Chronique 8: Kermesse et casseroles
Décidemment cette ville la tient par les tripes et lui ramène en plâtrées ses souvenirs et ses rêves. Cette ville l’emmerde à toujours la remettre en face de ce qu’elle veut, vraiment.
Sa casserole en main dans les nuées de rires et de slogans elle se souvient. Quand petite la photo d’un homme en face d’un char soulevait son cœur de révolution. Quand elle regardait « Hair » et chantait dans sa chambre pour répandre la paix. Quand elle dessinait des bonhommes qui se tiennent la main pour faire une ronde autour de la terre.
Elle ressort les gribouillis passés de soleil et les regarde avec un sourire indulgent. Ridicule, elle soupire dans une pause nostalgique, au souvenir de l’innocence déchue.
Gertrude ne s’est pourtant jamais levée pour une cause. Elle déteste les gripsous libéraux et encore plus les ramassis de gauchistes tripotant la fatuité hypocrite des bonnes intentions. Elle méprise les illuminés qui prêtent à l’homme des qualités d’harmonie et de vertu dont il est le plus souvent dépourvu, et raille ses amis anarchistes assez présomptueux pour croire la populace capable d’auto gérance et d’équité. Enfin elle ne se reconnaît pas dans cette jeunesse, qui sous couvert d’idéaux manifeste pour satisfaire son voyeurisme et son goût du risque, sans tout-à-fait s’insurger.
Face à son écran, Gertrude tire une grosse latte sur sa cigarette et dans la fumée épaisse éructe un « crétins », en appuyant sur le « r » pour mieux s’entendre exprimer son mépris.
« Crétins ».
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