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Questions d’images - J’ai choisi le Québec


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Questions d’images - J’ai choisi le Québec

La publication du livre de Frédéric Bastien, La bataille de Londres, la réaction éclairée de Lucien Bouchard, la motion de l’Assemblée nationale, l’arrivée de Justin Trudeau à la tête du Parti libéral du Canada furent récemment les ingrédients d’une discussion animée avec des amis. Sortie de je ne sais où, une question m’est adressée : au fait, pourquoi as-tu immigré chez nous ? Ma réponse est toujours la même : j’ai choisi le Québec.

J’y suis arrivé en septembre 1967. Le 17 exactement. Pour moi, c’était hier. C’était, comme dit la chanson, l’année de l’Expo. Le regard candide de ma jeune vingtaine et, en bandoulière, l’enthousiasme des coopérants.

Cette bande de jeunes diplômés privilégiés venait faire, en terre francophone, un stage professionnel civil de deux ans, en guise de service militaire (obligatoire à l’époque).

La réputation des Français laissait alors grandement à désirer, celle du « maudit Français » prédominait. Nous n’en saisissions ni l’origine ni la cause. Mais qu’importe. La rapidité et l’habileté de notre groupe à se faire accepter nous indiquaient qu’il y avait de l’espoir pour faire évoluer cette perception qui « agaçait » la relation France-Québec.

Une partie de notre mission au moins était claire : s’intégrer en douceur. Pour moi, comme beaucoup d’autres de mes comparses, ce sera mission accomplie ! Et l’objectif en valait la peine. Tous, nous nous souvenons aujourd’hui de cette époque frénétique avec grand plaisir et non sans nostalgie. La Révolution tranquille battait son plein. Nous étions les témoins d’un déploiement exceptionnel d’énergie, de réalisations et de réformes à tous les niveaux, culturel, social, économique, éducatif et académique. Des mots nouveaux résonnaient à nos oreilles, souveraineté et indépendance. Des mots forts pour nous jeunes Français, mais des mots oubliés de notre vocabulaire quotidien.

Nous allions, au Québec, en saisir toute la portée. Cela ne faisait pas de nous pour autant - loin de là - des souverainistes ou des indépendantistes, mais cela nous forçait à comprendre les raisons de ce mouvement nationaliste, de cette montée en puissance qui s’opérait dans la bonne humeur, pour ne pas dire la liesse la plus absolue. L’Osstidcho faisait grand bruit : Deschamps, Charlebois, Mouffe et Forestier nous amenaient à réaliser que le Québec possédait tous les ingrédients pour constituer autre chose qu’une « Belle Province ». Et puis, il y avait Miron, Godin, Aquin, Vigneault et tant d’autres. Le cinéma de Groulx, Jutra, Brault, Carle, Arcand, etc. Et bien entendu René Lévesque, Pierre Bourgault, Gilles Grégoire, Camille Laurin. Nous étions fascinés.

Le premier ministre Daniel Johnson avait accueilli, quelques mois auparavant, le général de Gaulle, qui devait lancer du balcon de l’hôtel de ville de Montréal son célèbre « Vive le Québec libre ! ». Ce même général qui avait favorisé et signé les accords de coopération dont nous étions les tout premiers produits… en sol canadien-français !

Imaginez avec quel bonheur et quelle curiosité, nous découvrions ce que voulaient dire ouverture, décontraction (le mot est faible), débats, émulation, nous voulions tout savoir et découvrir de ce Québec en mouvement. Je décidais d’en connaître les régions, de l’Abitibi à la Gaspésie, de la Mauricie aux Cantons de l’Est, du Lac-Saint-Jean à la Côte-Nord, et partout l’accueil était le même, fraternel, simple, intelligent, tolérant. Je fus subjugué par tous ces gens accueillants et, à dire vrai, parfaitement conquis. Tout contrastait dès lors avec les us de mon vieux pays, coincé dans ses codes et conventions, dans lequel il était fort difficile pour la jeunesse d’alors de se tailler un avenir. Nous étions à l’orée de mai 1968.

En nous familiarisant avec ce Québec en mutation, nous prenions également conscience de ce que représentait le Canada de l’époque, celui de Lester B. Pearson (qui démissionna en décembre 1967). La suite de l’histoire, vous la connaissez. Un certain Pierre Elliott Trudeau viendra donner la réplique, aux ténors de cette révolution, lancée sous Jean Lesage. Et qui n’avait de tranquille que le nom. Il mettra toute son énergie à défendre un autre idéal construit de toutes pièces. Je n’ai jamais pu saisir pourquoi. Je n’ai jamais pu y adhérer.

Avec le temps s’est troublé le souvenir de cette période idyllique. L’incompréhension aussi de ce peuple peu enclin à se re-solidariser. Le doute s’est installé. Le Québec est trop divisé aujourd’hui, séparé de lui-même. Le blâme, en premier lieu, revient sans doute à ces gouvernements péquistes incapables de livrer ce pour quoi tant d’autres se sont animés, battus, rassemblés puis déchirés.

Tout peut bien entendu se rationaliser, s’expliquer, se justifier, s’analyser. Les historiens, les journalistes politiques, les politicologues s’y emploient encore à longueur de journée. Pourtant, dans mon coeur reste un attachement profond à ce coin d’Amérique. Une terre que j’ai choisie, la seule terre qui m’ait donné une chance, une famille, des amis. Une terre que je ne suis pas près de renier et que je remercie encore tous les jours. Fût-elle ou non un pays.

Jean-Jacques Stréliski est professeur associé à HEC Montréal, spécialiste en stratégie de l’image.

source : http://www.ledevoir.com/politique/quebec/376260/j-ai-choisi-le-quebec

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