LEMONDE.FR | 24.03.06 | 18h10 ? Mis à jour le 24.03.06 | 19h11 Le président français a provoqué la surprise de ses partenaires de l'Union, jeudi 23 mars, dans la soirée, en se levant au début du discours de l'ancien président du Medef, Ernest-Antoine Seillière, qui avait choisi de s'exprimer en anglais. "On ne va pas fonder le monde de demain sur une seule langue et donc une seule culture, ce serait une régression dramatique", s'est indigné Jacques Chirac le lendemain, lors d'une conférence de presse. "Nous nous battons pour notre langue" mais "ce n'est pas seulement l'intérêt national, c'est l'intérêt de la culture, c'est l'intérêt du dialogue des cultures", a-t-il souligné. Dans la foulée, il a démenti avoir quitté la salle du conseil européen pour ne pas entendre Ernest-Antoine Seillière s'attaquer au "patriotisme économique" français. "LA LANGUE DES AFFAIRES" Selon la porte-parole de M. Seillière, l'ancien président du Medef a commencé son intervention en français pendant trois minutes en expliquant son parcours professionnel. Puis il a annoncé qu'il s'exprimerait ensuite "en anglais, la langue des affaires", soulignant qu'il représentait 20 millions d'entreprises situées dans 33 pays différents. Et c'est ce qu'il fit pendant sept minutes. Commentaire étranglé d'un diplomate : "Il n'y a pas une langue des affaires. Il y a autant de langues des affaires que d'économies." Après son geste de désapprobation, Jacques Chirac, qui était sorti accompagné des ministres de l'économie et des affaires étrangères, est revenu à la table des discussions une fois l'allocution d'Ernest-Antoine Seillière terminée. Son geste lui a valu des piques de ses partenaires européens, notamment du premier ministre luxembourgeois : "Je ne cesse d'être étonné que nos amis français nous invitent à nous exprimer en français alors qu'un certain nombre de leurs responsables, hors gouvernement, se font une joie de s'exprimer dans un anglais approximatif", a-t-il déclaré. La bataille du français L'anglais, le français et l'allemand sont les langues de travail de l'Union pour les documents et les réunions techniques. Mais 13 idiomes ont le statut de langue officielle avec interprétation simultanée et traduction au Parlement, à la Commission et au Conseil européen. Par ailleurs, les documents de travail sont presque tous rédigés et négociés en anglais, tout comme les communiqués de presse, avant d'être traduits, parfois avec plusieurs jours de retard. La France mène depuis des années une campagne pour éviter l'érosion de l'emploi de sa langue dans l'Union. Mais le français cède chaque jour plus de terrain à l'anglais. Le phénomène s'est encore accéléré depuis l'adhésion des pays de l'Est.