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La drague au Québec


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C'était dans Le Devoir d'hier

C'est la vie! - Dans les filets de la drague

Un allumeur qui enflamme

Josée Blanchette

Édition du vendredi 9 décembre 2005

Mots clés : Québec (province), drague

Ils m'ont toujours fascinée par leur modus operandi, leur soif de l'inconnue, leur efficacité frisant l'arrogance. Ils mettent K.-O. la plupart des hommes moins bien servis par la nature. Leur drogue? La drague. Descendants de Casanova plutôt que du singe, ces loups échappés de la meute travaillent en solitaires, instinctifs et assurés, humant la chair fraîche à des kilomètres. L'étudiante ou la bourgeoise, la blonde ou la rousse, peu leur importe, ils ne se lassent jamais d'explorer le continent féminin. Machos? Un tantinet: il le faut presque pour répondre à ses instincts les plus primitifs et ne pas s'enfarger dans les fleurs du tapis des convenances nordiques.

Le dragueur professionnel est une espèce en voie de disparition au Québec, du moins chez les pure-laine. Castrés par le féminisme et la rectitude politique, seuls les plus coriaces, les vilaines orties, ont tenu le coup. Tant mieux pour eux. Moins il y a de dragueurs, plus ça laisse le champ libre à ceux qui se dédient corps et âme à leur passe-temps obsédant. «Le dragueur est efficace parce que sa technique est rare; que sa subversion devienne la règle et la drague ne vaudra plus rien», constate Alain Soral, un ancien dragueur qui analyse sans concessions l'acte et l'acteur dans Sociologie du dragueur.

Conscient de prendre un risque en révélant ses trucs, astuces et autres farces et attrapes, Alain Soral est le premier à reconnaître que les femmes ne s'apprennent pas dans un livre mais qu'elles répondent à «une mécanique qui les rend prévisibles, manipulables».

«Les femmes aiment le coup de théâtre, ce qui les fera sortir de l'ordinaire. Elles sont constamment à la recherche du prince charmant. Même mariées, elles en rêvent encore», prétend mon copain Denis, la cinquantaine allumée, gueule d'aventurier et physique passe-partout dont on ne se méfie pas assez. Denis reste le plus grand dragueur que j'aie vu agir. Son arme fatale ? Le rire et la légèreté, le culot et la persévérance. «Le problème avec la drague, c'est que les gars y sont dans l'expectative de gagner une fille tout en ayant une peur incontrôlée d'essuyer un refus. Je n'ai encore jamais vu personne mourir d'un non, sauf si ça s'applique à un pays !», m'écrit-il.

Émigré au Brésil depuis deux ans, Denis continue à faire des ravages chez les belles Brésiliennes qu'il croise et aborde plusieurs fois par jour. «Je recherche la complicité en toutes circonstances. Faire sourire quelqu'un, c'est déjà une preuve d'intelligence», lance-t-il. Jamais je ne l'ai vu ralentir le pas devant un mocheton ou une femme de plus de 40 ans, le salaud !

Les belles et jeunes filles, parce que jugées inaccessibles par la plupart des hommes, demeurent la cible choisie du dragueur, qui les relance sans faiblir du mou. «Une belle fille subissant en permanence le regard torve des hommes qu'elle intimide mais rarement leurs propositions franches a tendance à y répondre avec le sourire», constate Alain Soral, qui consacre un sous-chapitre à «l'erreur de ne pas draguer les belles».

«Lignes» payantes

L'avent bat son plein, les bars sont bondés, les partys de bureau se succèdent, le martini endort la méfiance et le dragueur a toute la marge de manoeuvre voulue pour sortir ses «lignes», ses pick-up lines.

Philippe-A. Piette, gérant et barman au bar L'Assommoir, est un pro de la «ligne» payante et du martini coûteux. Dans un party d'huîtres, à une fille qui demande : «As-tu déjà trouvé une perle ?», il répond : «La perle, c'est toi... » en aspirant l'huître vigoureusement. «Il faut que la réplique soit spontanée, sinon c'est cheezy, pathétique», affirme cet amant de l'impro. Tout juste 23 ans et les patins déjà bien aiguisés, j'ai devant moi le Maurice Richard du martini. Il faut voir avec quelle dextérité Philippe-A. jongle avec ses shakers, maniant l'assurance, le sourire mi-sirop, mi-carnivore, et la réplique définitive. «C'est pas une question d'âge, c'est une question d'instinct», dit-il à propos de la drague.

Sur son blogue (La ville s'endormait, piette.blogspot.com), le jeune homme en jette et la cour n'est jamais assez pleine. Devant moi, il allume une cigarette à droite, bisoute une cliente à gauche. «Ça fait partie de ma description de tâches, dit-il en s'excusant à peine. Ce bar est surtout fréquenté par des femmes, des "Sex and the City wannabes". Ça fait partie du jeu. L'assurance est un élément clé. Si tu te sens bien avec toi, les gens se sentent bien avec toi. Y en a qui travaillent le côté mystérieux; moi, je préfère la répartie, pour le sport, l'agilité mentale.» Oscar Wilde disait que l'attitude fait les trois quarts de la vie. Le reste appartient au hasard et à l'improvisation, deux impondérables qui servent bien le dragueur.

Cela étant, tous les dragueurs n'ont pas nécessairement un but. «Je dirais même que j'ai une vie sexuelle quasi léthargique», avoue spontanément Philippe-A. (il me drague ou quoi ?). «La baise n'est pas le but; le but, c'est de charmer. Et ce n'est pas bien difficile, les Québécoises reçoivent très peu de compliments.»

Ah ! le fameux compliment. Le sésame de la drague, en somme. Tous les dragueurs tiennent le même discours et insisteront sur leur sincérité. Mon pote Roméo, lui, va plus loin et me parle d'inspiration. Il s'est même donné comme mission de complimenter une femme par jour sur le coup de cette inspiration : «Quand on est inspiré, on est forcément sincère et les compliments viennent aisément. Les compliments sont moins coûteux que les diamants, plus écologiques aussi parce qu'ils sont facilement recyclables. Mais la clé, c'est ce que les crosseurs du Watergate appelaient la "plausible deniability". Si on beurre trop épais, on n'a plus de porte de sortie. Le dragueur pense toujours à sa sortie, l'amoureux, pas.» Roméo est toujours un peu amoureux quand il ne drague pas.

Mensonge ou demi-vérité ?

«Comment aller au devant des filles tout en leur faisant croire qu'on n'a pas besoin d'elles ?», se demande Alain Soral, qui compte 700 femmes à son tableau de chasse et sait pertinemment que plus l'homme a soif, plus la poire est sèche. «D'abord en leur donnant l'illusion qu'il ne s'agit pas d'un besoin mais d'une envie [...], envie qui devra s'exprimer avec l'aisance nonchalante de celui qui a le choix.» Cette envie et ce choix s'exprimeraient par un besoin supérieur, un intérêt pour elle et elle seule. C'est d'abord l'aisance d'un désir qu'il faut lui communiquer, prévient ce faux jeton, qui sait que les femmes veulent qu'on leur parle de deux choses : d'elles et d'amour.

Oui, l'amour. Même feint, il leur donne des ailes.

Modifié par arkel
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  • Habitués

juste pour etre sur vu qu'on connait l'apôtre ( :lol: jeu de mot facile)

il fait marqué 'ligne payante" un certains moment dans le texte, je sais pas si il a un abonnement ou si on peut le publier pour les droits?

christophe

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  • Habitués

Le terme "lignes payantes" fait partie de la chronique, rien à voir avec le fait que l'article soit publique ou pas :P

L'article est accessible en entier et gratuitement sur le site du Devoir. Ceci étant le journal n'autorise pas la reproduction de ses articles sans paiement de droits de reproduction...

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