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Quand entrer au Canada devient plus difficile que de sortir de l’Ukraine


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À l’autre bout de la vidéoconférence, le sourire est là, mais la colère, elle, n’est pas cachée très loin derrière.

%7B© Courtoisie Luc Chénier, sa femme et leur fille de deux ans

« Sortir de l’Ukraine n’a pas été facile, laisse tomber Luc Chénier, citoyen canadien et p.-d.g. du média indépendant Kyiv Post. Mais désormais, c’est rentrer au Canada qui semble être encore plus compliqué, dans le contexte actuel. Ma femme est Ukrainienne. On n’arrive pas à lui obtenir un visa de visiteur pour quitter la Hongrie où l’on s’est réfugiés, et ce, pour rentrer temporairement dans ma famille au Québec et en Ontario, avec notre fille de deux ans. »

Treize jours après le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le chaos semble s’être aussi emparé de l’administration canadienne, qui, malgré les messages d’entraide lancés par la classe politique, depuis le début de la guerre en Ukraine, donne l’impression d’être dépassée par la situation.

« À la télévision, le message envoyé est plein de compassion, mais dans la réalité, il ne se passe rien », affirme M. Chénier, qui attend depuis plus de deux semaines une réponse des autorités consulaires canadiennes à la demande de visa pour sa femme, Iryna Chénier, demande pourtant déposée la veille de l’attaque du pays par l’armée russe. Une guerre déclenchée sans motif valable par Vladimir Poutine.

« Il est impossible de parler à quelqu’un. Les lignes de téléphone mises à notre disposition nous renvoient d’un service à un autre, sans direction claire ni résultat probant. C’est profondément frustrant », poursuit-il depuis Budapest, où Le Devoir l’a joint lundi.

Et il ajoute : « C’est compliqué pour nous qui avons une situation plutôt simple et de la famille qui nous attend au Canada. J’ose à peine imaginer comment ça doit l’être encore plus pour des personnes qui déposent des demandes de réfugiés au Canada. »

La semaine dernière pourtant, Ottawa a mis en place de nouvelles mesures en matière d’immigration afin d’aider les Ukrainiens, tant au Canada qu’à l’étranger, « touchés par la situation en cours en Ukraine ». À crise majeure, plan d’exception : le fédéral a décidé d’appliquer un « traitement urgent et prioritaire » des demandes d’immigration, est-il indiqué sur le site Web du gouvernement. Il dit aussi avoir mis en place de « nouvelles façons de communiquer » avec lui, en plus d’offrir des « exemptions aux ressortissants ukrainiens non vaccinés et partiellement vaccinés pour qu’ils puissent entrer au Canada ».

 

Vidéo: Tamara Alteresco : Moscou déterminé à aller jusqu'au bout (Radio-Canada.ca)

 
 
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Tamara Alteresco : Moscou déterminé à aller jusqu'au bout
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« En temps normal, une demande de visa pour un Ukrainien qui veut aller au Canada prend de 7 à 9 jours, dit Luc Chénier. Mais là, on est surtout devant une porte close. »

Lundi, malgré les appels du Devoir, le ministère Affaires mondiales Canada a préféré rester silencieux sur l’état du système d’accueil des demandes d’immigration dans les représentations consulaires du Canada en Europe. Pour sa part, le ministère de l’Immigration a indiqué avoir « renforcé [ses] actions pour soutenir les personnes touchées par la situation en Ukraine », mais est resté évasif sur l’efficacité du traitement et sur le nombre des demandes reçues à ce jour par Ottawa.

Le 12 février, s’attendant à une déclaration de guerre de la Russie contre l’Ukraine, Ottawa a décidé de suspendre temporairement les activités de son ambassade à Kiev, la capitale du pays, et de déplacer sa mission diplomatique dans la ville de Lviv, dans l’ouest du pays. Pour les Ukrainiens sur la route de l’exil et ayant quitté le pays, les demandes de visa passent désormais par l’ambassade canadienne à Vienne, en Autriche, dit M. Chénier, où les demandeurs ne peuvent pas se présenter en personne. « On doit seulement utiliser un courriel et surtout ne pas obtenir de réponse », résume-t-il.

Casse-tête administratif

Pour le président du Kyiv Post, un média d’information en anglais qui poursuit désormais sa mission avec une partie de son équipe qui a quitté l’Ukraine, le casse-tête administratif pour que sa femme obtienne son visa de visiteur est désormais vécu comme un autre traumatisme après les bombardements russes du 24 février au matin qui ont précipité son départ du pays. « En étant réveillés ce matin-là par une bombe qui venait d’exploser, à 5 h, à côté de la maison, on a compris que l’invasion, à laquelle on ne voulait pas croire, était en train de se produire », dit l’homme qui s’est installé en Ukraine il y a 22 ans.

Tout en estimant ne pas pouvoir prévoir comment la suite des événements va se configurer — « depuis le 24 février, tout est possible », laisse-t-il tomber, fatalement —, M. Chénier dit vouloir simplement se mettre à l’abri au Canada pour les prochaines semaines, peut-être pour les prochains mois, avec sa famille. « Ma fille de 17 ans, Maya, prend l’avion mardi pour aller vivre chez ma sœur à Montréal en attendant que j’arrive », dit-il. « Moi, je peux prendre l’avion n’importe quand, avec mon autre fille qui est Canadienne, mais je ne vais pas laisser ma femme toute seule en Hongrie, sans réponse pour son visa, sans message clair sur le temps que cela va nous prendre pour l’obtenir. »

Lundi, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a indiqué que 1,7 million de personnes auraient déjà fui la guerre en Ukraine, depuis le déclenchement du conflit, soit 200 000 de plus que la veille. Ces réfugiés se retrouvent à près de 60 % en Pologne, mais également en Hongrie, en Slovaquie, en Moldavie et en Roumanie, d’où plusieurs espèrent désormais poursuivre leur chemin vers d’autres pays, dont le Canada.

La semaine dernière, le Conseil de l’Union européenne a instauré une protection temporaire aux Ukrainiens se réfugiant sur l’ensemble de son territoire afin de fuir la guerre, et ce, en leur octroyant des permis de séjour ainsi qu’en leur garantissant l’accès à l’éducation et au marché du travail. La mesure temporaire restera en vigueur durant un an.

« L’Europe fait tout pour faciliter la vie de ceux qui fuient l’Ukraine à cause de la guerre, dit M. Chénier. Et on pourrait s’attendre à ce que le Canada fasse la même chose », conclut-il.

Quand entrer au Canada devient plus difficile que de sortir de l’Ukraine (msn.com)

 

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