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L'Amérique du nord peut-elle devenir le berceau d'une nouvelle


touareg

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  • Habitués

Je crois bien que lextrémisme musulman qui couvait depuis des siècles pour des raisons divers a atteint son apogée par lexplosion rageuse du terrorisme islamiste de cette dernière décennie et la réaction mondiale de répulsion et de lutte contre cet obscurantisme inacceptable qui sen est suivie.

La pression générale et la mise à l'index des musulmans à travers le monde et la considération de la déviance de leur doctrine comme une menace majeur sur la liberté et la paix mondiale pousse certains de ces derniers à reconnaître lévidence de se réformer et d'arranger leur doctrine pour l'adapter aux préceptes de liberté et de tolérance humanistes du temps.

Et qui mieux quune terre reconnue pour sa constante orientation à tolérer et à protéger les convictions et la libre pensée de chaquun, est habilitée à générer une nouvelle race de musulmans jaloux de leur liberté et de convaincus de la liberté des autres aussi ??

Voici lun des exemples de cette nouvelle pousse musulmane en Amérique du nord :

Keith Ellison. Premier élu musulman au congrès américain

Un musulman au Capitole

« Il y a deux vérités quil ne faut jamais séparer en ce monde.

Que la souveraineté réside dans le peuple

Que le peuple ne doit jamais lexercer. »

Antoine de Rivarol

La politique est lart dempêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde, avait écrit Paul Valery. Keith Ellison, ce quadragénaire qui ferait plutôt penser à un jovial acteur de cinéma, a fait sienne cette devise en sengouffrant dans le très complexe art de lesquive. « Pour ne pas rester en rade, surtout pour des gens comme nous, qui savons ce que discrimination veut dire, il vaut mieux prendre notre destin en main, sinon on continuera à subir le joug des autres », avait-il déclaré lorsquil avait décidé dembrasser une carrière politique. Alors il y est allé, nourri des idées généreuses et progressistes avec lintime conviction de changer lordre des choses, au moins le secouer. Car pour gagner, il ne suffit pas de savoir ce que veut ladversaire, il faut surtout savoir ce que lon veut soi-même. Et Ellison savait demblée ce quil voulait faire. Il a fait deux choix importants. Entrer en politique et se convertir à lIslam. Depuis sa mue, il est devenu un homme qui compte dans le sérail démocrate, surtout dans son fief, le Minnesota, où lexercice était plutôt périlleux. Terre promise des immigrants nordiques où les Afro-Américains ne pèsent pas lourd sur le plan démographique, moins de 4% de la population, cet Etat a pourtant jeté son dévolu sur ce jeune avocat noir de 43 ans, désormais son représentant au Congrès.

En guerre contre la guerre

Dans cette Amérique profonde du Middle West, le candidat noir sest battu comme un beau diable, pour soffrir enfin le siège tant convoité. Il est le premier musulman à rejoindre le Capitole où il va désormais défendre le programme de ses amis démocrates qui ont mis à profit la déconfiture de leurs rivaux pour simposer. Dailleurs et à linstar de ses partisans, il na eu de cesse de vilipender la politique de Bush. « Je ne comprends plus pourquoi le Président affirme quil faut avoir confiance en lui quand il est patent que sa politique à Baghdad a échoué. De plus, lidéologie messianique des néo-conservateurs et son ferment religieux se trouvent fortement ébranlés. Il faut passer à autre chose et on est là pour ça », lance-t-il à lendroit de ses électeurs. Sa victoire, il la arrachée à Minneapolis, une circonscription électorale détenue pendant 28 ans par Martin Olav Sabo, dorigine norvégienne, parti à la retraite cette année. Le triomphe de Keith aurait pu passer pour banal, sil nétait le point de mire de la jeune garde de son parti, pour son engagement sans faille contre la guerre en Irak et ses attaques incessantes contre la politique de Bush. Mais pas seulement cela, la couleur de sa peau et sa confession musulmane en ont fait un élu atypique voué à une médiatisation outrancière. Il est vrai quau pays des conservatismes, lavènement de Keith est plus quun fait divers. Et puis, en bon communicateur qui sest pris au jeu des médias, le premier Noir jamais mandaté par le Minnesota à la Chambre des représentants, et le premier musulman à gagner le Capitole, ne se fait pas prier pour safficher dans les studios avec ses manières théâtrales presque caricaturales. Comme lors de cette émission de grande écoute où son adjointe lui a tendu discrètement un sandwich quand est venue lheure de rompre son jeûne du Ramadhan. Keith est comme ça. Il fait soigner son image, même avec des airs de mas-tu vu ? Cest lui qui avait déclaré lors dune campagne menée tambour battant : « Je représente seulement le Minnesota. Et pas les musulmans de la planète. Mais si ma présence peut marquer la différence entre mes positions et celles de givrés rendus hystériques à cause du 11 septembre, jaurais peut-être fait uvre utile. » Né catholique il y a 43 ans à Détroit, Keith sest converti à lIslam à lâge de 19 ans, alors quil étudiait à luniversité du Minnesota. Dans les années 1990, il a signé des articles sous divers pseudonymes, Hakim, Muhammad et milité dans le mouvement nationaliste noir américain Nation of Islam. Son passé a été ressorti et finement décortiqué par son adversaire politique qui ne sempêcha pas lors dun meeting de monter lauditoire contre « cet homme qui a frayé, avec Nation of Islam, le mouvement de lantisémite Farakhan et cautionné son idéologie. Il a obtenu des fonds dune organisation favorable aux terroristes palestiniens. Comment pouvez-vous lui faire confiance ? » Mais au lieu dentraîner la foule par son discours, le républicain est sommé darrêter son char et daller voir ailleurs. Tête basse, il quitte la salle, laissant place à un Keith euphorique, qui répète à une assistance surchauffée quil ne veut nullement être le musulman de service. Il nest pas dupe de ce quimplique sa foi. Il fustige le discours sécuritaire qui, dans lopinion, nourrit la crainte de lIslam. « On a fait trop damalgame. La religion nest pour rien dans la violence constatée ici et là. On sest tapi derrière lIslam pour justifier linjustifiable », explique-t-il. Tout au long de sa campagne, Keith a condamné avec la plus grande vigueur lentrée en guerre contre Saddam et a affirmé le droit dIsraël à lexistence. Il sest insurgé contre la torture infligée aux suspects de terrorisme de Guantanamo, autant que contre lespionnage des citoyens américains. Keith ne nie pas ses relations avec Nation of Islam. « Elles se limitent à ma participation à lorganisation de la fameuse marche de 1 million de Noirs à Washingon en quête de dignité dans un pays où la discrimination est toujours dactualité. » Dailleurs, face aux effets dévastateurs du racisme, il a plaidé pour un ressaisissement. « Ce sont aux Noirs eux-mêmes de saisir leur chance, de profiter des possibilités qui leur sont offertes pour réussir dans la vie et de créer un environnement culturel qui rejette le crime, lignorance et lauto-abaissement. »

Critique farouche de Bush

Malgré ses distances avec Farakhan, Keith na pas renié sa religion. Sil prie cinq fois par jour en direction de La Mecque et fréquente la nouvelle mosquée du nord de Minneapolis, il na renoué les fils avec les organisateurs musulmans américains quaprès son élection à lAssemblée parlementaire de son Etat en 2002. Ces liens se sont renforcés à la veille des primaires démocrates de septembre dernier, quil a remportées de 7000 voix sur ses rivaux. Des voix somaliennes, selon les analystes du scrutin. Abdellahi Hassan est leur représentant. Arrivé seul à 20 ans, en 1980 sans le sou, il est aujourdhui directeur de ce que lon peut considérer comme une véritable chambre de commerce africaine. « Bien sûr que nous avons aidé M. Ellison. De la même manière que les immigrants irlandais ont porté le clan Kennedy dans leur conquête du Massachussets. Pour les murs et le style de vie, nous serions en tant que musulmans, plus républicains que les républicains. Mais comme tous les nouveaux Américains, nous penchons pour les démocrates. Ellison, par sa culture et son engagement social, est donc le candidat rêvé », suggère lhomme daffaires. Keith a assurément bénéficié de la mobilisation des musulmans. Il y a dix ans, la population musulmane était insignifiante dans le Minnesota. Ils sont actuellement plusieurs centaines de milliers, principalement Ethiopiens ou Somaliens. Le métier davocat quil exerce a grandement aidé Keith à se mouvoir dans une politique de proximité et un engagement aux côtés des pauvres. Ces derniers sont unanimes à louer ses mérites. La dépollution des eaux et linterdiction des peintures au plomb, cest lui. Lamélioration des conditions dans les écoles, cest encore lui. Ses administrés savent le travail colossal quil a abattu et ne cachent pas leur sympathie pour ce battant, excellent tribun.

Musulman et après !

« Les Américains sont las de six ans dincantation et de divisions idéologiques. Ils veulent des élus qui accomplissent un boulot et se fichent de la couleur de leur peau, sils ont un impact sur leur vie quotidienne. » Cest à peu près ce que disait aussi son ami Barack Obama, sénateur noir de lIllinois, dorigine kenyane, mais qui na été élu au Sénat en 2002 que grâce aux voix des Blancs. Peut-être que Keith est sur les mêmes traces. Sil a des sympathisants, notre député a aussi des ennemis. Accusé dantisémitisme et dextrémisme par des adversaires, Keith a reçu le soutien du révérend Jesse Jackson et lancien candidat à la présidentielle, M. Mondale, mais aussi du conseil national des juifs démocrates et dun important journal de la communauté juive de Minneapolis, alors que son adversaire républicain est juif. Critique farouche du président Bush et de la guerre en Irak, il soppose à ceux qui brandissent le choc des civilisations et a rappelé dans sa campagne que les musulmans (4 millions aux Etats-Unis) ont des aspirations partagées par tous les Américains, avoir une vie décente, une bonne éducation, avoir un lieu de culte, créer une entreprise. Il est bon de noter que Le New York Times a rapporté une enquête effectuée par le département de la sécurité qui révèle que cinq ans après le 11 septembre 2001, les Etats-Unis enregistrent la plus forte émigration musulmane de ces dernières décennies, notamment depuis 2004. Les musulmans espèrent quil va leur fournir la voix qui leur manque désespérément même si son expérience est plus africaine américaine quislamique, explique Abdo, spécialiste de lIslam américain. Fidèle à lui-même et féru des effets dannonce, Keith est assez satisfait de limage quil se fait de lui-même et de ce quen font les médias. Après leffervescence suscitée par son élection et la relative accalmie qui sen est suivie, le voilà qui remonte sur ses grands chevaux pour déclencher une polémique naturellement exploitée par la presse. Il a déclaré quil allait prêter serment sur le Coran et non sur la Bible, lors de la cérémonie dinvestiture en janvier prochain. « Jen fais une question de principe a-t-il tonné devant ses supporteurs, en précisant que la constitution garantit à tout le monde le droit de prêter serment sur le livre quil préfère, cest cela la liberté du culte. » Manifestement, Keith est un homme à part, et son parcours est un véritable compte de faits.

PARCOURS

Né à Detroit (Michigan) il y a 43 ans, dans une famille catholique, Keith Ellison sest converti à lIslam à 19 ans. Il a été proche, un temps, de Nation of Islam. Le mouvement noir radical de Farakhan, dans le milieu des années 1990. Devenu avocat, il se présente comme un musulman modéré prêt à travailler avec des personnes de nimporte quelle religion ou origine. Installé dans le Minnesota en 1987, il a été élu à la chambre des représentants locale dans un quartier multiethnique du nord de Minneapolis où il a siégé pendant deux mandats. Il est devenu, depuis le 7 novembre dernier, le premier parlementaire noir du Minnesota, un Etat majoritairement peuplé de Blancs. Keith Ellison a regretté que lintérêt porté à sa religion ait fait passer au second plan son programme axé sur la défense des plus pauvres, une couverture santé universelle, le développement des énergie renouvelables et sur le retrait des soldats américains dIrak. « Il ne fait pas de doute que la foi et les valeurs sont importantes pour les gens. LIslam est une religion minoritaire et peu représentée en Amérique. » Keith est marié et père de 4 enfants.

Hamid Tahri

In www.elwatan.com

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  • Habitués

C'est clair qu'il y a un faussé de plus en plus grand entre musulmans occidentaux versus les autres musulmans. Rappelons nous ce Musulman Canadien Fadi Fadel, ouvertement homosexuel qui était intervenant auprès des jeunes toxicomanes et prostitués. C'est tout un contraste lorsqu'on pense qu'au moyen-orient, on préfère punire "ces" vices par peine capitale plutot que de réfléchir à la source du problème. Il avait fait l'actualité en Irak. Son histoire

Biztalk.

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  • Habitués

Oui bon, c'est peut-être exceptionnel aux USA, mais au Canada, on a déjà quelques députés musulmans. Je pense entre autre à Fatima Houda-Pépin (une femme en plus!) originaire du Maroc et députée élue pour le PLQ, à John Nuraney originaire du Kenya et député pour la Colombie Britannique, à Rahim Jaffer originaire du Pakistan et député conservateur en Alberta , à Yasmin Ratansi originaire de Tanzanie et députée pour le PLC. Il y en a sûrement d'autres, mais disons simplement que les USA sont en retard à ce niveau.

Et ça aide sûrement, mais la balle est surtout dans l'autre camp. ;)

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  • Habitués

Voici des paroles tellement sensées et bien dites que je trouve une grande envie de les partager avec vous :

Abdennour Bidar

«Il nous faut ni plus ni moins quune nouvelle éducation musulmane»

La liberté individuelle a toujours existé en islam, certes. Mais aussi, reconnaissons-le, la pression du groupe, le jugement des autres. Et aussi lhabitude de croire, profondément enracinée en chacune de nos consciences, que le véritable islam est lobéissance à tout ce que le Coran et la Sunna nous ont transmis, et que les théologiens-juristes ont développé au sein de chacune des grandes écoles juridiques, puis que des générations doulémas et dimams ont imposé, relayés eux-mêmes par la fixation des coutumes.

Ne confondons plus la parole de Dieu avec ce que des siècles dinterprétation humaine lui ont fait dire ! Ne rejetons pas tout cela, mais posons-le sereinement devant nous : droit personnel dinventaire, devoir personnel de choix.

Vis-à-vis du dogme, de la loi (chariâ), et de tout ce que lislam range selon cinq catégories (lobligatoire, le recommandé, le permis, le déconseillé, linterdit), que chacun exerce sa responsabilité personnelle, selon la parole coranique «Allah nimpose à chacun que ce quil peut porter» (II, 286).

Liberté ne veut pas dire facilité. Liberté ne veut pas dire suppression de la loi mais intériorisation. Intériorisation du rapport à la loi : cest de lintérieur de ma propre conscience spirituelle que la voix dAllah me parvient, cest à partir de ma propre liberté spirituelle que je réponds à la sollicitation dAllah.

Que chacun détermine ainsi son propre rapport au dogme et à la loi, selon un critère primordial : de quoi ai-je personnellement besoin pour me sentir en paix ? Avec toutes les questions subsidiaires, et que notre responsabilité, là encore, ne saurait éviter : si je suis en milieu occidental, quest-ce qui est compatible avec lextérieur ?

Quest-ce qui risque de provoquer lincompréhension des non-musulmans ? Comment éviter de déclencher lhostilité ? Comment agir de la façon la plus authentique et pacifique à la fois ?

Personnellement, avec les non-musulmans, je ne me conduis jamais en partant du principe «voilà ma différence, accepte-là», mais toujours en me demandant dabord «que peut-il comprendre et accepter de ma différence, et comment trouver le moyen de faire malgré tout monde commun avec lui, comment trouver ou constituer des valeurs, des principes partagés ?» Non pas imposer sa différence, ni à lautre extrême labandonner ou la dissimuler, mais se demander si elle est tolérable pour lautre.

In www.lanouvellerepublique.com

Quel bon sens !!

En ce petit paragraphe le penseur résume exactement toutes mes interventions sur ce sujet, et préfigure de ce que sera naturellement le futur islam du XXI siècle.

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  • Habitués

Voici des paroles tellement sensées et bien dites que je trouve une grande envie de les partager avec vous :

Abdennour Bidar

«Il nous faut ni plus ni moins quune nouvelle éducation musulmane»

La liberté individuelle a toujours existé en islam, certes. Mais aussi, reconnaissons-le, la pression du groupe, le jugement des autres. Et aussi lhabitude de croire, profondément enracinée en chacune de nos consciences, que le véritable islam est lobéissance à tout ce que le Coran et la Sunna nous ont transmis, et que les théologiens-juristes ont développé au sein de chacune des grandes écoles juridiques, puis que des générations doulémas et dimams ont imposé, relayés eux-mêmes par la fixation des coutumes.

Ne confondons plus la parole de Dieu avec ce que des siècles dinterprétation humaine lui ont fait dire ! Ne rejetons pas tout cela, mais posons-le sereinement devant nous : droit personnel dinventaire, devoir personnel de choix.

Quel bon sens !!

En ce petit paragraphe le penseur résume exactement toutes mes interventions sur ce sujet, et préfigure de ce que sera naturellement le futur islam du XXI siècle.

Ce n'est pas parfait, mais le simple fait de pouvoir ce remettre en question est déjà un pas dans la bonne direction. Seulement vois-tu, lorsqu'on pense que L'Egypte à proclamé en 2006 que les relations sexuelles nues sont une hérésie passible de prison (et donc, de torture...), je me dis que les Touaregs et Abdennour Bidar de ce monde ont encore beaucoup de pain sur la planche...

Biztalk.

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  • Habitués

Enfin une petite lueur d'espoir, on ne peut que les encourager.

Je suis sûr que l'après-Bush amènera une ère de détente entre le monde occidental et le monde arabo-musulman. En tout cas, je veux y croire! :)

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  • Habitués

Pour mieux illustrer les facettes cachées de lislam et son possible accommodement avec toutes les manifestations légitimes de la liberté humaine rien de mieux que le cas dune femme pas comme les autres, celui de la vie de la femme de lettre Isabelle Eberhardt, que de part son intelligence, sa lucidité et sa manière de sattacher à sa liberté et a son libre arbitre, à première vue elle ne pourra saccommoder ni accepter une religion comme lislam avec son interpretation actuelle et pourtant elle a jeté librement son dévolu sur cette religion et elle a pu la vivre et la pratiquer à sa manière et comme sa conscience et son libre arbitre lui dictent et même se faire accepter et aimer ainsi par les musulmans (ces confrères et consoeurs de religion) quelle a fréquenté et choisi librement de s'établir et de vivre parmi eux, mais cétait hélas au XIXe siècle.

Actualités : CATHERINE STOLL-SIMON*

Lislam dune scandaleuse

Mériem, Mahmoud, Nicolas Podolinsky Isabelle Eberhardt signait ses textes sous de nombreux pseudonymes féminins ou masculins et beaucoup nont retenu de ce personnage atypique que cette capacité singulière à brouiller les cartes de son identité, à shabiller en bédouin et à vivre en homme.

Insoumise à lordre bien établi de la fin du XIXe siècle, féministe à sa manière, aventurière en quête dun «ailleurs» sans exotisme : il fallait que cette jeune Russe fut dabord tout cela pour oser quitter la Suisse et lOccident à 19 ans, rejoindre le Sahara algérien et sy fixer définitivement jusquà ce jour doctobre 1904 où la crue dun oued lemporta. Elle navait que 27 ans. Destinée hors du commun qui inspira passions, légendes et fantasmes. Il est vrai que cette grande amoureuse du désert et du Maghreb fut une scandaleuse dexception : à Genève dabord, là où elle vécut ses «années occidentales», on la croisait dans les rues habillée en marin ; elle y menait une vie de bohème libertaire, fréquentant les milieux anarchistes et activistes de Genève, militant même en faveur de lindépendance de la Macédoine ; à Bône, en Algérie où elle se fixa quelques mois avec sa mère et où ces étranges étrangères ne recevaient que des «indigènes » au grand dam des colons bon teint ; à Tunis, où elle ne fit que passer et où elle mène alors, entre amis et amants arabes, une vie turbulente peu conforme aux standards dune jeune fille dorigine aristocrate. A Oued- Souf, en Algérie, où elle affiche au grand jour ses amours avec un jeune spahi, alliance que les militaires français du Bureau arabe ne manqueront pas de juger «contre- nature» et qui lui vaudra une réputation définitive de débauchée. Incontestablement, cette grande vagabonde dérangeait ; et limage insolite de cette jeune femme revêtue du chèche et du burnous, fréquentant les cafés maures et les mauvais lieux, fumant du kif et chevauchant sur les pistes entre Touggourt et Guemar, nest que la face visible, exotérique, dun esprit libre et subversif que par commodité, on a préféré croire bohème et libertin. Cest sans aucun doute à lapogée de sa courte vie, sur cette terre algérienne quelle avait choisie pour «nid, au fond du désert, loin des hommes» que linsoumise semploya le plus à écarter les entraves sociales et à dépasser les clivages géographiques et culturels : à travers ses Nouvelles qui paraissaient alors dans des revues françaises ou des quotidiens algérois, elle sut dénoncer limmense bêtise coloniale et, dans la ligne de Zola quelle avait soutenu en 1898, «accusa» de son côté linhumanité du traitement des prisonniers, les forces doccupation qui détournaient les hommes de leur tribu, leur faisant croire que «la liberté (est) sous la veste bleue» et les rendant difficilement réadaptables à leur vie dorigine Elle accusa «la triste comédie bureaucratique » qui justifiait lexpropriation des fellahs pour récupérer les terrains de colonisation, elle accusa les petits et grands chefs et leurs préjugés racistes. Ni Maupassant, également fasciné par le Maghreb et qui ly avait précédée de quelques années, ni Gide quelle aurait pu croiser entre Alger et Biskra, ne surent avoir ce regard politique, percutant, qui dépassait largement lintention littéraire. Il est vrai que parlant larabe classique et dialectal, mariée à un «indigène» et de surcroît musulmane, Isabelle fit bien davantage que «passer » en voyageuse et en journaliste femme de lettres ; bien plus quune empathie pour le monde arabe, elle vécut une forme très personnelle d«assimilation» à lunivers arabo-musulman sans pour autant jamais se départir de son sens aigu de la liberté individuelle : manière ultime et profondément subversive de sopposer dans sa vie même comme dans ses textes à lintolérance et aux réflexes arabophobes, renvoyant aux colons dalors limage de leur sèche imperméabilité à la culture de «lautre» Isabelle ne pouvait aller plus loin dans le refus des conventions sociales et la dénonciation ouverte dun monde occidental engagé sur la pente dune modernité dont elle pressentait le potentiel de déshumanisation et de barbarie. Dailleurs, elle en avait fait la perte du sacré et des repères éthiques : en 1899, dans son seul texte à caractère philosophique, elle écrivait : «LEurope et ses filles spirituelles, essaimées aux quatre coins du monde, ont fini par rejeter toutes les croyances douces et consolantes, toutes les espérances et tous les réconforts Au point de vue de la science tel était leur droit Cependant, les hommes tirèrent de lathéisme cette conclusion terrible : point de Dieu, point de châtiment surnaturel ni ici-bas ni ailleurs, donc point de responsabilité Dès lors tout fut permis, et léthique avait vécu De ce fait, lincrédulité des modernes est double : religieuse et morale ». Propos visionnaires qui anticipent, entre autres, ceux dAlbert Schweitzer* sinquiétant, quelques années plus tard, des conséquences éthiques de la déspiritualisation de lOccident Profondément moderne, Isabelle Eberhardt le fut aussi dans son approche de lIslam. Elle qui se défendit toujours dêtre une convertie (« Je suis née musulmane et nai jamais changé de religion», alla-t-elle jusquà affirmer en 1903 dans un article de la Petite Gironde, jouant une fois encore sur lambiguïté de sa filiation paternelle) pratiqua dabord et avant tout un Islam intérieur, très écarté dune conception de lIslam réduite à lapplication de la loi religieuse et des commandements. Aboutissement dun cheminement tout à la fois ontologique et esthétique, sa recherche spirituelle la mène rapidement à fréquenter les zaouïas et à prendre lattachement auprès de la qadiriya, confrérie soufie très présente dans le Sud algérien où elle trouva «la patrie tant et si désespérément désirée». Patrie spirituelle bien sûr tout autant que géographique. Il nest pas aujourdhui sans intérêt de sattarder sur les pages de sa correspondance à Ali Abdul Wahab, lun de ses amis tunisiens, dans laquelle, en août 1897, elle interrogeait déjà lopportunité du port du voile et apportait à cette question devenue hautement sensible des réponses sans détour : «Maintenant, je ne me crois nullement obligée pour être musulmane, de revêtir une gandoura et une mléya et de rester cloîtrée. Ces mesures ont été imposées aux Musulmans pour les sauvegarder de chutes possibles et les conserver dans la pureté. Ainsi, il suffit de pratiquer cette pureté et laction nen sera que plus méritoire, parce que libre et non imposée» et dajouter un peu plus loin : «Dites-moi en toute conscience : faut-il oui ou non, me mettre à jouer le rôle dun docteur Grenier** féminin, qui semble supposer que lhabit fait le moine et que revêtir un burnous ou une ferrachia*** de femme veut dire être musulman ? Vous-même avez dit quil ny avait pas besoin de se déguiser en arabe pour être musulman.() Ce ne sont généralement pas les grands faiseurs de gestes et dembarras, pour parler plus simplement, qui sont les meilleurs parmi les croyants. Et pour moi, lIslam, la religion la plus lumineusement claire et la plus grandiosement simple qui soit, pour moi jamais lIslam ne consistera en «momeries» genre Grenier et compagnie.» Déclaration on ne peut plus claire qui distingue entre dun côté le contexte historique et socioculturel du Dar-el Islam, en loccurrence les murs et les coutumes des peuples arabes, et de lautre, lessentiel, lesprit universel du message coranique. Isabelle reprendra dailleurs cette différenciation en lappliquant cette fois-ci à sa condition dépouse : «Oui, certes, je suis ta femme, devant Dieu et lIslam, écrit-elle à son mari Slimène Ehnni. Mais je ne suis pas une vulgaire Fathma ou une Aïcha quelconque. Je suis aussi ton frère Mahmoud, le serviteur de Dieu et de Djilani**** avant dêtre la servante quest une épouse arabe pour son mari» Mises au point subtiles qui témoignent dune capacité étonnante à refuser toute confusion entre le champ spirituel et le contexte social, entre le sacral et lhistorique Celle qui, au fil de ses notes et journaliers, ne cessa de questionner son rapport au monde et qui nétait pas de «ces incrédules amoureux des solutions toutes faites et que le mystère impatiente» résumait en ces mots sa conception de la religion du Prophète : «Ne rien faire, si ce nest au nom de Dieu, c'est-à-dire (de) toujours faire ce qui est beau, donc bien et vrai» car «en toute chose, il faut sattacher à trouver dabord ce qui est divin» : vision immanentiste qui renvoie à la pensée du maître andalou Ibn Arabî ou de son célèbre disciple, lEmir Abd-el Kader. Alors, la débauchée brouilleuse de pistes était-elle aussi une mystique ? Question quelle aurait jugée absurde, estimant que la «compréhension de ces choses-là que les profanes traiteront sûrement de mysticisme, en leur passion insensée pour les phrases vides de sens, pour les classifications toutes faites qui leur permettent de parler sans penser », doivent échapper aux catégories du mental. «Sa liberté était celle dun oiseau dans le ciel», disait le maréchal Lyautet à son sujet Mystique ou pas, Isabelle avait les pieds bien ancrés dans la réalité : «Songe quen travaillant pour le but que je te trace, écrivait-elle à son mari afin de le convaincre de préparer lexamen dinterprète des Bureaux arabes, tu travailleras pour tous tes frères arabes, pour tous nos frères musulmans (). Sil y avait beaucoup dArabes comme cela en Algérie, les français seraient obligés de changer davis au sujet des «bicots». Cest comme cela quil faut servir lIslam et la patrie arabe». Perspective progressiste par laquelle, associant foi et progrès social, elle se déclarait explicitement en faveur dun Islam résolument «moderne», placé sur le terrain de défis qui, un siècle plus tard, restent dactualité, que ce soit dans nos banlieues ou ailleurs Son uvre et le témoignage de sa vie restent aujourdhui trop méconnus Il est vrai quen cherchant à devenir, en son être, «une femme à la fois libre et soumise à Dieu», elle opérait à sa façon le grand rapprochement des fondamentaux occidentaux et arabomusulmans, ce qui dérangea longtemps lune et lautre rive Aujourdhui ce «pari» est devenu dune brûlante actualité.

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* Catherine Stoll-Simon, par ailleurs journaliste et poète, est lauteur de Si Mahmoud ou la renaissance dIsabelle Eberhardt ; Editions Emina Soleil (en France) et Alpha éditions (en Algérie). De la rupture ontologique avec lOccident à limmersion dans le monde arabo-musulman, en passant par les étapes dévolution intérieur menant vers lIslam, cet essai, qui comprend également un cahier de photos, explore de lintérieur la métamorphose d Isabelle lOccidentale en Si Mahmoud, larabo-musulman

* Albert Schweitzer, Humanisme et mystique. (Albin Michel).

** Député du Doubs, converti à lIslam qui se rendait à la Chambre en costume arabe (comportement considéré alors comme excentrique mais dont le principe ne fut jamais questionné).

*** Sorte de voile.

*** Abd-el-Kader Djilani est le fondateur de la confrérie Qadiriya.

Source : www.lesoirdalgerie.com du 14/12/2006

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  • Habitués

Une autre femme musulmane qui se bat pour que l'slam soit réellement la religion qu'elle prétend être, c'est Irshad Manji. Originaire de l'Ougada et réfugiée au Canada avec ses parents en 1972, cette femme prône l'ijtihad, c'est à dire le retour de la pensée indépendante. C'est ce qui, selon moi, manque cruellement dans la pratique. Et elle est vivante... ;)

http://cybersolidaires.typepad.com/ameriqu...oblme_avec.html

http://www.muslim-refusenik.com/

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  • Habitués

Enfin une petite lueur d'espoir, on ne peut que les encourager.

Je suis sûr que l'après-Bush amènera une ère de détente entre le monde occidental et le monde arabo-musulman. En tout cas, je veux y croire! :)

tu crois encore au pére noel ,remarque c'est de saison

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