Aller au contenu

On est d'où on est, plutôt que d'où on vient.


Messages recommandés

Posté(e)

Une chronique tiré du journal de Montréal, Franco Nuovo est d'origine italienne et parle de la langue d'apprentissage d'accueil :

Franco Nuovo

Langue maternelle

Le Journal de Montréal

10/05/2006 11h24

À l'époque, nous n'étions pas 50 % à cocher le français comme langue maternelle. À l'époque, c'est quand j'étais gamin, à la fin des années 1950, mais surtout au début des années 1960.

Et il est vrai qu'à part des Italiens et des Juifs, séfarades pour la plupart, y avait pas beaucoup d'immigrants au Québec, même à Montréal. La première vague d'Haïtiens fuyant Papa Doc ayant commencé à arriver un peu plus tard; les Grecs échappant aux colonels, aussi; puis des Chiliens se sauvant de Pinochet, etc. Que de vagues jusqu'à aujourd'hui.

Et voilà que sur les 73 000 élèves que compte la CSDM, à peine un jeune sur deux coche le français comme langue maternelle. Doit-on s'inquiéter?

Moi non plus, je ne cochais pas «français». Me sentant différent, j'en étais mal à l'aise. Mais ça, c'est le lot de l'immigrant et de ses enfants. J'étais bien obligé de cocher «autre» parce que jusqu'à l'âge de trois ans, je ne disais pas un mot de français. À la maison, tout se passait en italien. C'est après que tout a changé. Toutefois, j'ai longtemps continué à cocher «autre» ; parce que chez nous, comme le souhaitait papa, l'italien primait. Bien sûr, avec ma soeur, ma mère souvent aussi, on échangeait en français. Plus on vieillissait, plus la langue nous était naturelle, mais ça n'en faisait pas pour autant la langue maternelle.

Aujourd'hui, le taux de natalité des Québécois est si faible et l'immigration si présente que tout d'un coup, on s'inquiète. On peut bien rêver à un projet de politique interculturelle, mais je ne suis pas sûr que la solution se trouve là. Surtout si on maintient une politique linguistique ferme.

L'intégration n'a rien à voir avec la langue parlée à la maison. L'intégration, principalement pour une deuxième génération d'immigrants, a à voir avec la vraie vie, celle menée à l'extérieur, dans la rue, à l'école, partout. Je vous rappelle qu'on parle ici d'enfants d'immigrants. Pour cette génération-là, l'intégration est possible, réalisable, voire facile. Alors que pour la première, le plus souvent, tout n'est que déracinement.

Au lendemain d'une guerre qui l'a repoussé comme une bouteille vide jusqu'à un rivage du nord de l'Amérique, mon père a échoué presque par hasard au Québec. Il a toujours été, jusqu'à sa mort, déraciné, à cheval sur deux continents et sur deux cultures, une qu'il avait en dedans et une autre qu'il ne comprenait pas toujours.

Or, faisant fi des affronts qu'impose inexorablement l'exil, gardant la tête haute, ne baissant jamais ni les yeux ni les bras, il s'est battu pour donner aux siens, à ses enfants ce qu'il n'avait plus: des racines.

Remarquez, à une époque où il n'y avait pas de loi 101, mes parents ont délibérément choisi de nous envoyer à l'école française. En dépit du prix élevé de la solitude, papa a toujours refusé la sécurité illusoire des ghettos culturels et sociaux, préférant, par instinct peut-être, l'intégration des siens à la marginalisation des groupes.

Ti-cul, je jouais donc dans les ruelles avec d'autres ti-culs qui, avant même que l'école ne s'y mette, m'ont transmis leur langue. Elle n'en est pas pour autant devenue maternelle. C'est avec eux, cependant, les mêmes qui à l'occasion me traitaient de wop, que j'ai payé le prix de mon enracinement.

Les amis, les voisins, l'école m'ont donc transmis sans le savoir ce qu'ils avaient de plus cher, une culture autre que celle qui prévalait à la maison. Sans renier une mémoire qui n'était pas la mienne, mais celle de mon père, j'ai ainsi continué à chérir toute ma vie ce qu'il avait été et appris à aimer ce que j'étais devenu, un Québécois.

On ne peut être éternellement de partout, sans être de nulle part. C'est pour ça qu'il n'y a pas de quoi s'alarmer. Qu'importe que le français ne soit pas la langue maternelle d'un élève sur deux, parce que cet élève découvrira forcément un jour ou l'autre qu'on est d'où on est, plutôt que d'où on vient.

http://www2.canoe.com/infos/societe/archiv...510-112400.html

Rejoindre la conversation

Vous pouvez publier maintenant et vous inscrire plus tard. Si vous avez un compte, connectez-vous maintenant pour publier avec votre compte.

Invité
Répondre à ce sujet…

×   Collé en tant que texte enrichi.   Coller en tant que texte brut à la place

  Seulement 75 émoticônes maximum sont autorisées.

×   Votre lien a été automatiquement intégré.   Afficher plutôt comme un lien

×   Votre contenu précédent a été rétabli.   Vider l’éditeur

×   Vous ne pouvez pas directement coller des images. Envoyez-les depuis votre ordinateur ou insérez-les depuis une URL.

  • En ligne récemment   0 membre est en ligne

    • Aucun utilisateur enregistré regarde cette page.


×
×
  • Créer...
Ouvrir un compte bancaire avant mon départ
© 2024 immigrer.com

Advertisement