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Le Devoir vendredi 3 juin 2005

Tous les médias canadiens et québécois ont consacré une couverture importante à la décision de Mark Felt, ancien numéro 2 du FBI, de s'identifier comme étant «Deep Throat», la source de Woodward et Bernstein qui a largement contribué à la chute de Nixon, l'homme le plus dangereux à avoir accéder à la présidence américaine après George W. Bush.

Pourtant, à ma connaissance, personne n'a relevé que des crimes politiques semblables ont été commis ici au Québec au cours de cette même période du début des années 70. Mais alors qu'aux États-Unis les malfaiteurs étaient d'ex-barbouzes sans statut officiel, les «plombiers du président», ici, les criminels étaient des membres en règle de la police fédérale en service commandé.

Section spéciale

Le gouvernement Trudeau voulait alors empêcher par tous les moyens la montée en puissance du nationalisme québécois. Une section spéciale du service de sécurité de la Gendarmerie royale du Canada était précisément chargée de surveiller et d'infiltrer le Parti québécois. La raison inventée par Marc Lalonde pour réclamer le ciblage du PQ par la GRC était un prétendu financement secret du parti par la France.

Il était pour le moins cocasse qu'un dirigeant du Parti libéral du Canada, qui tirait alors 75 % de ses revenus de subsides de multinationales américaines, s'inquiète des sources de financement étrangères du PQ. Notons que malgré des investigations approfondies, la GRC n'a jamais trouvé le moindre fondement à ce bobard.

Les sbires de Trudeau ont eu recours aux mêmes coups fourrés, aux mêmes dirty tricks que les plombiers de Nixon. Avec les mêmes objectifs: discréditer l'adversaire politique, semer la zizanie, provoquer des luttes internes, des scissions dans les partis et les groupes jugés hostiles à la Maison-Blanche aux États-Unis ou au fédéralisme au Québec.

Ici, on lésinait encore moins sur les moyens qu'à Washington. Non seulement les flics de Trudeau s'adonnaient à des écoutes illégales et à des cambriolages comme les hommes de Nixon aux États-Unis, ils ont aussi eu recours, au Québec, à l'incendie criminel, au vol de dynamite, aux menaces, à l'intimidation, à l'enlèvement et à la séquestration. Et à d'autres crimes qui n'ont jamais été découverts.

Robert Samson

Ici, ce sont les révélations du caporal Robert Samson, de la GRC, qui ont fait éclater le scandale. Samson a été arrêté après qu'une bombe qu'il allait poser chez le propriétaire d'une chaîne de marchés d'alimentation lui eut sauté au visage. À l'enquête du commissaire aux incendies, il devait déclarer, en parlant de la GRC: «J'ai déjà fait pire pour la force.» L'agent secret arrondissait ses fins de mois en accomplissant la nuit, pour la mafia, les mêmes sales boulots qu'il faisait le jour pour la GRC de Trudeau. Comme aujourd'hui dans le scandale des commandites, les méthodes mafieuses étaient courantes pour défendre le fédéralisme et les «hommes d'honneur» frayaient avec les policiers et les politiciens.

Les révélations de Samson allaient entraîner la création par René Lévesque de la commission Keable pour enquêter sur les crimes de la GRC au Québec. Afin de contrer la commission d'enquête québécoise, Trudeau, de son côté, a mis sur pied la commission Macdonald.

À Washington, la Cour suprême allait contraindre Nixon à remettre aux enquêteurs du Congrès des bandes magnétiques et des documents incriminants. Ici, en bonne chienne de garde du fédéralisme, la Cour suprême a refusé aux deux commissions d'enquête l'accès aux directives du cabinet fédéral à la GRC en ce qui concerne sa lutte contre l'affirmation nationale du Québec. On n'a donc jamais pu remonter la filière hiérarchique jusqu'à l'instigateur des actes criminels de la police fédérale.

Ordres d'en haut

J'ai eu l'occasion de recueillir, aux cours des années, les confidences d'hommes qui ont relayé les ordres de commettre certains de ces crimes. Il ne s'agissait pas d'initiatives d'éléments incontrôlés ou d'agents zélés opérant hors cadre à l'insu de leurs supérieurs. Les ordres venaient des plus hautes autorités politiques et policières. Et les états d'âme des «coeurs saignants», M. Trudeau, on le sait, n'en avait rien à cirer.

Un homme intègre, John Starnes, a été «démissionné» comme patron des services secrets de la GRC parce qu'il ne voulait pas que ses agents deviennent les exécuteurs des basses oeuvres du Parti libéral fédéral. Il avait osé protester contre l'immixtion dans ses services de Marc Lalonde, qui jouait alors auprès de Trudeau le rôle qu'Haldeman et Ehrlichman jouaient auprès de Nixon.

Starnes refusait de collaborer avec l'organe de renseignement et d'action que Lalonde pilotait au sein du Parti libéral du Canada. Lalonde exigeait que la police secrète de l'État travaille directement avec celle du parti. Exit Starnes. À sa place, Trudeau a nommé le général Michael Dare, chef des services secrets militaires, disposé, lui, à accomplir toutes les sales besognes politiques que Trudeau et Lalonde exigeaient de leur police secrète.

C'est sous ses ordres que la GRC réussira son coup le plus fumant et le plus ignoble: mettre sur sa liste de paie Claude Morin, le ministre de René Lévesque chargé de préparer le référendum de 1980. Les hommes de main antiquébécois les plus odieux de la bande à Trudeau, Marc Lalonde, André Ouellet et Jean Chrétien, pouvaient rire dans leur barbe. Ces deux dernières mines rébarbatives se retrouvent aujourd'hui dans le scandale des commandites. De quoi faire une belle photo de famille avec leur garde rapprochée constituée de Gagliano, Morselli, Wajsman, Guité et Pelletier.

Aucune sanction

Combien de membres du gang vont voir leur joli minois immortalisé sur une photo d'identité judiciaire? Très peu, je le crains. Cependant, toujours aussi naïf, je ne désespère pas encore totalement de la GRC.

Dans le scandale du Watergate, plus de 30 politiciens, conseillers politiques, ex-flics et ex-barbouzes ont été reconnus coupables et condamnés à diverses sanctions pénales. Treize d'entre eux se sont retrouvés derrière les barreaux, dont John Mitchell, l'attorney général (ministre de la Justice) des États-Unis.

Ici, aucun des flics criminels et de leurs capos politiques n'a été puni. L'omerta n'a jamais été rompue par un Deep Throat. Au contraire, ils ont obtenu, jusqu'à leur retraite, promotions et récompenses pour services rendus au fédéralisme canadien et au PLC. Et l'instigateur des crimes de la Police montée, lui, a eu un aéroport nommé en sa mémoire. De quoi en faire des gorges chaudes!

Sources : Normand Lester : Commentateur à CKAC et auteur d'Enquêtes sur les services secrets (Éditions de l'Homme, 1998)

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Tiens, j'allais justement en parler sur le fil concernant la mort de Laporte:

-Création d'une fausse liste de personnes à arrêter pour justifier le recours à la Loi sur les mesures de guerre (qui demande à ce qu'il y ait insurrection appréhendée, donc on a arrêté toutes les personnes associées à la gauche à défaut d'avoir assez de noms liés au FLQ - une vingtaine!). Résultat: 4600 domiciles fouillés et près de 500 citoyens arrêtés sans mandat, détenus sans contact avec l'extérieur, et relachés des jours voires des semaines plus tard sans explication.

-Activités illégales de la GRC avant, pendant et après la Crise d'octobre (infiltration au FLQ et au PQ, "crimes" fait sciemment pour qu'on les associe au FLQ, rédaction de faux communiqués du FLQ)

-Commissions d'enquête suite aux révélations d'un ex-agent de la GRC (la Commission McDonald de Trudeau servit à contrer les efforts de la Commission Keable de Lévesque).

-Implication aussi de la CIA (je sais que ça fait théorie du complot, mais ça semble vrai! :huh:).

On en apprend des belles quand on fait un peu de recherche! :blink:

En guise d'exemple, un article de la Presse, qui date de 1992:

La Presse, samedi le 2 mai 1992, pages A1-A2.

TRUDEAU ET TURNER BLÂMÉS POUR LES ACTES ILLÉGAUX DE LA GRC

Gilles Paquin du bureau de La Presse, Ottawa

L'ancien premier ministre Pierre Trudeau et son ex-collègue à la justice John Turner ont manqué à leur devoir en accordant leur «consentement tacite» à la poursuite des activités illégales de la GRC au début des années 70.

C'est ce que soutient un document marqué «top secret» préparé par les avocats et le service de recherche de la Commission d'enquête McDonald sur les activités ilégales de la GRC. Le texte de 93 pages, dont La Presse a obtenu copie en vertu de la Loi d'accès à l'information, blâme sévèrement les hommes politiques.

Le rapport final de la commission, publié six mois plus tard, en août 1981, reprend plus de 90 p. cent du mémoire rédigé par les avocats William Kelly et Eleanor Crink au terme de l'enquête. Il exclut cependant tous les passages imputant la responsabilité des opérations illégales à MM. Trudeau et Turner ainsi qu'au Solliciteur général du temps Georges McLlraith.

La commission a conclu que MM. Trudeau et Turner avaient été informés du fait que le service de sécurité de la GRC se livrait à des activités illégales depuis 20 ans lors de la réunion du Comité du cabinet sur la planification et les priorités du 1er décembre 1970. La Commission a aussi noté que les deux hommes s'étaient abstenus de faire enquête sur le sujet ou de poser des questions aux dirigeants de la GRC, mais elle a refusé de porter un jugement sur leur attitude ou d'y voir un consentement implicite à la poursuite de telles activités.

Or, dans leur mémoire soumis aux commissaires, les avocats de la commission adoptaient une position fort différente : «Nous croyons qu'ils (NDLR : MM. Trudeau et Turner) avaient le devoir de s'enquérir de la nature et de la fréquence des activités illégales évoquées à cette réunion afin de déterminer si elles étaient permises ou prévues par la loi. Comme il n'existe aucune preuve démontrant que MM. Trudeau et Turner ont fait enquête à ce sujet, nous soutenons qu'ils pourraient avoir manqué à leur devoir de donner des directives au Service de sécurité pour que cessent ces activités illégales», ajoutent les avocats Kelly et Cronk.

«On peut raisonnablement en déduire qu'en s'abstenant de s'enquérir et de donner des ordres ensuite au Service de sécurité pour qu'il abandonne ses activités illégales, ils donnaient leur consentement tacite à la poursuite de telles activités. Cette déduction est de plus appuyée par le fait qu'ils n'ont jamais par la suite soulevé la question lors des autres réunions», précisent les procureurs de la Commission.

Quant au Solliciteur général George McLlraith, il a pour sa part été mis au courant des activités illégales par M. Starnes lors d'une réunion le mois précédent. Lui non plus n'a pas cherché à en savoir plus long ou à faire cesser ces opérations. «À notre avis, M. McLlraith avait à titre de Solliciteur général le devoir de donner de telles directives. Ses responsabilités comprenaient l'obligation de s'assurer que le Service de sécurité effectuait son travail dans le cadre de la loi», de conclure les avocats.

L'ex-président de la Commission et ancien président du Parti libéral de l'Alberta, le juge David McDonald, a refusé hier d'accorder une entrevue à La Presse au sujet de ce document gardé secret depuis 11 ans. Il s'est contenté de lire une déclaration au téléphone soulignant que le mémoire de M. Kelly avait été remis aux commissaires à l'époque. «Ce texte est une ébauche d'une interprétation de la preuve, il ne donne pas les conclusions de la Commission. Celles-ci sont énoncées dans son rapport? on peut être en accord ou non avec les conclusions de la Commission» a dit M. McDonald.

Il reste que le rapport final de la Commission a fait sien presque tout le document préparé par les avocats Kelly et Cronk pour n'exclure que les passages traitant de la responsabilité des hommes politiques face aux actions de la GRC. Joint à son bureau de Toronto, l'ex-avocat de la Commission William Kelly a déclaré qu'il ne savait pas pourquoi on avait ainsi élagué son texte. «Je n'ai pas rédigé le rapport final, mais je serais très étonné qu'il s'agisse d'une opération camouflage», a-t-il dit.

Selon le criminologue et ex-directeur de recherche de la Commission Keable, Jean-Paul Brodeur, à qui La Presse a soumis le document, la Commission McDonald évitait ainsi de répondre à la question de savoir si l'autorité politique avait donné des directives au Service de sécurité de la GRC. «À certrains endroits dans le rapport final du juge McDonald, on atténue les conclusions des avocats, note M. Brodeur. Ailleurs, on supprime complètement certaines affirmations pour les remplacer par des propos dilués et même contradictoires. C'est notamment le cas en ce qui a trait au 'consentement tacite' de MM. Trudeau et Turner», dit-il.

Pour celui qui représentait l'ancien directeur du Service de sécurité de la GRC lors des audiences de la Commission McDonald, l'avocat Richard Mongeau, ce document secret vient confirmer ce qu'a toujours soutenu son client. «John Starnes a toujours affirmé qu'il avait l'autorisation implicite de ses maîtres politiques d'agir comme il l'a fait au début des années 70. On peut maintenant se demander pourquoi cela ne se trouve pas dans le rapport des commissaires», dit-il.

Après avoir lui-même réclamé une copie de ce document au Bureau d'accès à l'information du conseil privé l'an dernier, M. Mongeau a reçu une version censurée. «Tous les passages faisant état de la responsabilité des deux hommes politiques ont été retirés du texte qu'on m'a fait parvenir. Je savais pourtant qu'ils existaient, je les avais déjà lus et c'est bien pour cela que j'ai tenté d'en avoir copie», a jouté Me Mongeau.

Les opérations illégales de la GRC contre les indépendantistes et les groupes de gauche ont été révélés au public fortuitement lors du procès de l'ex-agent Robert Samson en 1976. Celui-ci avait alors admis sa participation à l'entrée par effraction et à la saisie sans mandat de nombreux documents de l'Agence de presse libre du Québec. Pour faire la lumière sur cette question, le gouvernement du Québec décidait l'année suivante de créer la Commission Keable. Le geste a été imité peu après par Ottawa qui formait la Commission McDonald.

On a par la suite appris que des agents du Service de sécurité de la GRC avaient notamment volé la liste des membres du PQ en 1973, les dossiers de l'APLQ et des caisses de dynamite. Ils avaient également détenus des personnes sans mandat, publié de faux communiqués du FLQ et mis le feu à une grange.

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