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Immigration - Pièges et paradoxes de l’intégration au travail


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Immigration - Pièges et paradoxes de l’intégration au travail

Marie-Andrée Chouinard 1 décembre 2012 Actualités en société

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Photo : Jacques Nadeau - Le Devoir

Les chiffres sont là pour montrer les écueils gigantesques sur la route de l’intégration socio-économique des nouveaux arrivants.

Les immigrants arrivent au Québec forts d’une conviction que leur vie professionnelle y sera douce et belle. Mais une série d’obstacles séparent le rêve de la réalité, rimant avec discrimination, incapacité à reconnaître leurs compétences et politiques brouillonnes.

Au Québec, 2010 fut une année record pour le nombre d’immigrants admis (53 981). Année record d’entrées, dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre où les promesses d’emploi servent d’appât convaincant, mais constituent en réalité un mirage : une fois les immigrants installés au pays, la déqualification, le chômage et la pré- carité sont trop souvent au rendez-vous.

Les paradoxes affluent dans ce dossier complexe. Avec celui-ci au sommet des incompréhensibles : la politique d’immigration du Québec va jusqu’à cibler ses besoins d’immigrants de manière très spécifique, mais la politique d’intégration de ces mêmes immigrants ne suit pas la cadence. Résultat ? Des immigrants surqualifiés peinent à trouver un emploi, ou échouent dans des profils qui n’ont rien à voir avec la formation acquise dans leur pays.

Les chiffres sont là pour montrer les écueils gigantesques sur la route de l’intégration socio-économique des nouveaux arrivants : taux de chômage deux fois plus élevé chez les immigrants que chez les natifs (14,2 % contre 7,1 %) et taux de faible revenu 2,7 fois plus important pour les premiers que pour les seconds.

L’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) le rappelait cette semaine dans une note percutante : « La situation est quand même assez grave. Si on en est là, c’est en raison de plusieurs obstacles. Pas un seul. D’où la difficulté à régler le problème. »

Marie-Thérèse Chicha est heurtée de plein fouet par « le problème » dans le cadre de son travail. D’un côté, la professeure à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal reçoit les commentaires d’employeurs qui sont encore remplis de craintes en ce qui concerne l’embauche de travailleurs immigrants pourtant tout à fait qualifiés. De l’autre, elle reçoit les confidences de nouveaux arrivants incapables de percer le marché de l’emploi, ou en tout cas à la hauteur de leurs compétences.

« Il n’est pas exagéré de parler de discrimination du côté des employeurs », comme l’a montré d’ailleurs la Commission des droits de la personne et de la jeunesse dans un avis paru en 2011. « Ils ont des craintes devant un CV pourtant très impressionnant. Et leurs craintes sont liées à des préjugés. Ils ont peur des accommodements raisonnables, imaginent que des candidats pourraient demander des congés religieux ou vouloir prier en plein travail, et ils refusent des candidatures sur la seule base d’un accent différent, relate Mme Chicha. Nous sommes loin des problèmes de déqualification dans ces cas-là. On parle de barrière discriminatoire, simplement. La force d’inertie est très grande chez les employeurs. Ils sont conscients du problème, mais ils ne veulent pas changer leurs manières de faire. »

Méconnaissance

La rupture est si vive entre la politique d’immigration et celle de l’intégration que des agents pourtant essentiels de la première ligne, en lien direct avec les nouveaux arrivants qui cherchent un boulot, ne connaissent pas du tout les ressources qui existent. « Nous avons mis en place des projets fabuleux pour aider les immigrants à s’intégrer, mais il est sidérant de voir à quel point les acteurs de première ligne n’en sont même pas informés », explique Frédéric Boisrond, directeur général du CAMO-PI (Comité d’adaptation de la main-d’oeuvre, personnes immigrantes), dont la mission est précisément de soutenir tous les milieux (privé, public, parapublic, communautaire et syndical) pour favoriser l’intégration socio-économique des immigrants.

C’est en partie cette absence de fluidité entre l’arrivée et la recherche d’emploi qui plonge nombre d’immigrants dans des « pièges ». « Comme celui de prendre n’importe quoi comme emploi parce qu’on est coincé, forcé de payer des comptes, d’éponger des dettes parfois qu’on a laissées derrière ou soutenir une famille qui est restée à l’étranger », raconte M. Boisrond. Le premier emploi, parfois de manoeuvre même pour quelqu’un dont la formation universitaire le destinerait à un travail de professionnel, s’avère parfois une prison. « Parce que la personne n’arrive plus à chercher autre chose et parce que cela figure à son dossier comme une incohérence. »

La semaine dernière, une centaine de médecins d’origine maghrébine - précisément un bassin d’immigration vers lequel le Québec se tourne, question de langue - ont frappé à la porte du CAMO et M. Boisrond les a entendus. Ils étaient coincés.

« On ne leur reconnaît pas les compétences pour devenir médecins, alors ils ont dit : “ On veut travailler. On est prêts à devenir infirmiers. ” Mais ils sont surqualifiés pour être infirmiers. Ils ne savent plus quoi faire ! Partout, ils sont bloqués. »

Une formation utile ?

Rigidité des ordres professionnels, et ce, malgré une pléthore d’ententes de reconnaissance des qualifications professionnelles signées au fil des ans ? « On parle des bénéfices de la diversité, mais sur le terrain, une fois franchi le cap théorique, on comprend à quel point les rigidités sont encore là, dans les corporations et surtout du côté des employeurs », explique Marie-Thérèse Chicha qui, avec son collègue Éric Charest, a signé L’intégration des immigrés sur le marché du travail à Montréal : politiques et enjeux.

Des dentistes pourtant bardés de diplômes se retrouvent à faire une formation d’hygiéniste dentaire afin de pouvoir occuper leurs journées. « C’est un piège, dénonce Mme Chicha. Parce que cela n’honore pas du tout leurs vraies compétences, parce qu’ils n’ont pas un salaire suffisamment élevé. C’est un recul pour eux alors que c’est souligné comme un progrès par les autorités responsables. »

Idem du côté des ingénieurs, à qui on ne reconnaît pas les compétences et qui se retrouvent à suivre un certificat de perfectionnement que les employeurs regardent ensuite de manière suspicieuse, comme s’il était inquiétant qu’on les ait redirigés vers un tel complément d’information. « Plutôt que de les aider, la forma- tion qu’on leur fournit leur nuit ensuite ! »

Les solutions ? D’abord, une meilleure coordination entre les voeux d’immigration et nos manières de soutenir ceux qu’on accueille. « Et moins d’hésitation du côté gouvernemental pour intervenir du côté des employeurs, car c’est là que le bât blesse », insiste Marie-Thérèse Chicha, qui observe le passage d’un concept d’égalité et de lutte contre la discrimination, beaucoup plus coercitif, à un concept de diversité, infiniment plus volontariste, comme une porte ouverte vers le flou artistique.

source : http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/365329/pieges-et-paradoxes-de-l-integration-au-travail

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