ABDELA Posté(e) 2 mai 2005 Posté(e) 2 mai 2005 Avant de devenir un immigré, on est émigré ; avant d?arriver dans un pays, on a dû en quitter un autre, et les sentiments d?une personne envers la terre qu?elle a quittée ne sont jamais simples. Si l?on est parti, c?est qu?il y a des choses que l?on a rejetées, la répression, l?insécurité, la pauvreté, l?absence d?horizon. Mais il est fréquent que ce rejet s?accompagne d?un sentiment de culpabilité. Il y a des proches que l?on se veut d?avoir abandonnés, une maison où l?on a grandi, tant et tant de souvenirs agréables. Il y a aussi des attaches qui persistent, celles de la langue ou de la religion, et aussi la musique, les compagnons, les fêtes, la cuisine.Parallèlement les sentiments qu?on éprouve envers le pays d?accueil ne sont pas moins ambigus. Si l?on y est venu, c?est parce qu?on y espère une vie meilleure pour soi-même et pour les siens ; mais cette attente se double d?une appréhension face à l?inconnu - d?autant qu?on se trouve dans un rapport de force défavorable ; on redoute d?être rejeté, humilié, on est à l?affût de toute attitude dénotant le mépris, l?ironie, ou la pitié.Le premier réflexe n?est pas d?afficher sa différence, mais de passer inaperçu. Le rêve secret de la plupart des migrants, c?est qu?on les prenne pour des enfants du pays. Leur tentation initiale, c?est d?imiter leurs hôtes, et quelquefois ils y parviennent. Le plus souvent, ils n?y parviennent pas. Ils n?ont pas le bon accent, ni la bonne nuance de couleur, ni le nom, ni le prénom, ni les papiers qu?il faudrait, leur stratagème est très vite éventé. Beaucoup savent que ce n?est pas la peine d?essayer et se montrent alors, par fierté, par bavarder, plus différents qu?ils ne le sont.Certains même (faut-il le rappeler ?) vont bien plus loin encore, leur frustration débouche sur une contestation sociale.La sagesse est un chemin de crête, la voie, étroite deux précipices, entre deux conceptions extrêmes. En matière d?immigration, la première de ces conceptions extrêmes est celle qui considère le pays d?accueil comme une page blanche où chacun pourrait écrire ce qu?il lui plaît, ou pire, comme un terrain vague où chacun pourrait s?installer avec armes et bagages, sans rien changer à ses gestes et à ses habitudes.L?autre conception extrême est celle qui considère le pays d?accueil comme une page déjà écrite et imprimée, comme une terre dont les lois, les valeurs, les croyances, les caractéristiques culturelles et humaines auraient déjà été fixées une fois pour toutes, les immigrants n?ayant plus qu?à s?y conformer.Les deux conceptions me paraissent également irréalistes, stériles et nuisibles. Les aurais-je représentées de manières caricaturales ? Je ne le crois pas, hélas. D?ailleurs, à supposer même que je l?aie fait, il n?est pas inutile de brosser des caricatures, elles permettent à chacun de mesurer l?absurdité de sa position si elle était poussée jusqu?à sa conséquence ultime ; quelques uns continueront à s?entêter, tandis que les hommes de bon sens avanceront d?un pas vers l?évident terrain d?entente, à savoir que le pays d?accueil n?est ni une page blanche, ni une page achevée ; c?est une page en train de s?écrire. Citer
Habitués MR_Nice_Guy Posté(e) 2 mai 2005 Habitués Posté(e) 2 mai 2005 (modifié) Merci Abdela pour ton temoignage c vraiment instructif, je m'y retrouve dans certains passages.@+MNG Modifié 2 mai 2005 par MR_Nice_Guy Citer
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