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Quand les Français larguent « du coup » pour « faque »


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PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Nadège Fournier, doctorante en linguistique à l’Université de Montréal

Faque ? Qu’est-ce qui fait que des Français qui s’établissent chez nous laissent tomber leur « du coup » caractéristique pour adopter le « faque », si cher aux Québécois ? Tsé, que certains absorbent l’accent d’ici, et d’autres pas ? C’est ce que tentent de comprendre deux chercheuses de l’Université de Montréal.

Publié à 1h41 Mis à jour à 5h00 
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Quand elle est arrivée dans la métropole il y a sept ans, la Française Nadège Fournier a constaté avec étonnement que ses compatriotes installés ici avaient parfois un tout autre accent que le sien.

Étudiante en linguistique, elle a fait de sa question un projet de doctorat pour savoir dans quelle mesure les Français installés à Montréal adoptaient des éléments du français québécois. Pour y répondre, elle a fait équipe avec Julie Auger, professeure au département de linguistique et de traduction de l’Université de Montréal.

Elles ont interrogé sur plusieurs années 35 Français, hommes et femmes, tantôt fraîchement débarqués à Montréal, tantôt ici depuis plus de huit ans.

 

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PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Julie Auger, professeure du département de linguistique et de traduction de l’Université de Montréal

Déjà, un constat se dégage : il est « très fréquent » que le « du coup » soit remplacé par « fak », ou « faque ».

« En France, beaucoup de personnes critiquent les plus jeunes, en particulier, qui disent “du coup” tous les trois mots. Les personnes qui sont ici acquièrent le “faque”. Elles ne le prononcent pas tout à fait comme nous, souvent elles disent “féque”. Mais on voit que c’est quelque chose qui s’intègre dans leur parler », dit Mme Auger.

Autre observation : plus elles sont au Québec depuis longtemps, plus le « voilà », tend à être remplacé par « c’est ça ».

La professeure Auger constate que des Français, entre eux, disent parfois que pour s’intégrer au Québec, mieux vaut ne pas garder sa façon de parler.

« Il se dit que si vous parlez toujours à la française, avec la bouche en cul de poule, comme on dit, vous risquez d’être laissés de côté », dit Julie Auger.

Certains participants ont confié qu’ils aimeraient bien parler comme les Québécois, mais craignent que ce ne soit perçu « comme une moquerie », dit Nadège Fournier.

En général, les participants disent que l’accent et les mots [du français québécois] ne les dérangent pas, mais une bonne partie n’aime pas la syntaxe. Ils trouvent qu’il y a des fautes de français, à l’oral, ou dans les articles journalistiques. On me donne des exemples comme “j’ai tombé”, ou “je vas” au lieu de “je vais”.

 Nadège Fournier, doctorante en linguistique à l’Université de Montréal

Mme Fournier ajoute qu’en sa qualité de linguiste, elle « ne juge pas ».

Des participants ont également dit qu’ils corrigent leurs enfants quand ils commettent de telles fautes, mais « mettent des “tabarnak” dans les entrevues », dit Nadège Fournier en riant.

À cet égard, Julie Auger explique que les études en sociolinguistique montrent que les gens ont avantage à parler comme les personnes qui les entourent. « On le fait de façon inconsciente. On le fait parce qu’on veut établir des liens, bâtir quelque chose ensemble », explique-t-elle.

Toé et moé, de la France au Québec

Les participants qui ont été interrogés viennent de Paris, mais aussi du nord et de l’ouest de la France, des régions où le parler français partage des traits avec le français québécois.

Moé, toé, ça existe en Normandie. On peut dire croére au lieu de croire. Dire asteure pour maintenant, c’est quelque chose qui a existé partout en France, mais qui n’existe plus en bon français. C’est disparu à Paris, mais ça se maintient dans l’ouest et le nord de la France.

 Julie Auger, professeure du département de linguistique et de traduction de l’Université de Montréal

Dans le cadre de cette étude, on cherchera donc à savoir si les personnes de ces régions sont plus enclines à adopter du vocabulaire ou des tournures de phrases québécoises contrairement à des Parisiens, par exemple, qui pourraient être plus résistants au fait de modifier leur français.

Prennent-ils d’autres plis d’ici ? Julie Auger fait remarquer que les Français utilisent très peu l’inversion quand ils posent des questions. Ils diront « tu viens me voir demain ? » plutôt que « viens-tu me voir demain ? ».

« Au Québec, c’est une construction qu’on utilise beaucoup. Ce n’est pas familier, ni non standard. En fait, les Français trouvent qu’on parle bien, quand on dit ça », dit Mme Auger.

L’acquisition d’une autre variété de sa langue varie en fonction du parcours individuel de chacun : avec qui on partage sa vie, avec qui on travaille, ou pas. « Il y a énormément de facteurs qui varient », dit Julie Auger.

Nadège Fournier est un bon exemple de l’influence de l’entourage : pendant quatre ans, elle a partagé sa vie avec un Beauceron.

« À ce moment-là, j’ai adopté plus d’éléments québécois », dit-elle. Elle s’entendait alors dire « tsé » ou « en tout cas » en début de phrase, a adopté le « moé itou », ou le « mais que je fasse ça ».

Mais elle constate que depuis trois ans, sa façon de parler a changé à nouveau. « C’est dynamique », dit-elle.

 
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  • 65 550
    Nombre de Français vivant à Montréal
    SOURCE : CONSULAT GÉNÉRAL DE FRANCE À QUÉBEC 

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