What a Wonderful World

[Invité]

Hier, en fin de journée, cinq petits quartiers de Québec étaient amarrés aux pieds de la vieille ville. Dans le soleil couchant, à la Pointe-à-Carcy, un matelot de bronze regardait au loin avec tristesse. Un enfant de Québec, conscient du danger, ne sachant pourtant pas encore qu?il sombrera à bord de son cargo, qui appareille pour l?Angleterre en guerre. Un garçon qui s?embarque avec l?assurance de ses seize ans, saluant la capitale d?un coup de bonnet de laine forgée, d?un pas décidé, comme s?il allait sauter sur le pont du Crystal Symphony, dont on largue les amarres, tout à côté.

Je suis là, ma pitchounette sur les épaules et celle que j?aime dans mes bras. Et à l?instant même où le dernier cordage tombe à la mer, comme un cordon ombilical à peine sectionné, je lance à mes femmes : « Regardez, il bouge ! ». Car la masse prend vie, presque sans bruit. Puis, doucement, depuis les ponts, se fait entendre une musique, accompagnée du crissement d?un treuil. Une musique qu?on a entendue tant de fois, tant un tel hymne au Monde mérite d?être joué et rejoué.

Qui, de Québec ou de cette musique, jouée pour elle, jouée pour nous, me faisait le plus rêver ? Moi qui rêvait à cause de l?une et de l?autre, comme jamais j?avais rêvé du Monde, devant cette ville, ma ville qui redonnait un géant à la mer, « là où le fleuve se rétrécit », là où, à dire vrai, le fleuve commence à devenir une mer.

Grouillante et heureuse sur ses quais, Québec saluait ses visiteurs, les regardant s?éloigner, en écoutant tranquillement Louis Armstrong lui chanter le Monde. La dernière note, était-ce calculé, tomba au moment exact où les pales de la poupe se mirent à labourer lourdement les eaux sombres du Saint-Laurent. Elles y semaient du rêve dans une écume de bonheur. Elles y semaient des graines de Monde.

What a Wonderful World.

[Invité]

Plus qu'un texte, c'est de la poésie...

Superbe Stadak !

Bravo et merci

[chouchou22]

Très joli. Merci Stadak