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De Tadoussac à Natashquan : 800 km sur la Route des baleines


Régis_c#

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De Tadoussac, la porte d'entrée de la Côte-Nord, jusqu'à Natashquan, à l'autre bout de la 138, c'est 808 km de bitume, d'épinettes noires et de rivières. C'est le Saint-Laurent, qui s'élargit pour devenir un estuaire, puis un golfe. Ce sont des paysages qui se transforment, progressivement, de forêt mixte en toundra, en passant par d'immenses tourbières. Ce sont les baleines qui vous accompagnent tout au long du parcours. Bienvenue au pays de la Manic, de Gilles Vigneault et des Innus.

Pendant trois semaines, j'ai parcouru les 808 km séparant Tadoussac de Natashquan, longeant le Saint-Laurent sur la route des Baleines (le nom que l'on a donné à cette portion de la 138), à la découverte d'une région où la nature a conservé ses droits. Loin de la canicule et du stress montréalais, j'ai fait le plein de paysages grandioses, de majestueuses chutes, de rorquals, de phoques et de petits pingouins, de saumons et de monolithes. À mon retour, il y avait 3200 km de plus au compteur, soit l'équivalent de la distance entre Montréal et Banff, en Alberta. Tout un périple.

Après les 450 km séparant Montréal du Saguenay, j'arrive enfin à Tadoussac, porte d'entrée de la Côte-Nord. Ce village, qui ne compte que 800 âmes, possède l'une des plus belles baies du monde. Les excursions aux baleines, en bateau, en Zodiac ou en kayak, constituent son principal attrait.

Sachant que je rencontrerai les mammifères marins plus loin sur ma route, je me dirige illico vers la Maison des Dunes, à 5 km du village. On retrouve ici, en bordure de mer, d'immenses montagnes de sable fin. Contrairement à ce que laisse croire leur nom, ce ne sont pas des dunes façonnées par le vent, mais des terrasses marines. Elles résultent de l'accumulation de sable, cailloux et galets sous l'action de grandes masses d'eau. Pendant des décennies, les touristes dévalaient ces montagnes sablonneuses en ski, une activité désormais interdite dans le but de protéger les lieux, intégrés au Parc national du Saguenay. Les dunes renferment néanmoins toute une histoire. À découvrir!

Le lendemain, je quitte Tadoussac pour visiter le nouveau Centre de découverte du milieu marin, situé aux Escoumins, 40 km plus loin. Confortablement assis dans une salle de cinéma, on assiste en direct à une visite sous-marine effectuée par une équipe de plongeurs-biologistes munis d'une caméra et d'un système de communication. Si vous croyez que les eaux glaciales de l'estuaire sont pauvres en vie aquatique, vous aurez toute une surprise. À quelques mètres de la côte, cet écosystème regorge d'oursins, de soleils de mer, de crabes et des plantes aquatiques les plus inusitées, comme les concombres et les framboises de mer. Qui plus est, les plongeurs répondent, en direct, aux questions du public. Par la suite, on ne voit plus le Saint-Laurent de la même façon. C'est une activité qui vaut largement le détour.

On fait également la découverte des Escoumins, l'un des plus charmants villages de la Haute-Côte-Nord. Une promenade a été aménagée tout au long de la magnifique baie et mène au lieu historique de la Pointe-de-la-Croix, où l'on a retrouvé les vestiges d'un four basque.

Un nouveau parc régional

Tout le monde passe par Baie-Comeau, mais peu de gens s'y arrêtent. Pour remédier à ce problème et profiter de la manne touristique, on vient de procéder à l'ouverture du Centre boréal du Saint-Laurent, un magnifique parc régional aux grandes ambitions. Sur un territoire de 40 km carrés, bordé par 17 km de littoral maritime, les visiteurs sont invités à découvrir les effets de la glaciation sur l'environnement, tout en participant à une multitude d'activités.

L'activité vedette du parc, c'est la via ferrata, un itinéraire aménagé dans des parois rocheuses où les participants se déplacent avec des harnais et mousquetons. Je me suis aventuré sur les deux parcours du Centre boréal, la via ferrata des «cannelures», d'une longueur de 850 mètres, et la via ferrata des «mers», d'une longueur de 1,3 km, la plus longue en Amérique du Nord. C'est une activité intense, stressante, effrayante par moments, mais combien amusante! Imaginez: on est perché à 25 pieds au-dessus de la mer et seul un pied glissé dans une mince cavité rocheuse nous maintient en équilibre! Pour les amateurs de sensations fortes...

De Franquelin à Baie-Trinité : la 138 à son plus beau

En quittant Baie-Comeau, on arrive à l'une des plus belles sections de la 138: celle des panoramas. Sur une centaine de kilomètres, on traverse des montagnes plongeant dans la mer, des rivières à saumon et des lacs, tandis que la route sinueuse, agréable à conduire, surplombe l'estuaire. Un paysage digne d'une pub de voiture.

À Franquelin, on découvre l'une des perles de la Côte-Nord, le Village forestier d'antan, une reconstitution d'un camp de bûcherons de la Quebec North Shore Paper Compagny. Le musée a récupéré une quantité incroyable d'objets d'un camp désaffecté de l'arrière-pays. La visite guidée, riche en anecdotes, nous fait revivre la dure réalité des bûcherons, des histoires effrayantes d'accidents de travail, de draveurs noyés et de salaire de misère.

Entre Godbout et Baie-Trinité, on quitte la route des Baleines jusqu'à Pointe-des-Monts, où se trouve le deuxième phare érigé le long du Saint-Laurent. Situé sur une île rocheuse exposée aux quatre vents, ce phare de 30 mètres de hauteur, construit en 1830, servait également de résidence au gardien et à sa famille. Pourtant, ce bâtiment conçu en Angleterre était extrêmement mal isolé. On gèle à l'intérieur, même en été. Imaginez alors en hiver! Dans cet endroit enchanteur, on peut déguster un copieux repas de fruits de mer dans la maison du gardien, qui abrite également une auberge.

C'est avec un pincement au coeur que l'on quitte Pointe-des-Monts pour Baie-Trinité, le temps d'un arrêt au Centre national des naufrages du Saint-Laurent, qui présente un film multimédia d'une durée de 22 minutes relatant sept naufrages importants qui ont marqué notre histoire collective. On constate encore une fois comment notre fleuve, si majestueux, a été sans merci pour les marins. On estime que 100 000 personnes ont perdu la vie dans ses eaux froides depuis les débuts de la colonisation.

Sept-Îles : un archipel exceptionnel

Peu de touristes font un arrêt à Sept-Îles. Pourtant, la plus grande ville de la Côte-Nord possède une richesse exceptionnelle: son archipel des sept îles. Du Vieux-Quai, on part à la découverte de ce patrimoine naturel, avec escale sur la Grande Basque, la plus grande île de l'archipel. On profite du beau temps pour en faire le tour, ce qui prend tout un après-midi et, à 18h, le batelier revient nous chercher pour une croisière. Direction: l'île du Corossol. Ce sanctuaire d'oiseaux, créé en 1937, abrite une colonie de petits pingouins installés sur les falaises de l'île, ainsi que des eiders à duvet, des guillemots à miroir, des cormorans et des mouettes tridactyles. On assiste alors à tout un spectacle ornithologique, comparable à celui des fous de Bassan de l'île Bonaventure, en Gaspésie. C'est un des trésors méconnus de la Côte-Nord.

La Minganie

Le paysage se transforme à partir de Sheldrake. On arrive alors en Minganie, un littoral long de 360 km où surgissent des décors de cartes postales. La route traverse des villages pittoresques de pêcheurs, tandis que la végétation, sous l'effet des courants marins froids du Labrador, devient de plus en plus nordique. La chicoutai, un fruit sauvage de la région, fait son apparition. C'est le pays de Gilles Vigneault.

Une halte s'impose aux sentiers pédestres de la chute Manitou, qui fait 35 mètres de hauteur. Descendre au pied de la spectaculaire chute prend une vingtaine de minutes. Puis, direction Rivière-au-Tonnerre, pour visiter son église de style normand érigée au début du 20e siècle lors d'une corvée de 300 bénévoles. Le résultat en est stupéfiant. À l'intérieur, les teintes primitives bleu et blanc couvrent les murs et les décorations de la voûte, constituée de caissons creux quadrangulaires, ont été sculptées au canif!

Dans la sacristie, Yvon Bezeau, un natif de la place, présente une exposition de photos sur l'histoire de la Côte-Nord, dont il nous fait la visite guidée. Pendant plus d'une heure, ce septuagénaire énergique nous parle de la fondation du village, des naufrages, de l'industrie de la pêche et de vie religieuse. M. Bezeau connaît tellement d'histoires qu'il peut vous retenir pendant des heures et des heures. Ma rencontre la plus intéressante de ce voyage.

Macareux et monolithes

Parc national depuis 1984, les îles de l'Archipel-de-Mingan sont un paradis pour le kayak de mer. De Longue-Pointe-de-Mingan, on part pour une expédition de deux jours afin de visiter l'ouest de l'archipel: l'île aux Perroquets, avec sa colonie de macareux et son phare, et l'île Nue, caractérisée par sa flore arctique alpine et ses fossiles. Dans les îles, des guides de Parcs Canada nous attendent.

Pendant deux jours, nous pagayons parmi les phoques et les petits rorquals, alors qu'au loin, on aperçoit l'île d'Anticosti. Le soir, on bivouaque sur l'île Nue, où l'on assiste au coucher du soleil et au lever de la lune. Un moment de félicité! Le lendemain matin, on effectue le tour de l'île Nue pour admirer la «Montagnaise», un des plus impressionnants monolithes de l'archipel. Une aventure inoubliable.

Le bout de la route

En quittant Havre-Saint-Pierre, un tout nouveau paysage composé de tourbières à perte de vue se dresse sous nos yeux. Difficile de croire que nous sommes encore au Québec. Au bout de 65 km de marécages, on arrive dans le magnifique village de Baie-Johan-Beetz, dominé par son «château», la grande demeure de richissime Johan Beetz, un Belge qui s'est établi dans ce coin perdu du nord, amoureux d'une fille du pays, à la fin du 19e siècle. La visite des lieux, passionnante, ne dure qu'une heure, mais nous permet d'en apprendre davantage sur ce curieux personnage, que l'on considère comme un héros sur la Côte-Nord.

Après deux semaines de route, on arrive finalement à Natashquan, le dernier village sur la 138, à 808 km de Tadoussac, où est né notre grand barde Gilles Vigneault. Une atmosphère paisible et poétique imprègne les lieux d'une grande beauté. On profite d'une journée de pluie intense pour faire le tour des musées, nombreux pour un aussi petit village. Heureusement, le soleil refait son apparition le lendemain. Alors, on en profite pour se baigner. Natashquan jouit d'une superbe plage où l'eau est assez chaude pour la baignade. Une rareté sur la Côte-Nord!

Bien rafraîchis et ayant fait le plein de paysages, nous entreprenons aussitôt notre remontée tranquille vers Montréal, qui durera une semaine. C'est prévisible, le retour à la routine ne sera pas facile.

Indigestion d'asphalte

La Côte-Nord, c'est de la route, beaucoup de route. Plusieurs touristes ont une indigestion de bitume, surtout les courageux qui font Montréal-Natashquan aller-retour en une semaine (plus de 2500 km!). Pour ma part, je n'ai jamais trouvé la route longue et monotone pendant les trois semaines de mon périple. Au contraire, j'ai rarement vu une route où le décor change aussi souvent. Sans oublier que la plupart du temps, on longe le littoral du Saint-Laurent. Les vues sur l'eau sont splendides.

Gare aux mouches noires

Sans jeu de mots, c'est la bête noire des touristes. Eh oui! sur la Côte-Nord, les mouches noires pullulent, surtout dans la Minganie. Par contre, il est possible de vivre avec ces insectes voraces, qui disparaissent complètement au coucher du soleil. Donc, prenez vos repas en plein air après la tombée de la nuit et profitez des dernières lueurs du jour pour vous balader. De toute façon, rien ne presse, vous êtes en vacances.

Adieu canicule

Pendant que les Montréalais s'étouffaient dans le smog et la canicule, on profitait d'une douce brise du fleuve, le mercure ne dépassant jamais les 25 degrés à l'est de Sept-Îles. Le Nord n'a jamais été aussi agréable.

Gastronomie

La Côte-Nord a été une odyssée gastronomique. La quantité de bons restaurants où l'on cuisine avec succès les produits du terroir, comme la chicoutai, les airelles et les fruits de mer est impressionnante, surtout pour une région si peu peuplée. Les prix sont d'ailleurs nettement plus modestes qu'à Montréal. Voici, en rafale, les meilleures tables: La Galouïne (Tadoussac); La Chocolaterie Belge le Rêve Doux (Les Escoumins); La Cache d'Amélie (Baie-Comeau); le Restaurant du Phare de Pointe-des-Monts (Baie-Trinité); La Terrasse du Capitaine (Sept-Îles) et Chez Julie (Havre Saint-Pierre).

Ce que j'ai aimé

Les produits du terroir

Les plages à perte de vue

L'absence de canicule

Les fruits de mer

Les paysages austères de la Minganie

Ce que j'ai moins aimé

Les mouches noires

Les répliques du boulevard Taschereau à Baie-Comeau et Sept-Îles

La quantité effarante de maisons mobiles (ouache!)

L'eau du Saint-Laurent, trop froide pour la baignade

Renseignements

www.tourismemanicouagan.com

www.tourismeduplessis.com

www.parcmarin.qc.ca (Centre de découverte du milieu marin)

www.projetcentreboreal.com

www.pharepointe-des-monts.com

www.ville.sept-iles.qc.ca

www.odysseeminganie.ca (kayak de mer Longue-Pointe-de-Mingan)

www.parcscanada.gc.ca (Archipel-de-Mingan)

www.baiejohanbeetz.com

www.copactenatashquan.net (Natashquan)

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  • Habitués

J'ai fait à peu de chose près le même trajet que toi l'année dernière et j'avais adoré le coin, surtout en approchant de havre St Pierre et au delà. Les îles Mingans valent en effet le détour en bateau.

En tout cas un joli récit de voyage qui donne envie d'y retourner. :)

ps: La 138 n'a tjrs pas dépassé Natashquan? La portion reliant Blanc Sablon semblait pourtant bien avancée l'an passé.

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  • Habitués

Comme le mentionne Régis_c# (dans le titre du message) ce récit est extrait de CyberPresse : http://www.cyberpresse.ca/article/20060822.../1016/CPVOYAGES

Cet article a été écrit par Simon Diotte pour La Presse.

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  • Habitués

Ah ben rectification: j'ai fait à peu près le même trajet que Simon alors. :lol:

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  • Habitués

L'article n'est biensur pas de moi

C'est sur Cyberpresse

Régis

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