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Depuis la fermeture de Roxham, « c’est l’exode vers le sud »


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Les passages clandestins se multiplient entre le Québec et les États-Unis, les autorités américaines ayant noté, en mars, une hausse de 1200 % des interceptions par rapport à l'an dernier.

 
Trois migrants.

Valise à la main, trois migrants s'apprêtent à franchir clandestinement la frontière canado-américaine le 11 avril.

PHOTO : RADIO-CANADA / ROMAIN SCHUÉ

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Romain Schué
Romain Schué
 
Publié hier à 17 h 01

« America? »

Téléphone à l’oreille et sourire aux lèvres, un jeune homme pose une classique question géographique, cherchant sa direction, avant de poursuivre sa route à pied avec ses deux amis.

La nuit est tombée depuis quelques heures déjà sur le rang Edgerton, un paisible chemin du Haut-Richelieu au Québec. Sa particularité? À peine un buisson le sépare de la frontière américaine.

Un léger obstacle que les trois jeunes d’origine latino-américaine, arrivés en taxi quelques instants plus tôt, traverseront sans encombre, bagages à la main.

 
Des hommes avec une valise.

De plus en plus de migrants tentent de rejoindre les États-Unis en passant par des chemins au Québec, comme le rang Edgerton.

PHOTO : RADIO-CANADA / ROMAIN SCHUÉ

Un gros trafic

Ils ne sont ni les premiers ni les seuls à tenter leur chance. Depuis quelques semaines, le rang Edgerton est devenu l’un des points de passage clandestin les plus importants pour les passeurs et les migrants qui veulent se rendre discrètement aux États-Unis.

Radio-Canada a pu le vérifier en se rendant à plusieurs reprises sur place, croisant à la fois des familles, des personnes seules, mais aussi de nombreux agents de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

Plusieurs caméras viennent d’ailleurs d’être installées à la fois par les autorités canadiennes et américaines. Ces dernières patrouillent maintenant plusieurs fois par jour sur ce chemin aux apparences anodines.

 
 
 
 
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Téléjournal Montréal
 
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Il y a beaucoup plus de migrants qu'avant qui traversent la frontière du Canada vers les États-Unis. Romain Schué s'est rendu au rang Edgerton, près de Lacolle, où on constate une hausse des passages.

Ça fait à peu près un mois que ça passe beaucoup, constate Bernard Girard, un résident du rang Edgerton.

« Il y en a un peu le matin, le midi, mais c’est surtout la nuit. La nuit, c’est le gros trafic. »

— Une citation de  Bernard Girard, résident du rang Edgerton

Ce retraité, installé dans le secteur depuis une quarantaine d’années, habite le long de la frontière. Récemment, la douane américaine a également installé des blocs de béton dans sa cour pour limiter le passage de véhicules clandestins.

Il y aurait, lance-t-il, une dizaine de migrants qui traverseraient devant son terrain chaque jour. Un achalandage que nous ont confirmé des sources policières.

C’est l’exode vers le sud, confie un agent canadien, sous le couvert de l’anonymat.

 
Un homme devant la frontière.

Bernard Girard constate quotidiennement le passage de migrants devant sa propriété.

PHOTO : RADIO-CANADA / PATRICK ANDRÉ PERRON

Le rang Edgerton n’est pas la seule route à la mode chez les migrants. D’autres passages, comme le chemin Laplume en Estrie, sont désormais particulièrement ciblés pour entrer aux États-Unis.

Devant des terres agricoles, on trouve de nombreuses affaires abandonnées au gré de récentes traversées. Il y a des bottes, des tuques, des vêtements divers.

Au cours d’une marche, un peu plus tôt dans la journée, un voisin a ramassé un sac à dos. Il y avait des foulards, des couches et un biberon avec du lait dedans, raconte Irené Lessard, un retraité des Forces armées canadiennes.

« On marche tous les jours dans le coin. On voit du monde et des affaires qui se passent. »

— Une citation de  Irené Lessard, résident de Potton

Les autorités devraient peut-être faire comme à Roxham, reprend-il. Elles devraient faire la même affaire et mettre des douaniers ici.

 
Une tuque à terre.

Au bord du chemin Laplume en Estrie, il y a de nombreux vêtements au sol.

PHOTO : RADIO-CANADA / ROMAIN SCHUÉ

Calme plat à Roxham, affluence côté américain

Au chemin Roxham, en revanche, c’est le calme plat. Il n’y a quasiment plus aucune entrée irrégulière au Canada à cet endroit depuis la mise à jour de l’Entente sur les tiers pays sûrs, annoncée en grande pompe par Justin Trudeau et Joe Biden à la fin de mars.

Selon nos informations, du 5 au 11 avril, un total de 22 entrées a été comptabilisé. Avant ce changement réglementaire fermant la porte à la plupart des demandeurs d’asile, il y avait près d’un millier de migrants qui utilisaient cette voie de passage chaque semaine.

Cette baisse d’activité à Roxham a d’ailleurs poussé la GRC à revoir le déploiement de [ses] ressources dans ce secteur, reconnaît une porte-parole de l’organisation policière, sans donner de nombre exact pour des raisons opérationnelles.

« Depuis l’entrée en vigueur [des nouvelles règles], nous nous sommes adaptés à la situation actuelle, ce qui nous a permis de réduire [nos effectifs]. »

— Une citation de  Tasha Adams, porte-parole de la GRC au Québec

Une décision qui, selon nos informations, ne fait pas l’unanimité parmi les agents, obligés de couvrir, avec des équipes réduites, un territoire de 168 kilomètres où ont lieu des activités clandestines désormais fourmillantes. Outre le passage de migrants, le trafic de drogues et d’armes occuperait grandement la GRC.

Certains craignent d’ailleurs que ces nouveaux chemins, qui servent essentiellement pour le moment aux migrants voulant aller aux États-Unis, soient utilisés par des réseaux organisés pour amener à nouveau des demandeurs d’asile au Canada.

 
Un chemin.

Il existe de nombreux chemins possibles pour traverser discrètement et rapidement la frontière canado-américaine, particulièrement au Québec.

PHOTO : RADIO-CANADA / PATRICK ANDRÉ PERRON

Du côté américain, la dynamique est littéralement opposée.

« Nous avons constaté une augmentation des arrestations d’individus traversant illégalement la frontière nord vers les États-Unis. »

— Une citation de  Steven Bansbach, porte-parole de l'USCBP

Dans le secteur de Swanton, la hausse est vertigineuse. En mars, 738 interceptions ont été faites, près du double par rapport au mois passé.

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Par comparaison avec la même période l'an dernier, l’augmentation est de 1200 %.

Devant cette situation, les autorités américaines ont revu leurs effectifs. Depuis un mois, les rangs de la patrouille des frontières ont garni de 25 nouveaux membres ce secteur, qui comprend le Vermont ainsi que des comtés des États de New York et du New Hampshire.

 
Une voiture de l'USCBP.

Les autorités américaines ont augmenté leur surveillance à la frontière canado-américaine en raison de la hausse des passages clandestins.

PHOTO : RADIO-CANADA / PATRICK ANDRÉ PERRON

Une majorité de Mexicains et de Vénézuéliens

D’où proviennent ces migrants filant aux États-Unis et pourquoi quittent-ils le Canada?

 

Depuis des mois, comme l’a déjà révélé une enquête de Radio-Canada, un réseau de passeurs organise le transport de Mexicains, qui n’ont pas besoin d’un visa pour arriver au Canada par avion. Ils se dirigent ensuite clandestinement aux États-Unis, après un passage par Toronto ou Montréal.

Leur nombre continue de grimper progressivement. Mais ils ne sont pas les seuls.

Selon nos informations, de nombreux demandeurs d’asile quittent maintenant le Québec, quelques semaines ou quelques mois seulement après leur arrivée par le chemin Roxham.

C’est le cas par exemple de dizaines de Vénézuéliens ou encore d’Haïtiens qui ont décidé de retourner aux États-Unis après le resserrement des règles à la frontière.

Origine des personnes interceptées en mars

  • Mexique : 311 (+71 par rapport à février)
  • Venezuela : 138 (+107)
  • Haïti : 75 (+46)
  • Inde : 61 (+19)
  • Roumanie : 37 (+23)

Je connais plusieurs Haïtiens qui préfèrent repartir, car ils ont peur de ne pas pouvoir faire venir maintenant leur famille au Canada. Tout le monde n’est pas au courant des exceptions possibles et ça peut être difficile de trouver des documents qui prouvent les liens familiaux, estime Frantz André, coordonnateur au Comité d’action des personnes sans statut.

D’autres peineraient à trouver un travail et un logement. Il y en a qui pensaient que ce serait plus facile au Canada. Mais il y a beaucoup d'obstacles, c’est difficile et long d’avoir un permis de travail, juge Stephan Reichhold, directeur de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI).

« Ils pensent que c’est plus facile de vivre clandestinement aux États-Unis qu’au Canada. »

— Une citation de  Stéphan Reichhold, directeur de la TCRI

Beaucoup ont toujours de la famille aux États-Unis qui peut les aider temporairement, ajoute Frantz André.

 
Trois personnes avec leurs valises.

Les trois jeunes migrants ont rapidement été arrêtés par les autorités américaines.

PHOTO : RADIO-CANADA / ROMAIN SCHUÉ

Était-ce le cas des trois migrants latino-américains croisés au bout du rang Edgerton avec leurs valises?

 

Confiants mais discrets, ils n’ont pas voulu répondre à nos questions avant de passer la frontière. Mais ils n’ont pas eu le temps d’aller bien loin.

Marchant tranquillement le long de la route voisine, attendant visiblement le véhicule d'un complice, le trio se fera rapidement arrêter par une voiture banalisée du shérif local avant l’arrivée, en grand nombre, des agents de la patrouille frontalière.

La fin d’une courte traversée.

Romain Schué
Romain Schué
 
 
 
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