Habitués BisounoursCanada Posté(e) 23 mars 2015 Habitués Posté(e) 23 mars 2015 Babel, c’est des regards bigarrés qui couvent la culture féconde. Au diable nos différences, à chacun son langage, à chacun ses codes, là où vous voyez la dissonance, nous on voit la connivence. Faîtes connaissance avec Sonia, Hamza, Fadwa et Dorothée : de jeunes Montréalais aux origines variées qui sautent à pieds joints dans l’espace virtuel pour partager leur regard bien singulier. Passionnés par la vie urbaine, les activités culturelles, les actions citoyennes, les grands débats de société, l’actualité internationale ou ce qui fourmille à Montréal, ils vous charmeront par leur plume et leurs observations! Nguyen, PKP et étoile de ninja À mon arrivée au Québec, mon premier ami s’appelait Ten Nguyen-Nguyen. J’aimais prononcer son nom, la façon dont le ngu et le yen s’épousaient pour former un son unique. On s’était rencontrés dans la classe d’accueil à l’école en forme de vaisseau spatial, Gabrielle-Roy. J’encense le courage de la professeure en charge de l’appel de présence. C’était d’ailleurs avec mon nom qu’elle ouvrait le bal : «Ab#$@$oue#%#%louafaa?» «présent !» . La pauvre se démenait avec des voyelles dissidentes et des combinaisons alphabétiques douteuses. La classe était multicolore, et à elle seule, englobait une vingtaine de nationalités, c’était la réplique juvénile de l’ONU. La plupart baragouinaient quelques mots en français, surtout les latins et les maghrébins, proximité linguistique et colonialisme oblige. Les asiatiques, surtout les Chinois, avaient un peu plus de difficultés. Ils n’ont malheureusement pas été touchés par la lumière et la mission salvatrice des Français, sauf quelques vietnamiens. Ten Nguyen-Nguyen le parlait un peu, non pas grâce à ses parents, mais ironiquement grâce à ses grands-parents qui ont connu l’Indochine et les croissants au beurre. On pouvait donc communiquer avec quelques mots, quelques verbes, quelques adjectifs, on se contentait de peu pour inventer un monde fantasque. Je me rappelle qu’une fois, nous avons vu une étoile de ninja plantée sur l’une des façades du vaisseau spatial. On essayait de la décrocher en lançant des balles de neige, mais rien n’y faisait, elle était bien arrimée. On avait donc conclu qu’elle appartenait au concierge, un ninja undercover. Plus le temps passait, plus Ten s’appropriait la langue de Molière. En fait, il parlait un français des Lumières, qu’on nomme ici le joual. Ten était une éponge à mots, comme la plupart des Monica, des Carlos, des Xin. Il suffisait d’un an, pour qu’ils soient de vrais petits francophones, à déconner en français, à rire en français, à vivre en français. Pourtant, ils gardaient tous un petit vestige de leurs origines, Carlos roulait encore ses Rrrr, Monica donnait un air russe pédant à ses phrases et Xin….lui il mangait des trucs bizarres. Ceci dit, leurs parents n’ont pas la même chance. La plupart sont partis dans le but de se reconstruire. La plupart sont des bourreaux du travail, qui n’ont que quelques économies, vite dilapidées par le taux de change. Changez une gourde ou un dinar contre un dollar, vous verrez bien. Bref, ces parents là sont en mode survie, d’autant plus qu’ils ont des bouches à nourrir. Ils vont bosser, parfois piller sur leur fierté pour donner à leurs enfants un avenir meilleur. Bien sûr qu’ils ne parlent pas bien le français, bien sûr qu’il n’accordent pas bien le participe passé, bien sûr qu’ils ne savent pas trop qui est Champlain ni Vigneault. Bien sûr que plusieurs vont échouer le test que propose de faire passer la CAQ. François Legault croit qu’un certificat d’accompagnement transitoire de trois ans qui débouche sur un test d’histoire, de français et un test sur les connaissances des valeurs québécoises, va régler tous les maux de l’immigration. Il incombe les fautes et les tares sur une personne, soit l’immigré. Pourquoi ne pas parler de la responsabilité partagée de l’intégration, pourquoi ne pas peaufiner les équivalences de diplômes ou bien mettre en place davantage d’écoles gratuites de francisation. Votre test, M. Legault, n’est qu’une épée de Damoclès qui se rajoute au fardeau des nouveaux immigrants et qui les stigmatise davantage. S’ils échouent aux tests, allez-vous renvoyer Ten Nguyen-Nguyen aussi ? Chaque fois qu’un politicien reprend le discours identitaire, je grince des dents. Je ne suis pas contre l’idée d’en parler, mais dans la bouche d’un Legault ou d’un Péladeau, je sens la récupération électoraliste. «Valeurs québécoises» est devenue une formule vide de sens qui englobe tout et rien. Selon Drainville, ces valeurs seraient l’égalité entre les femmes et les hommes, la primauté du français, ainsi que la séparation des religions et de l’État, la neutralité religieuse et le caractère laïque de celui-ci. Des valeurs selon lui acquises, laissez-moi en rire. Le combat de la parité est loin d’être gagné au Québec, le crucifix de Duplessis nargue toujours nos «élus laïques» dans la chambre bleue. On passe sous le silence les subventions données aux écoles privées et aux églises, on interdit à coups de règlement de zonage la construction d’un lieu de culte musulman, on attaque l’ostentatoire, question la plus superficielle d’un réel débat sur la laïcité. Et la primauté du français? Le français est dans un sale état, parlez-en aux futurs professeurs qui échouent par milliers le test d’entrée. Voyez comment «valeurs québécoises» dans la bouche d’un politique ne veut rien dire. Et si en plus, on ressort la pelle pour exhumer les paroles de Parizeau comme l’a fait honteusement PKP hier lors du débat à la course à la chefferie du PQ, alors là, on est sûr de s’aliéner les immigrants une fois pour toute. J’en ai marre d’être instrumentalisé comme bête d’épouvante. Vous avez raison M.Péladeau, l’immigration nuit à la souveraineté, vous nous le rappelez tellement souvent qu’on finira par vous croire. http://voir.ca/babel/2015/03/19/nguyen-pkp-et-etoile-de-ninja/ Citer
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