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Expatriés : le retour, un nouveau départ


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Expatriés : le retour, un nouveau départ ! Il ne suffit pas de partir. Encore faut-il savoir revenir. Et si le plus compliqué dans une expatriation était tout simplement le retour en France ?

L'expatriation est devenue incontournable dans l'entreprise. 2,2 millions de Français ont déjà franchi le pas.

DR. Keren Lentschner

[07 novembre 2005]

«AVANT le départ à l'étranger, il y a l'excitation, celle de l'aventure à venir, la découverte de l'inconnu, c'est très exaltant. Le retour l'est beaucoup moins...» Le bilan que dresse Bruno, jeune trentenaire, expatrié à Singapour pendant deux ans par un grand groupe français, en dit long sur l'«après».

Même si les Français ne sont «que» 2,2 millions à avoir franchi le pas, l'expatriation est devenue incontournable dans l'entreprise. Vécu comme un défi à relever par l'expatrié, rien n'est trop beau pour préparer son départ à l'étranger : formation linguistique, stage, lectures, etc. L'expatriation est souvent considérée comme une marque de reconnaissance de l'employeur. Pour ceux qui font la démarche à titre individuel et décrochent un job à l'étranger, les attentes n'en sont pas moins grandes.

Concernant le retour, l'excitation peut retomber rapidement. Loin d'être appréhendé comme un projet en soi, l'après passe souvent au second plan. «Ce n'est ni un casse-tête ni un piège mais le moment le plus difficile de l'expatriation», prévient pourtant Jean Pautrot, directeur du département mobilité-groupe-services chez EDF, coauteur d'un livre sur le sujet (Expatrié, rêve et réalité, éditions Liaisons). «C'est un enjeu à la fois business et ressources humaines. Au retour, les entreprises courent le risque de perdre leur expatrié.»

Car si les statistiques ? un expatrié sur deux quitterait son entreprise dans les deux années qui suivent son retour ? peuvent sembler exagérées, il existe bel et bien une problématique du retour à laquelle sont confrontés les employeurs depuis une dizaine d'années.

L'expat et son entourage doivent d'abord gérer le «blues de l'expatrié» et ce sentiment général, au retour, d'être incompris par ses proches. «J'avais l'impression d'avoir vécu des milliers de choses aux États-Unis, mes opinions avaient évolué, j'avais un regard plus critique sur la France, se souvient Marie Cousin, chargée de budget chez MPG International, de retour de cinq années à New York. Les autres, eux, n'avaient pas bougé. Et ils interprétaient comme un caprice de princesse ma difficulté à me refaire à la vie en France.» Et la jeune femme d'évoquer les «magasins fermés le dimanche» ou encore le «manque de spontanéité» de nos compatriotes.

Pour Bruno, déjà initié à Barcelone ? grâce à Erasmus ? aux joies du départ, ce sont les retrouvailles avec la «lourdeur de l'administration» française qui ont représenté un choc. De son côté, Michaël Amar, de retour à Paris après dix-huit mois de stage aux États-Unis chez Moulinex, a déchanté face à la rigidité du système français. «Je suis revenu motivé, avec plus d'assurance, fier de mon expérience anglophone d'assistant chef de produit. Mais pour les recruteurs, ce qui comptait, c'est que je n'avais pas fait la bonne école, je venais de la fac.» Au bout de six mois de recherche, ce bac + 4, diplômé de la Sorbonne, a finalement été embauché par Ernst & Young comme assistant... «première année». «Je m'attendais à avoir plus de responsabilités et non à devoir refaire mes preuves», déplore-t-il, même s'il est rapidement passé «senior».

Perte de pouvoir d'achat, nostalgie du statut d'étranger, abandon du confort de l'expatriation... «Décalage», c'est le mot qui revient le plus fréquemment dans la bouche des anciens expats pour décrire leur mal-être. À cela s'ajoute un nouvel environnement professionnel et des rythmes de travail auxquels il faut se réadapter. Pour le nouveau venu, les us français semblent soudain étranges. «J'ai fait la merveilleuse découverte des RTT et des congés payés», plaisante Marie, dont c'était le premier job en France. «J'en ai presque éprouvé une certaine culpabilité lorsque j'ai pris ma première journée !» «J'ai pris l'habitude de faire mes présentations à l'américaine, d'aller directement à l'essentiel alors que les Français ont le goût du détail», raconte Jean-Roch Martin, expatrié pendant cinq ans aux États-Unis par BNP-Paribas.

Après plusieurs années d'éloignement, le changement de structure n'est pas non plus facile à vivre. «Il m'a fallu six mois pour me réhabituer à travailler au siège. J'ai parfois regretté l'autonomie que je pouvais avoir à Singapour et la diversité des tâches que l'on peut connaître dans une plus petite structure», se souvient encore Bruno.

Une difficulté également due au manque de visibilité concernant le retour. Conjoncture oblige, peu d'entreprises sont en mesure de garantir un emploi au moment du départ. Une personne sur deux ignore quel tour son entreprise souhaite donner à sa carrière une fois l'expatriation achevée, selon une étude de Ernst & Young Société d'avocats (Témoignages d'expatriés, 2004). Ce qui explique le fort pourcentage d'expatriés (70%) qui préféreraient enchaîner sur un nouveau séjour à l'étranger, quand un sondé sur quatre envisage de changer d'entreprise à la fin de son expatriation. «Ce qui pèche, c'est la gestion de carrière. Les expatriés s'en sentent privés», résume Hélène Hiller, manager au sein du département Human Capital d'Ernst & Young Société d'avocats.

Comment expliquer un tel décalage entre les aspirations de l'entreprise et celles de l'expatrié ? Pourquoi l'employeur, prompt à investir dans l'expatriation de son employé, peine-t-il tant à le faire revenir ? «Ce que les entreprises sont en train de découvrir, depuis cinq ans environ, chacune avec sa culture, c'est qu'il y a un réel besoin d'accueil et de coaching de leurs expatriés», constate Jean Pautrot.

Récente, la prise de conscience des entreprises a permis de gérer le retour en amont. Outre l'aide logistique et administrative, comités de carrière, tutorats et programme de réintégration ont ainsi été mis en place pour accompagner l'expatrié tout au long de son séjour. «L'entreprise doit s'investir dans ce processus, elle doit porter ce retour», met en garde Jean Pautrot, également président du Cercle Magellan France.

Chez Total, l'expatriation fait partie depuis longtemps de la culture de l'entreprise. Les intéressés sont ainsi suivis, en fonction de leur type de métier, par un gestionnaire de carrière. «Ils ne sont pas oubliés professionnellement, explique Frédérique Setruk, responsable du département expatriation. En général, ils savent, à l'avance, sur quel poste et sur quel lieu géographique ils seront affectés à leur retour. Cela leur permet d'anticiper.»

Même souci chez EDF où l'expatrié est littéralement accompagné. Six mois avant son retour, l'entreprise lui offre la possibilité de faire, avec un spécialiste, le bilan de l'expérience acquise. «Cela lui permettra de mieux convaincre lorsqu'il sera reçu, en interne, pour un nouveau poste», explique Jean Pautrot. «L'expatrié a tendance à utiliser le mode de l'anecdote pour raconter son expérience. Il faut lui apprendre, afin d'être compris par son entourage, à transposer son récit en termes de compétences et de conduite de projet», précise encore Jean Pautrot.

Enfin, dernière étape, neuf mois après le retour, l'ancien expatrié répond à un questionnaire sur sa réintégration. De quoi évaluer l'accueil de ses managers et son degré de satisfaction. Un moyen aussi de limiter le turnover.

Certaines entreprises choisissent de faire appel à une aide extérieure. Parmi les cabinets spécialisés dans la gestion de la mobilité internationale, Global'Ease propose ainsi à ses clients un module d'e-learning («En marche vers le retour») complété ensuite par trois demi-journées de coaching étalées sur six mois. L'objectif du module permet aux expatriés de «mettre des mots sur leur expérience et les décalages qui peuvent être ressentis», explique Anne-Claire Geffroy de Global'Ease.

Les entreprises ont aussi pris conscience que, dans la plupart des cas, cette aventure ne se vivait pas seul et que la carrière du conjoint ne pouvait être négligée. Beaucoup prennent ainsi en charge, pour le conjoint, une partie des frais d'un cabinet de replacement. «J'ai vraiment ressenti la reconnaissance de la cellule familiale par mon entreprise», confirme Jean-Roch Martin, à la BNP. Chez Total, où les déménagements se passent en été pour faciliter la rentrée scolaire, un conseiller pédagogique veille, entre autres, à la réinscription des enfants.

Pour bien préparer son retour, l'expatrié doit garder à l'esprit, pendant l'expatriation, qu'il y aura bien un retour. «Il faut essayer de se projeter dans le pays dans lequel on rentre», se rend compte aujourd'hui Marie Cousin. «Considérer le retour comme une nouvelle expatriation» est la clé, estime Anne-Claire Geffroy, avec les défis et l'attitude proactive que cela implique.

Ce qui veut dire entretenir les relations avec ses anciens collègues, se tenir au courant de la vie au siège comme des «bruits de couloir» sont indispensables, conseillent à l'unisson les anciens expats. C'est ce qui permet de ne pas se sentir déconnecté mais aussi de retrouver facilement un job. «Ça s'est fait naturellement car j'ai su garder suffisamment de contacts», raconte Jean-Roch Martin, qui profitait de ses retours à Paris ou des passages à New York de ses managers pour maintenir le lien.

Un retour réussi repose aussi sur la patience de l'intéressé. «On ne tire pas de bénéfice de son expatriation immédiatement après être rentré mais uniquement si l'on est capable de se réadapter», avertit Jean Pautrot. Autant de conditions qui permettent à l'expatriation de représenter, non pas une simple parenthèse dans la carrière mais un réel tremplin.

«Ça m'a donné une crédibilité auprès de mes collègues. Au niveau des responsabilités comme de la rémunération, ça m'a permis d'évoluer plus vite», constate aujourd'hui Bruno, qui ne se lasse pas depuis son retour de redécouvrir Paris. Pensés ensemble, expatriation réussie et retour gagnant ne sont donc pas incompatibles. Ils peuvent représenter au contraire un véritable moteur au sein de l'entreprise.

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