Habitués LeBalladin Posté(e) 7 août 2011 Habitués Posté(e) 7 août 2011 Je viens de passer quelques jours à Lethbridge, au sud-ouest de l'Alberta, quatrième ville de cette province si j'ai bon souvenir (après calgary, edmonton et red deer) en compagnie de quelqu'un qui s'y trouve en situation réelle d'y trouver du boulot après avoir déjà pris un logement. Cette personne a osé cela après avoir pris contact avec des gens de la même religion, en l'occurence les témoins de jéhovah. Soit dit en passant, c'est un moyen de s'intégrer parmi la population locale qui fonctionne pour beaucoup d'immigrants, de se mettre dans ce genre de groupe. Il y a une myriade de sectes évangélistes qui accueillent les gens issus de tous horizons. (Pour moi ce n'est pas possible car je suis un mécréant.) Lethbridge est avant tout une ville de mormons. On voit leurs églises partout. Les mormons ne sont pas spécialement visibles. Ce qu'on voit par contre, bien représentés, sont les mennonites, tous avec leur allure nord-européenne, comme s'ils arrivaient directement de Hollande. Ils portent leurs vêtements rustiques, typiques du 19ème siècle et vivent dans les alentours de la ville. C'est aussi une ville universitaire. Il y a beaucoup d'étudiants, surtout dans la partie ouest qui est géographiquement séparée du reste par la vallée, un joli coin sauvage qui ressemble à un canyon. A part l'étudiant, l'habitant typique est ... un retraité. On y vient quand on est vieux. A part le quartier ouest, le reste de la ville est séparé en sud et nord. Le nord comprend la zone industrielle. Le centre ville se trouve au sud. Dans le sud aussi se trouve un "collège", centre d'enseignement supérieur non universitaire. Dans toute la ville, plusieurs lignes de bus permettent de circuler assez facilement. C'est compliqué par contre si on doit aller à l'ouest car on doit obligatoirement faire escale à l'université. Climat agréable, pour ceux en tout cas qui aiment la chaleur. Je me serais presque cru en Espagne. Ciel dégagé. Les gens disent qu'un vent fort souffle souvent, le "chinook", mais je ne l'ai pas senti. J'aurais aimé qu'il souffle, ceci dit, et qu'il chasse les moustiques car il y en avait trop à mon goût. Les pelouses sont arrosées. Beau à voir mais si on marche dessus on réveille des nuées de ces petites saloperies nerveuses et toujours assoiffées de sang. Produit "off" indispensable. Dans le centre, on trouve une grosse et dynamique agence d'accueil des immigrants, proche d'une galerie marchande (un "mall" dirait on ici), proche aussi d'une grosse librairie Chapters, tout un symbole comme quoi on trouve ici des gens capables d'acheter un livre. Dans les environs aussi, quelque chose d'important pour tout nouveau arrivant : des "thrift stores", magasins de seconde main, entre autres un gros Salvation Army généreusement pourvu. Boulot ... bon, c'est peut-être là que le bât se met à blesser. Enfin, pour moi qui suis à présent un "Yellowknifer", j'ai trouvé ridicule d'apprendre qu'il y a toute une file de gens qui briguent un poste à Maple Leaf, une entreprise agro alimentaire (dans la zone industrielle, au nord), pour aller y couper de la viande de porc. Les débutants ont droit au pire pendant quelques mois : éventrer les porcs. Ils gagnent 11 dollars de l'heure. Ils débutent à 6h du mat'. Ils doivent supporter les mauvaises odeurs ainsi que les puces porcines et diverses possibles maladies. Et pourtant, ils se pressent pour un job là-bas, juste parce qu'il y a des avantages sociaux, qu'il y a un horaire, que c'est à temps plein ... Mieux, apparemment, que d'aller dans la restauration rapide ou dans le nettoyage, boulots typiquement réservés à l'immigrant. Quelqu'un m'avait averti que les mormons sont racistes. Difficile à vérifier, évidemment. Toujours est-il que les immigrants "visibles" apparaissent à des fonctions relativement peu enviables, du style petit boulot. Je me suis trouvé souvent chez des gens d'origine amérique centrale, qui ont parmi quelqu'un d'origine canadienne. Logiquement, les voisins sont tout sourire avec lui mais ignorent les autres. Vu que je suis européen, je n'ai pas à m'en plaindre. J'ai vu quelqu'un du voisinage venir spontanément m'adresser à la parole, m'offrir son aide, etc. Agréable. Je suis à peu près sûr que pour quelqu'un de basané il ne l'aurait pas fait. La question aborigène se pose dans le "downtown" (centre ville). Beaucoup moins nombreux qu'à Yellowknife où je suis, les aborigènes ont cependant tendance à inquiéter les habitants, de par leur simple présence. Je ne sais pas quoi en penser. C'est sûr que, vu ce qu'on en raconte, je n'en menais pas large quand je devais prendre le bus greyhound de retour, vers minuit. Un ami canadien a tenu à m'accompagner en ces instants supposément difficiles, lorsqu'on se ballade avec des bagages. En journée, une étonnante créature dotée d'un corps de walkyrie et de tresses blond doré, mais qui se considère comme aborigène, s'est presque blottie contre moi. Je crois que ce devait être une prostituée. Elle voulait me demander si je n'avais pas quelques dollars. Sa possible identité indigène m'est apparue à sa façon de mâcher ses mots, au fait qu'il lui manque quelques dents et que son visage était contusionné. Je reste à moitié choqué par cet incident grotesque. Il m'a beaucoup plu de revenir à Yellowknife, capitale des territoires nord ouest, et de profiter de sa fraicheur ainsi que de ses longues soirées. En revenant, j'étais fauché, donc je marchais le long de la route avec mes bagages. Comme d'habitude dans ce cas, quelqu'un s'est arrêté et est venu m'embarquer. C'est le genre de petite chose, peut-être un peu dérisoire, qui font que je me sens bien dans ce coin. cassis a réagi à ceci 1 Citer
Habitués LeBalladin Posté(e) 7 août 2011 Auteur Habitués Posté(e) 7 août 2011 A part la file d'attente de candidats pour aller éventrer des porcs chez Maple Leaf à 11 dollars de l'heure, j'ai trouvé une autre raison de douter de la santé du marché de l'emploi à Lethbridge. Au centre de service aux immigrants, j'ai reçu comme conseil de me présenter à un centre d'enseignement pour adultes car il était envisageable que j'y oeuvre comme professeur d'anglais pour immigrants. J'ai vu la personne qui gère ça. C'est au moins quelque chose de bien et de sûrement différent par rapport à l'Europe, où les employeurs vous contemplent d'un air hautain et vous disent "vous pouvez nous envoyer votre cv" par l'intermédiaire de leur secrétaire. Je me suis demandé si elle voulait être décourageante, car elle m'a dit qu'il s'agit surtout de réfugiés politiques, dont une grande partie viennent de pays aussi lointains que le Népal et qui, dans leur propre langue, sont illetrés, et qu'il faut compter un an pour les rendre aptes à écrire leur nom en caractères latins. Qui plus est les classes ne sont pas homogènes. Je lui ai demandé alors si, en plus, il faudrait avoir une certification comme enseignant pour faire ça. Elle m'a répondu que oui. Bref, c'est à peu près le même bordel qu'en Europe. Et bien entendu, pour le moment il n'y avait aucun poste à pourvoir. Je ne sais pas si elle disait vrai. Il se pourrait que ce genre de poste soit réservé à un club de copains, comme ça se fait habituellement au Canada (comme en bien d'autres pays), et qu'on repousse tout "outsider". Tendance qui ne devrait que s'approfondir au fil du temps. Pour en revenir à Maple Leaf, un autre signe d'affaiblissement du marché de l'emploi : anciennement on prenait là des gens qui ne connaissent pas du tout l'anglais, mais maintenant, on leur exige de pouvoir se faire comprendre et de comprendre ce qu'on leur raconte. C'est le genre de chose qu'on ne commente jamais à une personne qui va s'installer quelque part. Seulement sur place, en grattant un peu, l'envers du décor devient visible. Je suggère donc à chaque personne qui va en mission d'exploration de se faire passer pour quelqu'un qui vit déjà là. cassis a réagi à ceci 1 Citer
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