidemment pas pu suivre. Bien que les voyages en France furent permis par les Britanniques, la Conquête marqua le retour d'une partie de la noblesse canadienne en Europe et coupa les liens administratifs entre l'Hexagone et sa colonie. En outre, la menace que fit peser Napoléon sur la Grande-Bretagne mena à un blocus de la France qui isola encore plus les francophones d'Amérique.

«Alors quand les voyageurs reviennent avec le nouvel accent qu'ils ont acquis à la révolution, ils ne comprennent plus. Ils ont oublié leur ancien accent, qu'ils retrouvent chez les Canadiens, mais sans savoir que c'était le leur», dit M. Gendron. Et comme la langue de Paris est la référence la plus courante en français, les visiteurs des autres pays basèrent dessus leur opinion de l'accent canadien.

http://www.cyberpresse.ca/article/20080304...3/6584/CPSOLEIL

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Tres interressant pour une fana' d'histoire comme moi. Merci beaucoup Laurent. :)

Au passage si vous cherchez un livre vraiment interressant, je vous conseille vivement: "Mythes et realites dans l'histoire du Quebec" de Marcel Trudel.

Franchement cela permet de comprendre beaucoup de chose, tres interressant, et l'auteur est vraiment un facinant historien.

lien: Ici

Vous avez egalement d'autres tomes si vous desirez completer votre lecture.

:) Bonne lecture

Modifié par bibo
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  • Habitués

je dit toujours que le quebecois est le francais ancien, j'aime la source que cet accent merci laurent pour ton petit cours d'histoire.

l'important c'est de se comprendre seul les expressions changes...nous francais nous sentons un retour a la racine quand on vous entend parler.

petite questions: les quebecois ont ils du mal a accepter le nouveau francais ? y a t il un rebus de ce language?

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  • Habitués
petite questions: les quebecois ont ils du mal a accepter le nouveau francais ? y a t il un rebus de ce language?

Nico27, je ne comprends pas la question ? Tu veux dire refus ?

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  • Habitués

non rebut du verbe rebuter...

je reformule: Le francais de paris est il accepter par les quebecois ou il y a un certain malhaise?

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  • Habitués

Que l'accent rebute, je n'irais pas jusque là. Mais beaucoup de québécois ont un certain complexe d'infériorité face à l'accent "français de France". Il y a donc souvent un mélange d'admiration et de petite gêne. Parfois, dans certains milieux, ce complexe d'infériorité peut se traduire des moqueries (la fameuse expression "bouche en cul de poule"). Généralement pas méchantes, mais bon, j'imagine que ça finit par taper royalement sur les nerfs des concernés.

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Que l'accent rebute, je n'irais pas jusque là. Mais beaucoup de québécois ont un certain complexe d'infériorité face à l'accent "français de France". Il y a donc souvent un mélange d'admiration et de petite gêne. Parfois, dans certains milieux, ce complexe d'infériorité peut se traduire des moqueries (la fameuse expression "bouche en cul de poule"). Généralement pas méchantes, mais bon, j'imagine que ça finit par taper royalement sur les nerfs des concernés.

Pour certains quebecois, je peux vous dire qu'ils pensent que l'accent francais est hautain. Et que cela fait tres " nez en l'air" comme je l'ai souvent entendu dire.

Bien sure cela depend de chacun, ils ne pensent pas tous comme ca.

Et heureusement.

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  • Habitués

Disons que dans la bonne bourgeoisie, ça fait plus BCBG de parler à la française. Mélangez deux complexes d'infériorité à la fois et...

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  • Habitués

Les livres de Marcel Tessier sont des bijoux également pour ceux qui veulent en savoir plus sur l'histoire du Québec.

Marcel Tessier raconte ...

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  • Habitués
Que l'accent rebute, je n'irais pas jusque là. Mais beaucoup de québécois ont un certain complexe d'infériorité face à l'accent "français de France". Il y a donc souvent un mélange d'admiration et de petite gêne. Parfois, dans certains milieux, ce complexe d'infériorité peut se traduire des moqueries (la fameuse expression "bouche en cul de poule"). Généralement pas méchantes, mais bon, j'imagine que ça finit par taper royalement sur les nerfs des concernés.

Moi je reviens sur la bouche en cul de poule et je m'auto-cite:

Paraît-il d'ailleurs que le tu/ti, du/di français est assez difficile à faire pour les québécois et à voir les efforts répétés de la maman sus-mentionnée à le dire à la française, je dirai que je sais d'où vient la légende du cul de poule.... Un grand moment de solitude pour elle mais beaucoup de fous rires pour son fils de 9 mois (oui c'est très visible et pas seulement auditif) et moi. Savoureux!

Mais c'est anecdotique ;)

L'article est intéressant, je vais essayer d'emprunter le dit livre un jour à la bibliothèque :P

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  • Habitués

Je ne sais pas si l'accent québécois tire son origine de Paris mais en tant que normande je peux vous dire que nous avons des expressions communes.

Genre : "asteure", "à tantôt", "barrer la porte", "itou",... surtout utilisés par les vieilles madames de ma famille.

Alors voilà, je propose une origine normande à l'accent québécois, qui aurait en plus subit l'influence de l'anglais, à force de le côtoyer tous les jours.

Remarque : c'est pas du tout scientifique mon truc, juste une idée comme ça !

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  • Habitués

La langue francaise merite les quebecois, ils ont résisté devant un océan d'anglophonie :)

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  • Habitués

Ça ne prenait pas de grandes études ni un doctorat pour savoir que l'accent québécois tire son origine du français tsé :D

Suffit de savoir que nos descendants sont, en grande partie, français pour faire 1 + 1 = 2

Puis, comme une langue c'est "vivant" dans ce sens qu'elle subit l'influence des uns et des autres pas étonnant alors qu'elle ne soit plus tout à fait comme il y a 400 ans.

Lorsque je vois les jeunes qui utilisent de plus en plus le langage SMS dans leurs communications orales je me dis que ça n'évolue pas nécessairement pour le mieux mais bof ... si ça se trouve dans 40 ans c'est eux qui diront que nous parlions un patois 16ième siècle rireeeeee :D

Modifié par Lilideslacs
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  • Habitués
Je ne sais pas si l'accent québécois tire son origine de Paris mais en tant que normande je peux vous dire que nous avons des expressions communes.

Genre : "asteure", "à tantôt", "barrer la porte", "itou",... surtout utilisés par les vieilles madames de ma famille.

Alors voilà, je propose une origine normande à l'accent québécois, qui aurait en plus subit l'influence de l'anglais, à force de le côtoyer tous les jours.

Remarque : c'est pas du tout scientifique mon truc, juste une idée comme ça !

Les expressions quebecoises sont un melange de plusieurs regions de France. En effet, les premiers colons, et leurs descendants venaient de plusieurs regions differentes de la France, ( quelques regions: Charentes, Charentes Maritimes etc...) il n est effectivement pas rare, de retrouver des expressions comme tu le dis de region comme la tienne ( Normandie ) ou bien d'autres.

Il ne faut pas oublier egalement que certains nom de famille quebecois sont des noms venus de France. Exemple pour n'en citer qu'un : "d'Entremont" est un nom courant dans certaines regions comme le dauphine ou on retrouve ce nom a profusion. On le retrouve aujourd'hui egalement au Quebec mais dans les provinces acadiennes.

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  • Habitués

Ce qui me frappe, pour ma part, c'est la tonalité et la musique du français québécois, qui se rapprochent plus de celles de l'anglais, surtout dans les classes populaires. Lorsque je parle avec mon mécanicien, mon plombier ou mon électricien, j'ai tendance à les entendre et à les comprendre en anglais, probablement en raison de l'accent nasillard qui caractérises les nord-américains ainsi que de l'utilisation systématique d'expressions en anglais ou calquées de l'anglais. Je constate aussi que cette propension disparait à mesure qu'on s'élève dans les catégories sociales, jusqu'à presque disparaître chez les élites. Ce qu'il faut souligner aussi, c'est que le Québec a vécu en quasi autarcie pendant trois siècles, ce qui a freiné le développemnt du français québécois et conduit donc les gens à faire avec les moyens du bord. C'est d'ailleurs pourquoi, à mon sens, qu'il me semble plus important de travailler sur la qualité du français au Québec, plutôt que de vouloir étendre son usage, du moins dans un premier temps. Les immigrants francophones qui débarquent au Québec sont souvent effarés par la qualité du français québécois telle qu'il est pratiqué dans les couches populaires (il n'y a qu'a regarder TVA ou lire le Journale de Montréal) et c'est aussi pour cette raison qu'il encouragent leurs enfants à poursuivre des études en anglais. Leur raisonnement étant : quitte à apprendre une langue, autant choisir celle qui sera le mieux enseignée. Je crois que le Québec ne peut pas faire l'impasse sur un débat serein, décomplexé et dépassionné sur la qualité du français. C'est aussi à ce prix que cette langue pourra se maintenir en Amérique du Nord.

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  • Habitués

bencoudonc voila c'est de ca que je veux parler,ma question fut assez vague pour ne pas choquer mais là je me lache voila a travers les differentes discussions sur le forum j'ai ressenti un sentiment comme tu dit "d'inferiorité" je trouve ca allucinant que des personnes de la meme source de langue n'arrivent pas a s'emerveiller de voir et de decouvrir comment la langue a evoluer de part et d'autre de l'ocean.

Moi perso ca me fascine et je suis pressé de demander a une personne comme elle dit ceci et que veux dire cela.Je trouve vraiment que les deux peuples ont tout pour s'unir....apres il y a toujours des irreductible qui dirons nous n'avons rien en commun et patati et patata mais bon no comment!

Sinon j'ai deja commencé a comprendre le vocabulaire quebecois car lors d'un appel a une amie je lui est demander si c'est "gosses" allait bien....je vous laisse imaginer la suite ;)

Pimili je suis mort de rire pour ton commentaire car c'est vrai je vit en Normandie et les expressions du terroir sont les memes :)

merci pour ce commentaire qui me fait bien rire encore de suite: on va tré les vak lol

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  • Habitués
je trouve ca allucinant que des personnes de la meme source de langue n'arrivent pas a s'emerveiller de voir et de decouvrir comment la langue a evoluer de part et d'autre de l'ocean.

Boh je te signale quand même qu'un accent français est un gros plus pour la drague, paraît-il... :innocent:

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  • Habitués

Les immigrants francophones qui débarquent au Québec sont souvent effarés par la qualité du français québécois telle qu'il est pratiqué dans les couches populaires (il n'y a qu'a regarder TVA ou lire le Journale de Montréal) et c'est aussi pour cette raison qu'il encouragent leurs enfants à poursuivre des études en anglais. Leur raisonnement étant : quitte à apprendre une langue, autant choisir celle qui sera le mieux enseignée.

Ah oui ? vraiment ?

Te rends-tu compte de ce que tu viens de dire là ?

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  • Habitués

tu vois les irreductibles dont je parlais??

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