Amateurs de saucissons de Lyon et de Savoie, d'andouilles de Vire, de jambon d'Auvergne ou de bayonne, réjouissez-vous: les douanes canadiennes vont de nouveau s'ouvrir aux salaisons, ces denrées typiquement françaises si longtemps bannies à cause des maladies porcines. Interdite d'importation au Canada depuis les années 70, la charcuterie française sera de retour sur les marchés et dans les commerces montréalais dès le mois prochain. Hier, pour la première fois depuis cette époque, on pouvait déguster à Montréal du saucisson sec fabriqué à Aime, en Savoie, et du jambon de Bayonne (du vrai!) lors de la journée Nouvelles Saveurs de France, organisée par laMission économique française au Marché Bonsecours. La compagnie Diffusion TGV sera la première à importer du saucisson de Savoie et du jambon de Bayonne. «Avec la Direction générale alimentaire à Paris et le consulat de France à Québec, nous avons poussé pour obtenir l'autorisation d'importation», dit Bernard Lecorné, agent commercial de Diffusion TGV. «Auparavant, des fonctionnaires fédéraux se rendaient en France visiter les abattoirs alors que maintenant, ce sont des spécialistes français et européens agréés par le Canada qui s'en chargent», explique Patrick Erbs, conseiller à la Mission économique. Après des négociations qui ont duré presque deux ans, le Canada et la France se sont entendus pour que les contrôles des abattoirs de porcs français soient pratiqués après avoir obtenu l'agrément de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Pour l'instant, seuls les départements français de la Moselle et du Bas-Rhin sont encore interdits d'exportation de viande porcine au Canada. «Il faut que le département soit exempt de maladie porcine et que les viandes soient inspectées par des vétérinaires selon les exigences de notre système d'inspection, explique André Anctil, coordonnateur import-export à l'Agence. À l'arrivée ici, la vérification est faite au centre de services à l'importation et le produit est acheminé vers un établissement approuvé par l'Agence.» Plus connue pour son rôle dans la promotion des vins français au Canada, la Société de promotion des exportations agricoles françaises (SOPEXA) est ravie. «On attendait ça depuis longtemps, dit Olivier Moreaux, président de SOPEXA Amérique, de ses bureaux new-yorkais. Mais il faudra voir si les produits français pourront concurrencer les produits locaux, notamment italiens, et ceux qui sont copiés ici, comme la rosette de Lyon vendue sous cette appellation. Les autorités françaises devront veiller à ce qu'il n'y ait pas usurpation du nom des produits français d'appellation d'origine contrôlée.» «Si c'est pour importer des choses typiques comme l'andouille, tant mieux, mais si c'est pour importer des saucissons qu'on fabrique ici, ce n'est pas la peine», dit d'ailleurs Françoise Kayler, journaliste gastronomique. Effectivement, à la Maison du rôti, avenue du Mont-Royal Est, où l'on fabrique de la charcuterie française maison, le propriétaire Michel Legrand estime qu'au Québec, on fait maintenant de la très bonne charcuterie; alors le fait que des produits français arrivent sur le marché ne l'affole pas. «Il faudra voir les prix de ces produits, dit-il. C'est sûr que ça me fait un peu grincer des dents étant donné que j'en produis, mais je ne suis pas contre ça. Mais mon saucisson lyonnais, venez le goûter, il est bon aussi!» Les saucissons de Savoie, séchés par l'air des Alpes, arriveront en juin, vendus nature, aux herbes, aux poivres, aux girolles, aux noix, fumés, etc., d'abord dans les épiceries fines et les marchés publics montréalais, notamment Atwater et Jean-Talon, mais aussi en Ontario.