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Ils pourraient devoir quitter le Québec à cause d’une paie traitée en Ontario


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À l’heure où le gouvernement Legault veut plus que jamais prioriser l’immigration francophone, ses propres fonctionnaires menacent de rejeter la demande d’une famille belge pour une raison qui ne figure nulle part dans les critères de sélection du Québec : la paie du père est traitée dans une autre province.

J'ai un sentiment de rejet, comme si le Québec ne voulait pas de nous, tout simplement, déplore Corentin Lienart, 33 ans.

Sept mois après avoir déposé une demande d’immigration en vertu du Programme de l’expérience québécoise (PEQ), M. Lienart, sa femme et leurs deux fils restent plongés dans l’incertitude. Le délai de traitement de ce genre de dossier est pourtant de 47 jours en moyenne.

Malgré des tonnes de preuves envoyées au ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI), M. Lienart n’est pas parvenu à convaincre les fonctionnaires qu’il travaille bel et bien au Québec. C’est pourtant le cas.

D’origine belge, la famille Lienart s’est installée dans la région de Montréal il y a bientôt trois ans et n’a pas bougé depuis. Je travaille dans les hôpitaux du Québec, je paye mes impôts au Québec et je vis au Québec, résume le père, spécialiste clinique dans le domaine médical.

 

 

Corentin Lienart est spécialiste clinique dans le domaine médical.

PHOTO : CORENTIN LIENART

Son permis de travail, ses talons de paie, ses avis de cotisation, les multiples lettres rédigées par son employeur : tout confirme sa version des faits.

Or, l’État québécois en doute, car son employeur, Abbott Medical Canada, traite la paie de son personnel à partir de l’Ontario. Une adresse de Mississauga apparaît donc sur les feuillets fiscaux de M. Lienart.

« Je trouve que c'est un traitement assez inhumain et un peu irrespectueux des immigrants. On est considéré comme un numéro. »

— Une citation de  Corentin Lienart, candidat à la sélection permanente dans le volet « travailleurs qualifiés » du PEQ

Des intentions de rejet

Au début de sa demande de sélection auprès du MIFI, les choses se dessinaient plutôt bien pour M. Lienart.

Quand on a soumis notre demande de CSQ [certificat de sélection du Québec], en octobre 2022, les premières communications ont été quand même très, très rapides. On a rapidement eu la demande de passer le test des valeurs québécoises, qu'on a réussi.

Dès le départ, une lettre de son employeur indiquait noir sur blanc que M. Lienart travaille dans la province du Québec, comme l’exigent les critères du PEQ pour le volet des travailleurs qualifiés.

C’est en décembre dernier que ses ennuis ont commencé, lorsque le MIFI lui a signalé une première intention de rejeter son dossier en raison de documents manquants ou transmis dans un format illisible.

S’est alors amorcée une longue série de communications écrites, la plus récente étant datée du 16 mars dernier, dans lesquelles le MIFI a constamment exigé la transmission de nouveaux documents.

« Ça revenait toujours au motif principal, qui était que mon expérience québécoise n'était pas bonne parce que mon entreprise était basée en Ontario. »

— Une citation de  Corentin Lienart, candidat à la sélection permanente dans le volet « travailleurs qualifiés » du PEQ

L’entreprise Abbott Medical a pourtant transmis d’autres lettres au ministère dans lesquelles elle a indiqué être basée au Québec et fourni son numéro au registraire des entreprises.

Dans sa plus récente missive, Abbott Medical a même ajouté l’adresse de son siège montréalais, auquel M. Lienart est rattaché.

On a soumis ça le 20 mars et c'est un silence radio depuis quasi deux mois, alors que les preuves sont assez évidentes, je trouve, déplore M. Lienart.

Il remplit les conditions, assure une avocate

C’est également l’avis de Laurence Trempe, une avocate spécialisée en droit de l’immigration, qui a épluché les communications entre le MIFI et M. Lienart ainsi que les preuves fournies par ce dernier.

M. Lienart remplit les conditions. Il occupe légalement un emploi au Québec avec les critères requis [pour le PEQ], donc 24 mois sur 36 mois, dans un emploi qualifié. Pour moi, c'est hors de tout doute, tranche-t-elle en faisant référence à l’article 34 du Règlement sur l’immigration au Québec.

« On a ici quelqu'un qui est francisé, vit au Québec, a sa résidence au Québec avec sa conjointe et leurs enfants, a un permis de travail qui indique Montréal comme lieu d'emploi [...] et paye ses impôts au Québec. Les talons de paie montrent son adresse au Québec et il travaille au Québec. Il est où, le problème? »

— Une citation de  Me Laurence Trempe, associée chez Exeo et membre du conseil d'administration de l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration
 

 

Me Laurence Trempe, associée chez Exeo et membre du conseil d'administration de l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration

PHOTO : CAPTURE D'ÉCRAN / ZOOM

Me  Trempe confirme également avoir déjà traité des dossiers semblables à celui de M. Lienart et qu’ils ont été acceptés par le MIFI.

C'est marqué noir sur blanc que c'est le lieu où s'est exercé le travail qui est pris en considération et non la source de rémunération, rappelle Me Trempe, selon qui M. Lienart doit se battre jusqu’au bout.

Mauvaise foi

Interrogé par Radio-Canada au sujet des critères qu'il applique pour les travailleurs qualifiés qui veulent obtenir un CSQ en vertu du PEQ, le ministère a simplement répondu qu’il vérifie que le candidat habite bien au Québec et qu’il répond à un besoin de main-d’œuvre d’un employeur situé au Québec.

Une réponse dont s’insurge Me Trempe, car la notion de besoin ainsi que la localisation de l’employeur ne figurent ni dans le Règlement sur l’immigration au Québec ni dans le Guide des procédures d’immigration.

Ce n'est pas ça, les critères du Programme de l'expérience québécoise! On invente des critères! Me Trempe juge la situation décourageante pour les candidats à l’immigration comme M. Lienart.

« Selon moi, ici, on a un cas de mauvaise foi de la part du fonctionnaire. »

— Une citation de  Me Laurence Trempe, associée chez Exeo et membre du conseil d'administration de l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration

Sans nouvelles du MIFI depuis bientôt deux mois, M. Lienart craint la suite des choses. Ce n’est pas en Belgique qu’il souhaite faire sa vie mais bien au Québec. Et dans le contexte politique actuel, il s’explique mal l’hésitation de sa province d’accueil.

On est une famille francophone, insiste-t-il. Notre langue maternelle, c'est le français. On est établis ici depuis septembre 2020. On travaille. On participe au développement économique du Québec. Nos enfants vont à la garderie. [...] Visiblement, c'est comme si les preuves qu'on apportait n'étaient pas assez convaincantes.

Pour une fois article bien traité par le journaliste, les personnes ont tout respecté et là c'est totalement aberrant de la part du MIFI.

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Il devrait y avoir un ombusman pour ces cas.

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