Le homard et le travailleur temporaire
Le programme federal des travailleurs etrangers temporaires est detaille dans une publication qui s'intitule « Les Canadiens d'abord ». Tout est dit dans le titre.
Et alors que la saison du homard a commencee au Quebec, c’est l’occasion d’illustrer l'impact des dernieres reformes en matiere d’immigration concernant les travailleurs etrangers temporaires.
A travers les yeux du homard
L’industrie du homard represente pas loin de 2 milliards de dollars dans l'economie canadienne et emploie quelque 35.000 travailleurs en Atlantique ainsi qu'au Quebec. Le travail dans les compagnies de transformation n'etant pas ce qu'il y a de plus agreable, il est difficile de trouver de la main d'oeuvre. Jusqu'a recemment on pouvait compter sur les travailleurs etrangers. Mais les contraintes politiques vont de plus en plus a l’encontre des interets economiques.
1/- Priorite aux Canadiens
Le gouvernement veut donner la priorite a l'embauche de Canadiens. Belle initiative.
Soucis : comment recruter plus de Canadiens ?
Augmenter le salaire horaire ou en lancer des campagnes de recrutement ne semble pas toujours fonctionner. Peut-etre parce que dans les entreprises de transformation les conditions de travail restent penibles, les journees sont interminables, les horaires sont irreguliers, c'est humide et ca pue le poisson. Meme avec un taux de chomage qui depasse 10%, il semble tres difficile d'attirer et de retenir des Canadiens pour combler de nombreux postes. Et s'il n'y a pas (assez) de travailleurs, combien d’entreprise faudra-t’il fermer ?. Qui va rester pour s'occuper des homards ?
2/- Des quotas pour limiter les travailleurs etrangers temporaires
Les entreprises de plus de 10 employes ne peuvent pas embaucher plus de 10% de travailleurs etrangers temporaires a remuneration peu elevee.
Soucis : dans les regions atlantiques, certaines compagnies employaient jusqu'a 50% de la main-d'oeuvre etrangere !
Cela fait beaucoup de travailleurs etrangers a licencier pour s’aligner sur les nouveaux quotas. C’est paradoxal quand il y a penurie de main d’oeuvre. Consequence : la capacite de production dans l'industrie du homard chute. On est meme alle jusqu’a jusqu'a jetter du homard !
3/- Le plein de vexations administratives
Pour dissuader les entreprises d'abuser des travailleurs etrangers, les contraintes au recrutement ont ete augmentees : obligation d'un plan de transition pour les travailleurs qualifies, justification de la penurie locale, augmentation des frais, traitement plus longs, etc.
Soucis : les delais font mal aux entreprises.
Quand les traitements de dossier sont si longs que les travailleurs etrangers obtiennent leur permis de travail apres le pic d'activite, qui s'occupe des homards ?
4/- Des permis temporaires reduits a 2 ans, ou moins
La duree des permis de travail temporaires accordes est maintenant valable pour une periode maximale de 2 ans. Voire moins d’1 an (je parle en toute connaissance de cause)
Soucis : d'apres les informations disponibles, Il faut entre 60 jours e 120 jours pour proroger un permis de travail.
S'il faut compter 4 mois de traitement, cela signifie qu’apres seulement quelques mois il est deja temps - pour l'employeur et le travailleur - de se lancer les demarches de prolongation du permis. Remplir de nouveaux formulaires, repayer des frais, croiser les doigts, etc. Difficile de gerer une entreprise (de homards) avec ce manque de vision.
5/- Un statut de travailleur temporaire tres precaire
On ne peut desormais plus garder le statut de travailleur temporaire au-dela de 4 ans.
Soucis : tous les emplois, notamment ceux a faible revenus ou n’ayant pas cumule assez d’heures, ne sont pas eligibles pour une demande de Residence Permanent.
Un travailleur temporaire doit donc etre pret a quitter le Canada apres 4 ans ou basculer dans la clandestinite. Fin du reve canadien. Et qui reste avec le homard ?
Ameliorer la conditions des travailleurs temporaires
Les impacts des derniers reformes sur l’economie canadienne sont nombreuses. Mais a ce stade, la seule question est : qui va sauver l'industrie homard (et accessoirement les travailleurs temporaires) ?
- Les entreprises ?
Des entrepreneurs denoncent la reforme du programme des travailleurs etrangers. Mais peut-etre pas assez fort pour provoquer des changements significatifs.
- Les Chinois ?
Des usines ont deja du etablir des limites de prises parce qu'elles ne sont plus capable de gerer de trop gros volumes entrants. A defaut de main d’oeuvre, il n’est pas impossible que la transformation des homards canadiens soit un jour sous-traitee aux Etats-unis, et/ou en Asie, avant de revenir dans les rayons de nos magasins.
- Les provinces ?
Avec un chomage qui depasse les 6%, et de nombreuses entreprises qui s’inquienent des restrictions en matiere de recrutement, Quebec veut inciter le gouvernement federal a revoir quelques-unes des nouvelles regles. Suffisant ?
- Le gouvernement federal ?
En mars 2016, le nouveau gouvernement a enfin pris consience du probleme et a suspendu les quotas de main-d'oeuvre etrangere. Au moins temporairement. Mais les debats ne font que commencer. Le gouvernement federal devrait annoncer de nouvelles modifications d’ici la fin de l’annee. Affaire a suivre.
Finalement, apres une succession de reformes de plus en plus contraignantes pour les entreprises et les travailleurs temporaires, on semble maintenant s’en aller vers plus de souplesse. Le gros de l’orage semble etre passe. Mais attendons de voir les prochaines reformes pour feter cela devant un bon gros plateau de homard.
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