Bon, comme convenu, j'ai dit que je reviendrai sur le forum laisser plus ample trace de mon entrevue. Alors, c'est parti ; ceux qui ont lu mes messages depuis le début savent à quel point j'étais stressée à l'idée de cet entretien (cauchemars la nuit, bouffées de chaleur, etc...) et pourtant, nombreux sont ceux qui m'ont répondu que je me faisais bien du soucis pour rien. Effectivement ! J'étais loin de m'imaginer que ce serait aussi facile et rapide. J'ai eu beaucoup d'émotion quand j'ai reçu cette lettre de convocation, très peur aussi de rater cette expérience. Puis, au fil des jours, je me suis détendue. Vu que j'ai retrouvé un emploi depuis peu, ça me permettait de ne pas y penser toute la journée. Mais le dimanche en fin de journée, jour J-3, Calice de Christ ; ça recommence !! Idem pour les 2 jours suivants, quand au mercredi enfin arrivé, je n'ai pas vu la matinée passer ! Je suis sortie à 12 h 30 pour déjeuner avec 2 collègues (les seules qui sont au courant de mon projet) comme d'hab, puis, histoire de me détendre et comme j'avais du temps à tuer, j'ai été me balader du côté de la librairie du Québec, puis retour au forum des Halles, à la Fnac, comme si le fait de dépenser mes sous allait me calmer ! (Dans le métro, une femme aux origines africaines ou antillaises me regarde en marmonnant des paroles que je ne comprend pas. Avec toutes ces histoires de vodoo courantes dans ces pays, je m'imagine qu'elle est en train de me jeter un sort ! Comme si je pouvais communiquer par télépathie, je la regarde en pensant très fort : "Ah ! non ! Pas aujourd'hui, c'est pas le moment !") Je resors tranquillement du magasin puis me pose dans un coin pour fouiner dans mon bazar et vérifier l'horaire de RV et l'adresse. Déjà 15 h 00 ?! Oops ! Je n'ai plus qu'une demi-heure pour me rendre sur les lieux !! De Châtelet, en RER, il y a largement le temps mais un accident qui bloque toute la ligne pendant une heure, c'est vite arrivé (ben, faut penser à tout ! Pis une fois que le traffic est reparti, tout le monde se rue sur les trains comme du bétail, y a plus moyen de monter !) et en plus, je ne sais pas où c'est exactement, alors le temps de chercher... Mais tout va bien. Rue de la Boétie, je marche d'un pas rapide sous une pluie fine, et j'aperçois ce magnifique drapeau bleu et blanc qui me fait de l'oeil !! ("Oui ! J'arrive ! Ne t'impatiente pas !") Je rentre, traverse le couloir et me retrouve à l'accueil avec une trentaine de personnes assises en salle d'attente ! (Wouaouh ! Y a tout ça à passer avant moi ??? Faut prendre un ticket ??) Un monsieur très aimable me salue et me demande ce que je veux. "J'avais rendez-vous à 15 h 30 pour une entrevue" Il demande à voir ma lettre de convocation. Je lui donne. Puis il me demande d'ouvrir mes sacs. Ok. Et une fois qu'il m'autorise à passer, je lui demande les toilettes (ben oui, c'est que j'ai presque couru pour arriver jusque là et faut quand même être présentable). Je reviens en salle d'attente, mais y a plus de sièges. Sauf dans un petit coin, derrière le mur, près d'une table. Mais 5 minutes plus tard, une femme sort de la pièce à côté ; "les personnes pour la réunion d'information SVP" Ah !!! Les petits veinards ! Ils sont déjà sûrs de partir eux. Et moi qui sens mon coeur dans ma poitrine (BOOMBOOMBOOMBOOM....) Une fois la pièce désertée, je me lève pour changer de place. Cette fois, je me mets en plein milieu, comme ça, quand le conseiller ouvrira la porte, il ne me cherchera pas (non, parce que dans le petit coin, ça faisait vraiment "trouillarde qui ne veut pas y aller"). Je sors mes petites notes, le Québec en chiffres (superficie, population, etc...), mon parcours professionnel en anglais (sait-on jamais ce qu'il peut me demander) avec mon mini-dictionnaire français/anglais, car j'avais prévu le coup que des phrases me passeraient par la tête en révision et que j'oublierais quelques mots. L'homme qui m'a accueilli me regarde. Qu'est-ce que j'ai ? Je dois probablement être rouge écarlate car j'ai très chaud. Mais c'est peut-être aussi les marques rouges que j'ai au-dessus de la lèvre qui le turlupine. Non, parce que figurez-vous que j'ai voulu me faire toute belle la veille au soir, mais que je me suis chopée une belle allérgie avec ma crème !! Le matin en me levant, j'espèrais que ça ne se verrait pas trop... Ben tant pis, faut faire avec... mais ça aurait pu être pire. J'essaye de me détendre en feuilletant un petit guide sur Montréal acheté récemment en librairie. Toujours pas de porte qui s'ouvre (il veut ma mort ou quoi ???). Quelques allers- venues de jeunes qui viennent demander où en est leur dossier pour étudier, faire un stage, s'assurer que les pièces manquantes ont bien été reçues, les suites à donner, etc... Enfin, la porte s'ouvre et un grand brun à l'accent très marqué (pas de doute, il est bien québécois) m'invite à le suivre. On traverse un long couloir avant d'arriver dans un petit bureau avec une grande table, un PC portable posé de son côté. Il s'excuse pour le retard et je prends un bon décalage (le temps de capter) avant de lui répondre ; "c'est pas grave" Il ouvre mon dossier, puis commence à taper les infos sur son PC tout en me questionnant pour s'assurer qu'il écrit correctement mon nom, mon adresse... Il commence par regarder mon CV et me demander mes diplômes. Je lui donne, en lui explicant les sigles qu'il ne connaît pas ; "Bac STT ?" "Oui ; Sciences et Technologies Tertiaires" "C'est quoi les technologies tertiaires ?" "Tout ce qui est administratifs, bureautiques (compta, secrétariat, etc...) et services (ventes...)" "BTS..." "je peux voir votre passeport ?" "bien sûr !" "Il expire bientôt..." "Oui..." Puis il regarde les pages tamponées ; "République Dominicaine ? Y a pas beaucoup de français qui vont là-bas ?" "Ah ! si. C'est peut-être tout récent mais en ce moment, c'est plutôt une destination mode chez nous" "Oui, parce que c'est surtout l'Amérique du Nord qu'on retrouve comme nationalité en vacances par là" "Effectivement, c'est ce qu'on m'a dit avant de partir mais j'ai été un peu déçue car je pensais justement rencontrer plus de québécois. Mais je ne devais pas être dans le bon hôtel" ça le fait rire. Puis, nouvelle question ; "C'est quoi ça ??" Il veut parler des tampons que je m'amusais à collectionner, avec ma cousine, quand on est parti visiter les parcs nationaux de l'ouest américain. A chaque "visitor's center", on s'empressait de tamponner notre passeport de ces inscriptions souvenirs "Grand Canyon National Park..." "Et ils n'ont jamais rien dit les douaniers aux aéroports ?" "Ben non, ils ouvrent toujours à la même page !" "So which parks did you visit in the US ?" Je redoutais un peu l'épreuve de l'anglais, non pas que je suis archi-nulle mais c'est toujours cette histoire d'accent qui me fait peur. Tenez, la preuve, c'est qu'à la question "pourquoi voulez-vous immigrer ?" (en français pourtant), j'ai compris "pourquoi voulez-vous maigrir ?" !!! Je me suis dit en moi-même, "comment il sait que je veux maigrir ???" Mais je me doutais bien qu'il y avait un truc, alors je lui ai fait répété pour m'assurer de bien comprendre ; "Pardon ?" Il a dû dire "elle a des problèmes d'audition. Elle s'arrangera lors de la visite médicale". Non, parce que je lui ai fait répété bien d'autres questions. Aussi, quand j'ai été embauché au début du mois, j'étais toute contente en préparant cet entretien à l'idée de pouvoir dire que je travaille actuellement au Fonds d'Action et de Soutien pour la l'Intégration et la Lutte contre les Discriminations et qu'en tant que future immigrante, je me sens particulièrement concernée. Mais j'étais tellement troublée que j'ai décris le FASILD comme Fonds d'Action et de Soutien pour l'Intégration et la Lutte contre l'immigration !!! "contre l'immigration ???" qu'il répète. "Non, pardon !" Je corrige. Enfin, bref, la conversation en anglais est de très courte durée. J'ai dû faire quelques erreurs au niveau des temps utilisés mais je pense qu'il a bien noté que j'étais capable de comprendre et de me débrouiller pour répondre. Puis il me demande des précisions sur mon séjour au Québec, la durée, les endroits visités, etc... et je remarque qu'il connaît très bien son pays ; "le Parc des Grands-Jardins ? C'est où ça ??" Quelque part entre Montréal et Québec... Vient la demande des certificats de travail, puis des relevés de comptes bancaires. Je lui détaille ; mon compte chèque, mes livrets d'épargne, mes comptes PEA. "Mais d'où vous sortez cet argent ?" Je lui explique ; des livrets qui m'ont été ouverts par mes parents et grand-parents, l'argent que j'ai économisé car je n'ai pas voulu ouvrir de compte-chèque avant la fin de mes études (pour ne pas dépenser mon argent inutilement avant de travailler et d'avoir une entrée régulière pour compenser), l'héritage de ma grand-mère, etc... "Rassurez-vous, je n'ai pas braqué une banque" Mais à voir son attitude, c'est qu'il en doutait !!!! ça y est, tout s'était bien passé jusqu'à maintenant. Il y en a qui ont leur dossier en attente le temps d'apporter la preuve qu'ils ont un montant suffisant pour s'installer, je voyais qu'il allait mettre le mien en attente le temps d'effectuer une enquête policière !!! Il trouve que, pour une intérimaire qui ne travaille pas plus de 6 mois dans l'année, je suis trop riche !! Je me dépatouille comme je peux ; "je vis encore chez mes parents donc pas de loyer à payer, pas trop de factures non plus. Quand je ne travaille pas, je touche des indemnités de l'ASSEDIC, puis je ne dépense pas énormément. C'est dommage ; je voulais rapporter un extrait de casier judiciaire que j'ai demandé par courrier récemment, car l'administration du personnel en a besoin pour mon dossier d'embauche. Je l'ai mis de côté pour l'entrevue, et c'est pourquoi je ne le retrouve plus. ça vous aurait apporté une preuve que je n'ai jamais commis de délits". "Oui, mais peut-être qu'il n'ont pas trouvé le coupable ? Et vous êtes allée à St Domingue... ça aurait pu être en exile ?" Non, mais j'hallucine !!! Il me prend vraiment pour Bonnie Parker !!! Enfin, il sourit. Il a compris que d'où venait ces sommes d'argent, et il a bien vu que j'étais honnête. Puis il me dit : "vous aimez prendre soin de vous" Et oui parce que, quand j'épluche mes comptes en fin de mois, je note le bénéficiaire à côté du numéro de chèque ou du montant dépensé. Alors, il a pu lire "Yves Rocher/Agnès b/diététicienne, etc... (au fait, il y a Yves Rocher au Québec ?) N'empêche qu'il m'a fait peur quand même... "Bien je vais valider l'acceptation de votre dossier. Ce qui va se passer, c'est que je vais vous imprimer une lettre avec les coordonnées à contacter pour assister à la réunion au cours de laquelle on vous remettra votre CSQ. Ces réunions ont lieu du mardi au vendredi de 15 h 30 à 17 h 00. A vous de réserver au jour qui vous convient. Pas cette semaine peut-être ; votre employeur ne sera peut-être pas d'accord pour vous laisser à nouveau une demi-journée dans la même semaine..." Pendant qu'il parle, je l'écoute à moitié. J'ai du mal à réaliser, qu'est-ce qu'il a dit ? "Accepté" ? J'ai bien entendu ce mot là ??? Impossible de vous dire combien de temps exactement l'entretien a duré. Ce que je retiens, c'est que c'est sûrement l'entretien le plus facile que je n'ai jamais passé (ils sont tous comme ça au Québec ?) Alors à mon tour de dire aux petits nouveaux : pas d'affolement, ce n'est rien du tout. Simple formalité. Il vérifie les documents, les informations affirmées dans le dossier, la motivation. C'EST TOUT !!! Je suis sortie, toujours sous la pluie, tout sourire et je me suis dépéchée de rallumer mon portable pour appeler ma mère et envoyer quelques textos. Petite déception ; j'ai bien sentie que ma mère ne partageait pas mon enthousiasme. "C'est tout l'effet que ça te fait ?" que je lui dis. C'est peut-être de mauvais esprit de penser ça, mais je crois qu'elle espèrait que ça ne marche pas. Pour que je réfléchisse, que je remette ce projet à plus tard, que je sois déçue au point d'en revenir sur ma décision et décide de tout arrêter. "Mais c'est mal me connaître chère Maman !!!" Non, j'ai toujours voulu partir ailleurs, c'est mon rêve qui se réalise. Alors non, je ne reviendrai pas sur ma décision. Je pars. Heureusement, mon cousin qui m'a appelé aussitôt son texto reçu était beaucoup plus joyeux : "Wouah !! c'est super ! Félicitations ! Ben écoute, compte sur nous pour venir te voir, si ton invitation tient toujours... " "Mais bien sûr !!" Et toute la soirée, et la journée suivante, j'avais ce sourire idiot sur les lèvres. Les gens dans le métro ont dû se dire ; "elle est complètement frappée celle-là !" mais je m'en fous. Hier encore, en sortant, je voyais la circulation dans Paris, avec les gens qui s'impatientent au volant, qui klaxonnent, qui s'insultent et je pensais ; "Vas y ! Gueule ! Je m'en fous ! Je vous emmerde tous ! Je m'en vais loin de vous !!" C'est fou d'en arriver là quand même. Mais quand on voit la mentalité d'ici, on est content de savoir qu'on s'en va vers une vie meilleure. Vivement vendredi prochain, que j'ai mon CSQ ! Là, par contre, j'achète le champagne !!! Bonne soirée tous !!! La Féline en délire