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Benoît Duchatelle et sa femme Faustine vont quitter la France en janvier pour s’installer au Canada. Écrasé par la fiscalité, cet artisan établi depuis 2009 à Ervillers doit encore payer pour fermer son entreprise. De quoi l’écœurer un peu plus alors qu’il travaillait 70 h semaine pour un salaire de 1 200 €. Entre artisans, ils ne parlent que de ça : les taxes. Après cinq années et demie de dur labeur pour son entreprise Allo Elec, à Ervillers, Benoît Duchatelle, 36 ans, a décidé de fermer sa boîte. Malgré soixante-dix heures de travail semaine, sans compter la paperasse du week-end, les jours fériés travaillés, avec cinq jours de congés par an. Il a pourtant joué le jeu en embauchant un jeune en apprentissage, qu’il payait 1 100 € par mois (« en fait 2 200 € avec les charges » glisse sa femme Faustine). « Quand on est artisan, on ne peut pas embaucher, c’est trop lourd, regrette Benoît. Les artisans que je croise ne veulent plus embaucher parce que ça coûte trop cher et c’est trop d’emmerdes. Sincèrement, j’aimais l’électricité, mais j’en suis écœuré. Je n’en ferai plus. Je n’ai pas gagné ma vie alors que j’étais consciencieux. Trop peut-être ». Très remontés contre la fiscalité française, ils préfèrent désormais « donner leurs compétences au Canada où la valeur travail est reconnue ». Mais ils le paient. Car fermer son entreprise honnêtement n’est pas donné. « Tu paies quand tu crées ton entreprise, tu raques pour t’en sortir et tu repaies à la fermeture, résume Benoît. Sincèrement, il vaut mieux faire crouler son entreprise que solder honnêtement les choses ». Benoît est en effet taxé sur les 8 000 € qu’il a lui-même investis en prêt dans son entreprise au début. L’aide de l’État pour l’embauche d’un apprenti a été divisée par deux la deuxième année et Pôle Emploi lui demande 2 200 € pour le licenciement économique de son employé. « On ne comprend pas pourquoi on a payé 4 % de charges patronales, enrage Faustine. Clairement, pourquoi on cotise ? » À ces frais, il faut ajouter 150 € par-ci, 375 € deux fois pour « faire des tampons de dissolution de l’entreprise, et enregistrer la fermeture. Je passe sur les 500 € pour enregistrer tout ça à la chambre des métiers, au greffe du tribunal de commerce... » abonde Faustine. Ils ont fait les comptes : la fermeture leur a coûté 5 000 € pour l’instant. « Et encore, je suis comptable, normalement c’est bien 3 000 € pour être appuyé par un comptable » assure Faustine. Pire, alors que l’entreprise est stoppée au 31 mars, toute l’année est due pour le RSI. « Je pense que quand on sera au Québec, on paiera encore le RSI ! » Au Canada, Benoît et Faustine rêvent de s’installer dans un cabanon près d’un lac. Et faire n’importe quel métier (déneigeur, bûcheron, travail de bureau, social). Là-bas au moins, ils en sont sûrs : ils se sentiront moins taxés. « En France, on vous tue » Elle sait que la partie la plus importante des radiations concerne des sociétés en difficultés, plus que des départs à la retraite. « Une entreprise, c’est comme un bébé. Il naît, puis dans sa vie, il peut tomber malade, être soigné,vivre jusqu’à 90 ans. Une entreprise, on la crée, elle peut connaître un impayé, la crise, divers aléas, mais en France quand vous avez un problème, on vous tue : c’est l’huissier, le tribunal de commerce », s’indigne Alain Griset. « La vie de l’artisan est liée à la vie de l’entreprise. Notre action est essentielle par rapport à ça. » Par Samuel Cogez Source : La voix du nord