Alexandre Duval
Publié à 4 h 00 HAE
Annoncée l’an dernier, la réforme des programmes d’immigration du gouvernement Legault ne semble pas freiner le désir de nombreux travailleurs qualifiés de s’établir au Québec. Près de 155 000 demandeurs sont en attente dans le portail Arrima du gouvernement, a appris Radio-Canada, et de récentes données offrent un portrait très détaillé de leur profil sociodémographique.
Plus précisément, en date du 31 janvier dernier, ce sont 154 700 travailleurs qualifiés qui avaient une déclaration d’intérêt active dans le portail Arrima, c’est-à-dire qu’ils avaient déjà formulé une demande en bonne et due forme, toujours valide, dans le but d’immigrer au Québec de manière permanente.
En ordre décroissant, les Algériens semblent les plus intéressés par le Québec (20 465 demandes d’intérêt), suivis des Camerounais (17 249), des Marocains (14 073), des Sénégalais (13 088), des Égyptiens (10 969) et des Syriens (10 395).
Suivent les Tunisiens (8284), les Ivoiriens (6148), les Français (6091), les Indiens (6038), les Togolais (2705) et les Haïtiens (2579). Viennent ensuite une longue série de pays d’origine qui ont tous généré moins de 2000 déclarations d’intérêt.
Ces données, qui proviennent d’une demande d’accès à l’information disponible sur le site web du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI), démontrent que le Québec continue d’être attrayant, selon Me Maxime Lapointe, avocat en droit de l’immigration.
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Me Maxime Lapointe, avocat en droit de l’immigration
PHOTO : RADIO-CANADA / XAVIER GAGNON
L’an dernier, le gouvernement Legault avait annoncé une série de changements à venir dans ses programmes d’immigration économique.
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À compter de novembre 2024, par exemple, les travailleurs qualifiés qui déposeront une déclaration d’intérêt dans le portail Arrima devront démontrer une connaissance du français à l’oral de niveau 7 (intermédiaire) préalable à leur arrivée en sol québécois.
Des talents éventuellement écartés?
Cela étant, les données démontrent qu’à l’heure actuelle, à peine 30 000 déclarations d’intérêt actives, soit moins de 20 % du total, proviennent de travailleurs qualifiés ayant fait la démonstration de ce niveau de français.
Cette donnée a de quoi surprendre puisque la liste des pays d’origine démontre que la majorité des déclarations d’intérêt sont issues de pays francophones ou francophiles.
L’ex-directrice de la planification au MIFI, Anne Michèle Meggs, qui est d’ailleurs à l’origine de la demande d’accès à l’information qui a généré ces données, soupçonne que plusieurs demandeurs qui maîtrisent le français n’ont tout simplement pas passé le test de connaissance, peut-être en raison des coûts.
Or, lorsque le critère de connaissance préalable du français entrera en vigueur, en novembre, ces travailleurs seront-ils rejetés à tort par le système? Mme Meggs s’en inquiète, car cela priverait le Québec de talents qui répondent pourtant aux exigences linguistiques.
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Anne Michèle Meggs, ex-directrice de la planification et de la reddition de comptes au MIFI
PHOTO : RADIO-CANADA / ZOOM / CAPTURE D'ÉCRAN
Au moment d’écrire ces lignes, le MIFI n’avait pas encore répondu aux questions de Radio-Canada à ce sujet.
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Des travailleurs jeunes et éduqués
Les données démontrent par ailleurs que près des deux tiers (62,8 %) des déclarations d’intérêt sont faites par de jeunes adultes âgés de 18 à 35 ans. Plus de 7 demandeurs sur 10 (71,9 %) sont des hommes.
Presque la moitié ont un diplôme universitaire, qu’il soit de premier cycle (29,5 %) ou de cycle supérieur (19 %).
Environ 1 demandeur sur 10 (9,6 %) occupe une fonction de cadre supérieur ou intermédiaire, tandis que 31,2 % ont une profession exigeant un diplôme universitaire.
Selon Mme Meggs, le Québec aurait tout intérêt à prioriser ces travailleurs dans la planification de l’immigration.
Arrima est nettement préférable pour tout le monde, pour le gouvernement, pour la société, pour les personnes immigrantes, plutôt que de passer par toutes les étapes et des années de statut temporaire, dit-elle.
Me Lapointe ne partage toutefois pas son avis. Il donne en exemple les immigrants temporaires, comme les étudiants et les travailleurs étrangers, qui sont déjà au Québec, qui s’intègrent déjà et qui pourront éventuellement essayer d’immigrer en passant par le Programme de l’expérience québécoise (PEQ).
Je prioriserais quand même les gens au Québec versus des gens dans leur pays d'origine. Il y a déjà des gens au Québec qui sont sur les lignes de côté, illustre-t-il.
L’offre ne suffit pas
Par ailleurs, Me Lapointe maintient que les seuils d’immigration du Québec sont trop bas. En plus des 154 700 demandes d’intérêt actives dans Arrima, il rappelle que plus de 122 000 personnes étaient récemment en attente de leur résidence permanente dans la province.
C’est sans compter les autres immigrants temporaires actuellement au Québec, qui pourraient bientôt déposer une demande de sélection permanente.
Selon Me Lapointe, il y a [donc] plus de 300 000 personnes aujourd’hui qui aimeraient immigrer au Québec de manière permanente, mais le seuil du Québec devrait plutôt tourner autour de 60 000 pour l’année en cours.
Ce déséquilibre entre l’offre et la demande n'a plus de sens, selon Me Lapointe, surtout dans la mesure où le gouvernement du Québec continue d’effectuer des missions de recrutement à l’étranger.
Le gouvernement devrait peut-être cesser de faire des missions de recrutement à l'étranger pendant les prochaines années [...]. On recrute des travailleurs étrangers et, de l'autre côté, on se dit que la capacité d'accueil est atteinte [...]. Il y a un manque de cohérence, dit-il.
Près de 155 000 travailleurs qualifiés veulent immigrer au Québec | Radio-Canada