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L’interminable attente des immigrants entrepreneurs au Québec


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Les immigrants dans la catégorie « gens d'affaires » attendent en moyenne près de six ans avant d'obtenir la résidence permanente.

 

La famille Cloart en patin.

La famille Cloart n'a pas encore de confirmation que sa demande de résidence permanente est en processus de traitement.

PHOTO : RÉBECCA CLOART

Alexandre Duval

Alexandre Duval
 
Publié à 4 h 01

Ils sont au Québec depuis deux ans et ils n’ont même pas de confirmation que leur demande de résidence permanente est en traitement. Leurs ambitions professionnelles sont ralenties, leurs projets d’investissements aussi. « La faute est au gouvernement provincial », tonne leur avocat, en raison des bas seuils d’immigration qui font exploser les délais d’attente.

Le stress de ne pas pouvoir réaliser nos rêves ici. Toujours la crainte que ça ne puisse pas fonctionner. Peur de repartir parce que nous, vraiment, notre vie est [ici, au Québec].

Ludovic Cloart, 40 ans, résume ainsi le sentiment que lui procure son statut d’immigrant temporaire, lui qui est pourtant arrivé au Québec avec sa femme et leurs deux enfants en juin 2021.

Je constate un énorme goulot d'étranglement dans la catégorie des gens d'affaires sélectionnés par le Québec et qui sont toujours en attente de résidence permanente, explique son avocat en immigration, Me Maxime Lapointe.

 

Me Maxime Lapointe dans un bureau.

Me Maxime Lapointe, avocat spécialisé en immigration

PHOTO : RADIO-CANADA / ALEXANDRE DUVAL

À l’heure actuelle, le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) estime qu’environ 14 200 immigrants dans la catégorie des gens d’affaires sont dans cette situation.

Il s’agit d’entrepreneurs, d’investisseurs et de travailleurs autonomes, à qui le gouvernement provincial a déjà délivré un Certificat de sélection du Québec, mais à qui le gouvernement fédéral n’a pas encore offert un statut permanent.

Cependant, Me Lapointe rappelle qu’Ottawa ne fait que respecter la volonté du Québec, dont le plan d’immigration prévoit que la résidence permanente ne peut être octroyée à plus de 4300 immigrants issus de la catégorie des gens d’affaires en 2023.

« Il faut réparer l'erreur en remontant les seuils d'immigration [...] C'est le temps de régler le problème. »

— Une citation de  Me Maxime Lapointe, avocat spécialisé en droit de l'immigration

D’après Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), les immigrants de la catégorie gens d’affaires au Québec attendent en moyenne 67 mois avant d’obtenir leur résidence permanente, soit près de six ans.

 

L’année dernière, ce délai moyen était de 65 mois. Ça monte tout le temps, déplore Me Lapointe, qui constate tout le stress que cela engendre chez ses clients – souvent de jeunes familles – dont l’avenir reste incertain.

Un rêve professionnel sur pause

S’il est parvenu à démarrer sa propre entreprise en rénovation résidentielle, le vrai objectif de Ludovic Cloart demeure d’acheter des propriétés puis de les transformer, avant de les revendre ou de les louer.

Mais sans la résidence permanente, il n’a pas la possibilité légale de faire tous les investissements immobiliers requis. En France, on avait tout. On avait notre maison. On a tout revendu exprès pour venir ici, continuer notre vie et continuer ce qu'on voulait faire, raconte sa conjointe Rébecca, hygiéniste dentaire.

Avant de venir ici, on a fait des démarches pas possibles. On a rempli des tas de papiers. On a été examinés de notre naissance jusqu'à maintenant. On a dû prouver beaucoup de choses, poursuit-elle.

« Au final, on arrive ici, on a été sélectionnés par le Québec et là on nous dit : "Va falloir attendre quatre ans, cinq ans pour avoir la résidence permanente". Franchement, je suis quand même déçue. »

— Une citation de  Rébecca Cloart, immigrante ayant déposé une demande de résidence permanente
 

La famille Cloart dehors en hiver.

Ludovic Cloart, Rébecca Cloart et leurs deux enfants sont arrivés au Québec en juin 2021.

PHOTO : RÉBECCA CLOART

Pas de visite à sa mère malade

La famille Cloart est loin d’être la seule dans cette situation. C’est aussi le cas de Lionel Leroy, 53 ans, vétérinaire, arrivé lui aussi en 2021 au Québec avec sa femme et leur fils.

 

Je comprends que le parcours est difficile, ce sont des choses qui ne se donnent pas facilement, il faut les mériter. Après, ce qui est vraiment dérangeant, c'est la longueur de ces problèmes administratifs, déplore M. Leroy.

En attendant la résidence permanente, les immigrants doivent s’assurer de faire renouveler leur permis de travail, dont la durée est généralement de deux ans. Or, le délai du renouvellement de ce permis est d’environ sept mois en ligne.

Si jamais je dépasse cette date butoir, je peux continuer à travailler, mais je ne peux pas retourner en France. Je prendrais le risque alors de me retrouver à une possible exclusion des autorités douanières, souligne M. Leroy.

C’est entre autres pourquoi, récemment, il a dû faire un choix plus que déchirant.

« J'ai ma mère qui s'est fait opérer d'un cancer. J'aurais voulu aller la voir, la soutenir, faire un petit aller-retour rapide, mais je sais qu'avec ce problème de visa, tant que le problème ne sera pas résolu, c'est un souci de plus. »

— Une citation de  Lionel Leroy, immigrant ayant déposé une demande de résidence permanente
 

Lionel Leroy dans la clinique vétérinaire où il travaille.

Lionel Leroy est en attente de la résidence permanente depuis deux ans.

PHOTO : LIONEL LEROY

Une autre possibilité pour faire renouveler le permis de travail est de se rendre à la frontière américaine, en personne, puis de le faire renouveler sur place par les douanes canadiennes.

Or, il n’y a aucune assurance que les autorités accepteront de le faire, et c’est d’autant plus vrai pour les permis de la catégorie gens d’affaires, avec lesquels les douaniers sont peut-être moins habitués, explique l’avocat Maxime Lapointe.

Et lorsqu’il faut compter près de six ans, en moyenne, pour avoir la résidence permanente, cela signifie qu’il faut faire ce processus de renouvellement de permis au moins trois fois, précise-t-il.

Se priver d’investissements

Mais les ennuis ne s’arrêtent pas là. Avec leur statut temporaire, la famille Cloart et la famille Leroy font face à d’autres difficultés. Ils ne peuvent pas, par exemple, souscrire à une assurance-médicaments ou à une assurance maladie pour couvrir des frais de physiothérapie ou de soins dentaires.

Ce sont toutes des barrières comme ça. On n'a pas les mêmes avantages que les Québécois, constate Rébecca Cloart.

« On vit comme les Québécois. On travaille. On paie nos impôts. Nos enfants sont scolarisés. On est vraiment bien entrés dans le système, mais on ne se sent pas comme les Québécois. »

— Une citation de  Rébecca Cloart, immigrante ayant déposé une demande de résidence permanente

Me Lapointe ne s’explique pas que le gouvernement provincial ne soit pas plus enclin à hausser ses seuils pour accélérer le traitement de ce type de dossier d’immigration pourtant payant pour le Québec, puisque ce sont des gens qui viennent ici créer de la richesse sans demander de support de l'État.

Il y a des gens dans le programme immigrant-investisseur qui sont sélectionnés par le Québec et qui refusent de faire leur investissement de 1,2 million à Investissement Québec parce qu'ils voient le délai de traitement de 67 mois, affirme l’avocat.

Des consultations à venir

Interrogé sur la raison pour laquelle le Québec n’accepte pas plus de 4300 immigrants issus de la catégorie gens d’affaires, cette année, le cabinet de la ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Christine Fréchette, assure qu’il comprend les difficultés.

 

Christine Fréchette devant de nombreux micros.

Christine Fréchette, ministre de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration du Québec (Photo d'archives)

PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / JACQUES BOISSINOT

Nous sommes sensibles aux impacts que les délais de traitement peuvent avoir sur les personnes immigrantes, explique par écrit l’attaché de presse de la ministre, Alexandre Lahaie.

Le Québec a établi ses seuils d’immigration permanente pour 2023 en se basant sur la planification pluriannuelle qui s’est déroulée en 2019, explique-t-il.

Sans s’avancer sur une possible augmentation des seuils, M. Lahaie rappelle que de nombreux groupes auront bientôt l’occasion de se faire entendre en prévision de la prochaine planification pluriannuelle de l’immigration au Québec.

« Plus tard cette année, nous allons tenir des consultations afin de planifier notre immigration pour les quatre prochaines années. Ce sera alors l’occasion pour les parties prenantes, les partenaires et la société civile de se faire entendre. »

— Une citation de  Alexandre Lahaie, attaché de presse de la ministre de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration

Pour Lionel Leroy, cependant, un fait demeure. Ayant tout vendu en France, il hésite toujours à investir ses capitaux au Québec, étant donné que son avenir ici restera précaire pour encore au moins quelques années.

Faire le pari de commencer une nouvelle vie dans un pays et d'avoir un statut aussi précaire pendant un laps de temps aussi long, ce n'est pas raisonnable, dit-il.

L’interminable attente des immigrants entrepreneurs au Québec | Radio-Canada.ca

 

 

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