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Moi, je pense que…très bien lire et bien comprendre avant de donner son opinion.


chamy

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Allo. Ce sujet traite ce que vie les animateurs et croniqueurs, mais aussi les matières grises qui sont nécessaires pour bien échanger nos opinions constructives pour tous, n'en cesse bien lire et comprendre sur n'importe quel sujet compris l'humain les régions leur histoire leur valeurs leur particularité, avant d'être incompris et donc rejeté.... 

Donc merci à ceux ou à celles compris ce bon journal de cette bonne remarque de base.. 

Bonne lecture.. 

 

...............  Extrait du bon journal  la quotidienne # l'actualité #.............. 

Moi, je pense que…

Animatrice, chroniqueuse, productrice, Marie-France Bazzo publie Nous méritons mieux, un essai où elle réfléchit aux travers des médias québécois. Dans l’extrait qui suit, elle déplore la trop grande place accordée à l’opinion de tout un chacun, un phénomène auquel elle avoue avoir elle-même participé.

4 novembre 2020
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Images sources : Robert Recker / Getty Images et Glowimages / Getty Images ; Montage : L'actualité

Au printemps 2019, après trois saisons de commentaires radiophoniques quotidiens à Radio-Canada et au 98,5, j’ai décidé de faire une pause. J’en avais marre de donner une opinion (ou deux) par jour. Il était arrivé, cette dernière année, que l’équipe de Paul Houde me demande, à dix minutes d’entrer en ondes, d’oublier la chronique prévue pour commenter à chaud la nouvelle qui venait de tomber. Oui, j’adore le direct, les revirements de situation, le travail héroïque produit dans des conditions de stress extrême. J’ai animé et décrit en direct les événements du 11 septembre 2001 à Indicatif présent, j’ai ressenti la décharge d’adrénaline que procurent les brusques changements de programme, mais là, ces derniers temps, en ce qui concernait ma modeste chronique, même si je comprenais complètement les contingences et les enjeux de l’équipe de production, ces demandes venaient me heurter profondément comme ça ne l’avait jamais fait auparavant. J’ai livré la marchandise tout en trouvant que c’était, justement, de la marchandise.

Une opinion honnête, je crois, doit se nourrir d’expérience et de vécu, certes, mais surtout de travail, de recherche et, plus encore, d’un temps de réflexion, de maturation. Ça implique au minimum quelques heures de recul et de contextualisation. Sinon, une tribune téléphonique et l’avis de n’importe quel quidam feront l’affaire. En fait, ce qui me bousculait était toute une conception de l’information. Bien vite, je me suis mise à compter les chroniques me séparant de la fin de cette saison radiophonique. Ma décision était prise. Je n’avais plus envie de nourrir la machine à forger l’opinion, du moins pour un temps. J’avais envie de recul, de silence radio, de temps long. De lire des reportages étoffés sur des sujets même pas nécessairement d’une actualité brûlante, de voir des documentaires qui approfondiraient ma réflexion sur notre monde.

J’ai choisi de marquer une pause par rapport au micro de commentateur. J’ai débarqué de la machine. J’étais tannée de m’entendre « opinionner » sans recul.

Une chronique d’opinion peut — c’est d’abord son rôle — servir à éclairer le débat, proposer une vision originale, apporter un angle nouveau, aider le citoyen à se faire lui-même une tête et, ultimement, enrichir la conversation politique ou sociale. Je crois modestement y être parvenue à quelques reprises, amenant sur la table des thèmes peu fréquentés ou réitérant l’importance de parler de certains sujets qui ne sont que très rarement dans l’air du temps : culture, analphabétisme, éducation. En général, cependant, il faut suivre le train : c’est le mandat des émissions quotidiennes, qu’elles soient diffusées sur les ondes publiques ou privées.

Résultat : l’opinion pullule, elle est la matière première des émissions, puisqu’au total elle coûte beaucoup moins cher à produire que l’information brute. Elle est le pain et le piment à la fois. On demande leur opinion aux chroniqueurs, mais aussi aux experts et aux personnalités invités. Chacun étale la sienne, puis l’animateur en ajoute une couche. Souvent, d’ailleurs, on le ou la choisit parce qu’il ou elle est « homme ou femme d’opinion ». Les spécialistes d’un sujet ne se contentent plus d’éclairer le public par leurs connaissances approfondies d’un domaine, ça pourrait l’ennuyer ! On leur demande d’orienter leur propos, car ça le rendra plus croustillant.

Les pages des journaux sont gonflées par les « opinionneurs ». Les humoristes s’en mêlent, pourquoi pas ? On demande aux invités des talk-shows leur opinion éclairante sur le sujet de l’heure. Bref, plus moyen de faire un pas sans s’enfarger dans une opinion toute fraîche. Il y a des opinions sur tout, dans tous les domaines, sur le fait le plus anodin. Rappelons-nous le météogate de l’Halloween 2019, devenu un enjeu sociétal… Il y en a aussi sur les grands thèmes qui animent le corps social. La lumière est faite sur tout, la clarté devient aveuglante. Plus de subtilité. Tous commentent le sujet du jour, la plupart du temps avec le même avis ou sous le même angle. Ou alors, à partir du point de vue exactement opposé, comme une métaphore, ce qui enferme la réflexion dans une seule et même logique.

La durée de vie d’un sujet est, dans ces conditions, de plus en plus courte. Les opinions sont jetables, éphémères. Le lendemain ou le surlendemain, au maximum, plutôt que d’approfondir ou d’enrichir une nouvelle, d’en nuancer le propos, on passera à un prochain thème. Quitte parfois à aller jusqu’à se contredire, car ce qui compte n’est pas l’esprit de continuité, la réflexion qu’on pousse et qu’on explore, mais le fait de scorer. Peu importe si c’est dans un but épistémologique… Tsé, le public pourrait se lasser si on restait trois jours sur le cas d’un sujet qui en vaut la peine.

On pourrait presque croire qu’une conspiration médiatique pousse vers l’« opinionite » à tout crin. Mais d’où vient cette maladie de l’opinion à tout vent ? Je situerais l’origine de cette pathologie du journalisme à il y a environ vingt ans. Les raisons en sont multiples. D’abord, une évidente économie pour les patrons de la presse écrite, puisque c’est de l’écrit que provient l’épidémie. Cela coûte infiniment moins cher de faire écrire une chronique à un columnist que de mettre une équipe d’enquête à l’œuvre pendant des jours, voire des semaines. D’autant que, désormais, une grande partie des « opinionneurs » sont des pigistes payés à la pièce. Au début des années 2000, il y avait encore peu de chroniqueurs dans les journaux. Il s’agissait de vedettes qui étincelaient ; on pense par exemple à Pierre Foglia. Leur style et leurs tribunes se démarquaient justement parce que ces columnists étaient soutenus par un solide fonds journalistique sur lequel ils brillaient. C’est un peu la même dynamique avec les chroniqueurs flamboyants qui, par essence, se distinguent des critiques, plus retenus.

 

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Les coûts, donc, comme un impératif devant cette crise des médias qui se dessinait. Une recherche des noms qui claquent, des vedettes aussi, un peu par mimétisme du monde de la télévision. D’ailleurs, aujourd’hui, plusieurs « opinionneurs » vedettes ont aussi leurs tribunes à la radio et à la télévision, sont des stars des réseaux sociaux. Quant à ces derniers, justement, ils ont contribué à propulser les opinions, dont les segments, découpables à l’infini, se retrouvent sur les plateformes de leurs médias d’origine, bouclant la boucle et attirant les clics dont se régalent les patrons des médias.

Certains événements de l’actualité québécoise auraient aussi contribué à systématiser l’« opinionite », les proprios de presse comprenant très vite l’attrait des jugements tranchés sur la crise des accommodements raisonnables, sur la charte des valeurs, sur la grève étudiante de 2012, qui ont vu le genre prospérer. Nous vivons donc aujourd’hui l’apothéose de l’opinion.

C’est un système bien huilé, qui fonctionne à merveille, vers lequel tout le milieu des médias pousse, autant que les algorithmes des réseaux sociaux. Très régulièrement, le rédacteur en chef d’une émission, le responsable des réseaux sociaux d’un média, le chef recherchiste d’un show vous engagera, subtilement ou non, à aller vers des propos plus punchés, plus spectaculaires. C’est souvent implicite, mais on comprend : la concurrence a engagé des grandes gueules… parce qu’elles sont de grandes gueules ! Il y a émulation dans l’intensité et, du coup, le niveau sonore monte. On diffusera les extraits des meilleures montées de lait sur les réseaux sociaux. On fera des promos radiophoniques juteuses avec les propos les plus croustillants, on attirera les annonceurs avec la promesse d’un contenu qui rapportera son lot de clics.

C’est ainsi que j’ai vu le segment « La commission » de Puisqu’il faut se lever, animée par le grand Paul Arcand, un des moments les plus écoutés de cette émission déjà numéro un au Canada, se transformer progressivement. Au départ, quand Paul nous a demandé, à Mario Dumont et à moi, de nous prêter au jeu misant sur les divergences d’opinions et sur un casting contrasté (rat des champs, rate de la ville !), nous nous attendions à être parfois en désaccord, mais souvent sur la même longueur d’onde. Notre dynamique était basée sur le respect mutuel, et nous fonctionnions par échange d’arguments plutôt que par coups d’éclat ou surenchère verbale. Cependant, au fil du temps et du succès, le lieu d’enrichissement du débat que se voulait la commission s’est transformé en foire d’empoigne, mettant à profit les qualités de grande gueule des protagonistes. Eh oui, j’ai joué dans ce film-là.

J’interprétais la fille de gauche, comme Mario était prisonnier, j’imagine, de ses arguments de gars de droite, même si, dans les faits, sur le plan social, il était plutôt libéral et qu’on se rejoignait idéologiquement assez souvent. Mais ça aurait donné des moments radiophoniques beaucoup moins divertissants, notamment sur la question du vélo en ville, sur celle de l’aménagement urbain, sur tous ces sujets tournant autour de la protection des espèces sacrifiées au nom de l’impératif de la consommation et du développement. Je me souviens de combats oratoires ostentatoires et épiques sur la couleuvre brune de l’échangeur Turcot, menacée de disparition par les travaux qu’on y projetait…

Cette commission aura servi de modèle à beaucoup d’émissions de notre paysage médiatique. Elle est devenue un classique de l’opinion. Elle aura aussi contribué à monter le volume de l’« opinionite ».

À double titre, j’ai participé à la surabondance de l’opinion, et je le ferai sans doute encore. D’abord, ces dernières années, comme chroniqueuse. Et aussi comme animatrice et productrice, mettant en ondes et en scène des voix puissantes au fil d’émissions à la télé et à la radio, d’Indicatif présent à C’est pas trop tôt, en passant par BazzoTV.

Au début, il y a une bonne vingtaine d’années, à la quotidienne Indicatif présent, l’opinion, et surtout l’opinion variée, issue de points de vue différents, émanant de familles idéologiques diverses, était plutôt marginale à Radio-Canada. J’ai vu l’utilisation des « opinionneurs » se généraliser jusqu’à devenir une pratique courante. Plus une émission politique, de variétés ou sportive sans son panel, ses ex, ses analystes maison, ses commères. J’ai énuméré plus haut quelques raisons qui ont encouragé cette pathologie, mais j’ajouterai un facteur psychologique : le besoin d’identification. Tout le monde a une opinion. Je me reconnais dans celle de Monsieur X ou de Madame Y, il ou elle me parle. À moi, directement. Ils me représentent. Ce journal, cette radio m’accorde une voix, propulse mon mal-être ou ma colère. Ça donne, à la longue, une société qui trépigne, qui crie son impuissance, puis qui passe sans plus d’émotions à un autre appel…

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