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Pour comprendre notre langue... d'ou elle vient !


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Lisez l'extraordinaire discours prononcé par Michel Tremblay, lors de la remise de la médaille de l'Ordre des francophones d'Amérique:

Je suis né dans une ville qui est restée francophone grâce à des femmes fortes qui ignoraient qu’elles l’étaient. Au tournant du dix-neuvième et du vingtième siècles une grande partie des Québécois a quitté la campagne pour venir s’installer en ville. À Montréal, comme les industries appartenaient pour la plupart aux Anglais, les hommes sont allés travailler dans une langue qui n’était pas la leur et ont rapporté à la maison des mots étrangers, des expressions étrangères qui correspondaient à leurs métiers et à leur vie quotidienne d’ouvriers. Les femmes, avec une inventivité peu commune, et refusant de parler autrement qu’en français, ont donc inventé non pas une langue mais un langage, un mélange de ce qu’elles avaient ramené de la campagne Hérité du français de Louis XIV et de ce que leurs hommes ramenaient de leur travail. Elles traduisaient au son des mots qui n’étaient pas français et les prononçaient en français. Elles ne s’en servaient pas tels quels, entre guillemets, elles les traitaient comme du français et sans le savoir elles ont mis au monde des centaines, peut-être des milliers de néologismes, créant ainsi ce qu’on a appelé plus tard le joual avec un mépris qui m’a toujours choqué. Au lieu de conspuer le joual, au lieu de critiquer ceux qui l’utilisaient, de les mépriser, de les traiter avec condescendance, au lieu de refuser pendant si longtemps à ce langage la place qui lui revenait dans la culture québécoise parce que la culture, la vraie, venait d’ailleurs, on aurait dû remercier ces femmes qui ont évité à une ville de s’angliciser par volonté de rester à l’intérieur de ce qui ne s’appelait pas encore la francophonie. Les admirer. Et leur rendre hommage.
C’est ce que j’essaie de faire depuis plus de cinquante ans.
J’ai été élevé par des femmes dans une ville saignée d’un grand nombre de ses hommes partis se battre dans les vieux pays, les premières critiques au sujet de la société me sont venues d’elles et je suppose que d’abord inconsciemment, puis par choix, j’ai épousé leur cause.
Et j’ai l’impression que ce sont elles, à travers moi, que vous récompensez aujourd’hui avec ce prestigieux cadeau. Parce que sans elles le Montréal et le Québec ne feraient peut-être plus partie de la francophonie.
Alors j’ai décidé de les emmener avec moi. Elles sont là, autour de moi, elles sont des centaines, des mères de famille, des vieilles filles, des guidounes, des hystériques et des stoïques, des comiques et des tragiques. Il y a parmi elles une louve, une enragée, une mère aimante qui deviendra le mentor de son fils. Il y a des religieuses et des petites filles qui rêvent au bonheur. Elles m’habitent, elles habitent mon œuvre depuis 1968 et je suis fier d’elles. C’est donc la main sur le cœur et un grand sourire aux lèvres qu’elles et moi vous lançons un énorme et tonitruant merci.
Michel Tremblay

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