Chaque projet d’immigration est unique. Il n’appartient qu’à ceux qui le vivent et reste fondamentalement dépendant des conditions dans lesquelles il émerge. Chaque personne, qui quitte son pays pour aller s’installer dans un autre, projette des attentes, des envies ou des besoins dans sa volonté de changement. Si certaines expériences apportent des clés, des indices sur ce qu’il faut faire, ou pas, aucune ne peut vraiment se calquer à la nôtre. Aussi, ce bilan dressé après un an passé ici, n’est que le nôtre. Uniquement le nôtre. Notre expérience peut se partager, mais ne doit pas être perçue comme une vérité, ni comme une réalité qui s’impose à tous. Elle n’est que le reflet de ce que nous avons découvert et vécu, en lien avec notre parcours de vie et avec les attentes que nous avions placées dans ce désir de départ. Chaque projet d’immigration est unique.
Émigrer, immigrer, est une épreuve et une aventure.
Peu importe ce que nous cherchons dans ce nouveau départ, peu importe les motivations qui nous poussent à le faire, cette expérience est une épreuve. Une épreuve personnelle et familiale. Une épreuve difficile humainement, socialement et professionnellement. Une épreuve qui nous transforme. Mais c’est également une aventure extraordinaire, qui nous amène à nous dépasser, à affronter nos craintes, à remettre en cause nos acquis, à sortir de notre zone de confort ; une aventure propice à la remise en question, à l’introspection, qui nous apprend beaucoup sur nous-même. Une aventure riche d’enseignements et d’apprentissages, pour nous, pour nos enfants.
Voilà donc bientôt un an que nous avons foulé le sol de cette nouvelle vie. Un projet qui a vu le jour voilà plus de dix ans, après le visionnement d’un reportage sur une famille qui traversait le continent américain, avec pour objectif d’aller manger du sirop d’érable coulé sur une petite cuillère de neige, à Québec, le soir de Noël. Une fois la télévision éteinte, nous nous étions dit que, nous aussi, nous ferions cela un jour. Sans y prêter trop attention, le projet a mûri dans nos têtes. Le Québec était toujours en toile de fond, malgré notre vie qui se poursuivait ailleurs. Jusqu’à ce séjour de découverte, à l’été 2012, qui a définitivement scellé notre désir de tenter l’aventure. En décembre de la même année, le dossier d’immigration était lancé. Deux ans et demi de procédures administratives plus tard, le projet est devenu réalité. Le 23 juillet 2015, toute la petite famille (deux adultes, notre fille de 13 ans, notre fils de 10 ans et notre vieux toutou) a posé le pied en terre inconnue, avec quatre valises, quelques cartons, et de quoi subsister quatre ou cinq mois sans travail. Rien de plus. Tout un défi !
Le sentiment prédominant chez moi le jour de notre arrivée a, sans conteste, été la solitude. Une fois passées la longueur des procédures, l’excitation du déménagement, la tristesse des au-revoir, une fois achevées les dernières procédures au bureau de l’immigration et après avoir entendu de la bouche de la préposée la petite phrase libératrice « bienvenue au Québec », ce projet d’immigration s’est révélé à moi, dans toute sa réalité, le soir où nous nous sommes retrouvés seuls, tous les quatre, avec nos valises, dans la maison que nos amis nous ont si gentiment prêtée pour notre première nuit à Montréal. Une solitude qui s’est accompagnée d’un flot de questionnements, de craintes et d’angoisses. Une solitude engendrée par nos seuls choix. Une solitude à affronter et à assumer. Le début de notre vie québécoise.
Il est incroyable de constater comment, dans ces moments où nous perdons tous nos repères, nos instincts les plus primaires se réveillent en nous. Manger, boire, dormir, s’assurer que tout notre petit monde va bien. Voilà les premières préoccupations, très matérielles, qui ont été les nôtres en ce premier jour. Subvenir à l’essentiel. Passer symboliquement le cap de la première nuit pour pouvoir se dire « un jour de passé, c’est bon. Il peut y en avoir plein d’autres alors. » Une réflexion qui peut sembler idiote, mais qui a été la mienne et ces premiers instants. Le deuxième jour, s’est posée la question du toit à mettre sur notre tête. Le contact téléphonique avec le propriétaire, établi depuis la France et finalisé par la signature du bail, a été bon. Mais on ne peut s’empêcher de penser que ce n’était qu’un bout de papier signé à des milliers de kilomètres, sans garantie autre que la parole donnée, et que des surprises, bonnes ou mauvaises, peuvent toujours survenir. Nous concernant, cela a été une bonne surprise. Tout s’est déroulé pour le mieux et, même s’il nous a fallu plusieurs jours pour nettoyer et investir les lieux, nous avions enfin un domicile à Québec. Soulagement.
Les premières semaines de cette nouvelle vie ont été bercées au rythme des procédures administratives, encore et toujours. Cela nous a permis de nous familiariser peu à peu avec la ville, que nous parcourions en bus, par choix de ne pas investir dans une voiture. Notre logement est situé en plein centre-ville et ce poste de dépenses n’a pas été, volontairement, prévu au budget (nous optons, depuis bientôt un an, par les déplacements en transports en commun et avons recours à de la location ponctuelle de voiture pour les jours où ce besoin se fait sentir. Un bon compromis pour nous). Mais revenons à ces premiers jours, rythmés par les démarches administratives. Certains diront qu’elles sont fastidieuses. Peut-être. Pour nous, chacune d’elle a marqué un point de fixation à notre pays d’accueil. Le numéro d’assurance sociale, indispensable pour travailler, première victoire. La carte d’assurance maladie, le permis de conduire québécois, l’obtention de notre carte bancaire, autant de procédures qui ont scellé cette nouvelle appartenance à la société québécoise. Jusqu’à l’obtention de notre carte de résidents permanents, que nous avons si longuement attendue et qui a achevé de faire de nous des citoyens, au sens symbolique du terme. Migrants, résidents permanents, certes, mais citoyens dans nos têtes.
S’intégrer dans cette nouvelle société, n’a pas été difficile. L’état d’esprit dans lequel cette démarche se fait importe beaucoup. Nous étions influencés par notre première expatriation hors du territoire métropolitain français, lorsque nous sommes partis vivre six ans à l’île de la Réunion. Même si la Réunion est un département français, sa culture, son histoire, sa situation géographique, son climat et son mode de vie singulier nous ont conduits au même effort d’intégration que celui que nous menons ici. Ne pas venir en conquérant. Cela est important. Essentiel même. Ne pas arriver en comparant, même si la réalité fait que cela arrive parfois. Nous avons toujours eu à cœur, à la Réunion comme au Québec, de laisser s’exprimer notre envie de connaitre, d’apprendre, de découvrir, de nous confronter à de nouvelles cultures, à d’autres manières de vivre, de penser et de faire, avec respect et humilité. Tout comme nous avons toujours eu le souci de ne pas passer pour les Z’oreils, au sens péjoratif du terme, à la Réunion, nous avons le même souci de ne pas passer pour les maudits français, ici. Je pense qu’à ce jour, nous suivons fidèlement cette ligne de conduite.
Notre fille aînée, âgée de treize ans, a été parti prenant dans cette aventure, à l’opposé de son frère. Elle s’est toujours montrée investie auprès de nous et a toujours fait sentir sa volonté de mener le projet à son terme. Elle a également, très certainement, dissimulé et tu beaucoup de ses appréhensions et de ses craintes, par souci de nous préserver. Je sais qu’elle a pu vivre, en silence, des moments difficiles et je comprends parfois certaines de ses réactions virulentes, qui ne sont pas uniquement liées à la simple manifestation de son adolescence naissante. Partir avec des enfants, les faire embarquer dans notre train, n’est pas chose facile, même lorsqu’ils adhèrent, à minima, à notre projet. Il faut savoir décoder certains comportements et prendre le temps de parler.
La rentrée scolaire a été chargée d’émotion. Un sentiment très particulier m’a envahi, lorsque j’ai laissé mon fils de dix ans traverser la cour d’école à l’appel de son nom. Je l’ai regardé partir, dos à moi, vers de nouveaux camarades, un nouvel instituteur, une nouvelle école, une nouvelle vie. Lui qui n’a jamais adhéré à ce projet, qui a toujours catégoriquement refusé de nous accompagner, qui aurait tant voulu rester en France, auprès de ses amis, de notre famille, et que nous avons déraciné de force. Je l’ai regardé partir, perdu au milieu de cette foule bruyante, me cherchant du regard, subissant tant bien que mal une situation qu’il avait toujours refusée, faisant visiblement des efforts pour ne pas céder à la panique et aux larmes. Je me suis dit que nous avions le devoir de réussir. Coûte que coûte. Il le fallait. Impossible d’échouer, car il ne nous le pardonnerait jamais. Le temps a fait son œuvre et notre garçon semble aujourd’hui heureux, ou tout du moins content, de cette nouvelle vie. Mais il nous a reproché longtemps, et nous reproche encore parfois, le déracinement que nous lui avons fait vivre.
Immigrer, tout quitter, c’est aussi assumer le risque que nos enfants ne partagent pas notre projet. Un obstacle très sérieux à prendre en compte et à vivre. Une expérience parfois douloureuse pour tous. Le dialogue est toujours ouvert à la maison et chacun peut exprimer ses ressentis sans crainte d’être jugé. Libérer la parole est d’une aide précieuse dans des circonstances difficiles. Nous prenons régulièrement le temps de laisser nos enfants parler, verbaliser, exprimer leurs émotions face à cette nouvelle vie. Nous constatons qu’au fil du temps, ils l’apprécient et parviennent à se tisser un nouveau réseau social. Ils nouent de nouvelles amitiés, se créent de nouveaux repères, montent de nouveaux projets. Ils avancent, ils s’adaptent. Comme nous.
S’adapter, s’intégrer, sont des mots qui, pour nous, ont été synonymes de travail. Nous sommes venus au Québec sans emploi. Trouver un travail à des milliers de kilomètres de distances, sur un marché du travail très flexible, dans lequel tout peut se jouer en quelques heures seulement, nous est apparu vain. Nous avons opté pour le pragmatisme en nous disant que notre dossier d’immigration avait été retenu et classé prioritaire, au regard de nos domaines de formation (responsable d’établissement pour personnes âgées ou dépendantes concernant mon épouse et éducateur spécialisé me concernant). Cela signifiait pour nous, au regard des critères drastiques d’immigration fixés par le Canada et le Québec, que nos métiers trouveraient certainement des débouchés ici. C’était un pari sur l’avenir à prendre. Nous l’avons pris.
Depuis le début de notre projet, nous savions que nos économies ne nous permettraient pas d’aller au-delà des fêtes de fin d’années si nous ne trouvions pas rapidement de travail. Trois semaines après notre arrivée, le temps de nous installer, nous avons intégré un club de recherche d’emploi. Ces clubs permettent de réseauter rapidement et de faciliter l’accès au marché caché du travail. Ainsi, si 20 à 30% des offres de travail sont disponibles à tous sur internet ou dans divers supports d’annonces, l’essentiel des postes à pourvoir (entre 70 et 80% selon les chiffres avancés au sein du club de recherche) se trouve par le biais de l’exploration du marché caché (annonces paraissant à l’interne des entreprises, postes allant s’ouvrir sans affichage officiel, bouche-à-oreille, démarchage informel d’employeur, rencontres diverses, etc.). Il nous a fallu travailler autour de notre CV, nous préparer à démarcher de potentiels employeurs, à passer des entrevues d’embauche, nous adapter à de nouvelles terminologies d’emplois, accepter de repartir de plus bas (peut-être le plus difficile). Une véritable remise en cause à faire, qui n’a pas été des plus simples. Nous avions, mon épouse et moi-même, des emplois satisfaisants en France, qui nous permettaient de vivre correctement. J’étais employé de la fonction publique. Un emploi des plus stables. L’acceptation, le deuil de cet emploi, n’a pas été facile. Il m’a fallu plusieurs semaines pour digérer ce changement. Malgré les difficultés, cette expérience a été des plus concluantes, puisque nous avons eu la chance de retrouver facilement du travail. Des rencontres fortuites, des coïncidences heureuses, mais aussi la volonté et l’acharnement à vouloir décrocher quelque chose vaille que vaille, ont eu raison de nos doutes. Un mois après notre arrivée, j’ai retrouvé un emploi. Un mois plus tard, mon épouse travaillait. Le soulagement ressenti a été énorme, même si la réalité de ce marché du travail fait que rien n’est jamais joué d’avance et qu’il faut se préparer à être débarqué du jour au lendemain. Nous connaissons les règles de ce jeu et les avons acceptées, en nous disant que s’il est facile de perdre son emploi, il est également facile d’en retrouver un. La peur n’évitant pas le danger, nous profitons de chaque jour et le prenons pour ce qu’il est : une vie à lui tout seul.
Des bilans, nous en avons fait. Plein. Quotidiennement ! Lorsque notre vie est à ce point bouleversée, chaque expérience est l’occasion de faire le point, ou presque. Certains jours ont été plus prospères que d’autres. Le cap des premiers mois est important à franchir. Trois mois ? Six mois ? Le délai varie selon chacun. Me concernant, il a fallu près de huit mois pour stabiliser mon moral, mes humeurs, pour être rassuré et confiant, pour être dans une dynamique plus positive. J’ai réellement connu des hauts saisissants et des bas vertigineux, en l’espace de quelques jours, voire quelques heures. Le prix à payer pour vivre une autre vie. Une autre vie ? Vraiment ?
Le processus d’immigration est usant physiquement et nerveusement, même quand il est bien préparé. Il faut être solide pour affronter tous les obstacles qui se dressent devant soi, et nous comprenons que certains puissent renoncer. Nous concernant, nous n’y avons pas pensé. Nous nous sommes dit que nous n’avions pas vécu deux ans et demi de procédures pour abandonner sans nous laisser une chance de réussir. Des échéances ? Nous n’en avons pas. Pas vraiment. Nous ne nous fixons pas de durée pour rester ici. Nous ne savons pas si nous rentrerons, ou pas, un jour nous établir en France, ou ailleurs. Nous profitons de chaque jour en nous disant que l’avenir nous dira quoi faire.
Notre intégration se poursuit. Notre réseau social, amical et professionnel se modèle. Nos repères s’ancrent peu à peu. Nous nous posons et sentons une grande fatigue nous gagner. Les mois écoulés n’ont pas épargné les organismes. Malgré les difficultés, nous savourons le goût de cette expérience. Nous sommes heureux de vivre les changements que nous avons occasionnés, car les changements, même radicaux, sont toujours bénéfiques. Nous avons beaucoup appris sur nous-mêmes, sur nos capacités d’adaptation. Nous savons qu’il faut tenter sa chance lorsque l’occasion se présente.
Aujourd’hui, nous sommes conscients des risques que nous avons pris en réalisant ce projet. Même s’ils étaient anticipés et planifiés, les vivre a été une épreuve et une aventure formidables. Tout n’est pas, non plus, encore gagné et beaucoup d’obstacles risquent encore de se dresser sur notre route. Mais nous restons confiants. Confiants en nous-mêmes, confiants en nos enfants et confiants en l’avenir.
Adieu été indien. Adieu paysages de carte postale. Place à la grisaille et au spleen automnal.
Les feuilles se raccrochent désespérément à leur branche. Mais pour combien de temps encore? Elles finiront par manquer de chlorophylle et dépérir au pied des arbres. Ou elles se laisseront emporter par le vent. Épuisées. Comme tous ces immigrants qui finissent eux aussi par lâcher prise.
C’est déprimant de voir autant de connaissances quitter les Cantons de l’Est.
Mes amis liégeois
Nous étions arrivés dans la région à la même période. Le courant est passé tout de suite. Lui: était venu pour un postdoctorat à l’université de Sherbrooke. Elle: a cumulé une job dans un callcenter et un quart de nuit dans un fastfood. Ce n’était pas à ça qu’elle aspirait en immigrant. Mais il fallait bien payer les factures. En septembre, ils sont partis poursuivre leur aventure sur Québec. En espérant y trouver mieux.
Mes maudits français
Au début c’était intéressant d’écouter leurs commentaires critiques. Puis c’était devenu tellement systématique et méchant que je me demandais ce qu’ils faisaient encore ici. Elle: recrutée aux Journées Québec. Lui: est sorti d’une grande école française, l’une des meilleures paraît-il. En fait, je n’en sais rien. Et beaucoup d’employeurs québécois non plus, apparemment. Ça l’a vexé pas mal.
Une fois leur Résidence Permanente acquise, et après avoir râlé contre tous ces gens incapables de reconnaître la valeur de son prestigieux diplôme, il a convaincu sa blonde de déménager à Montréal. Revenir dans sa zone de confort. Travailler pour une grande entreprise bien française.
Nos partenaires de tennis
L’accès aux courts de tennis extérieurs est gratuit. A la belle saison, c’est excellente opportunité pour se maintenir en forme et de faire des rencontres. Elle: ex-architecte, s’occupait de sa garderie familiale. Lui: auditeur financier, avec un permis temporaire.
Ils se voyaient s’installer ici, construire une fermette au milieu des bois, chasser l’orignal, etc. Et puis bardaf : l’entreprise l’a mis à pied. Tout a basculé. Cela fait présentement plusieurs mois qu’il peine à rebondir. Le bassin d’emplois est restreint en région. Grosse remise en question de leur projet d’immigration. Le Canada n’est peut-être pas l’Eldorado imaginé.
Nos voisins boliviens
Ils étaient arrivés au Canada sans parler un mot de français et avec presque rien. Présentement, ils ont l’une des plus jolies maisons du voisinage. Lui: a quitté la Bolivie il y plusieurs années. Depuis, il s’est fait une place à Sherbrooke. Elle: après plusieurs années a finalement trouvé une job à la hauteur de ses attentes. A 2 heures de route. Fatiguée de faire la navette, elle a fini par prendre un appartement en ville. Ça semblait plus pratique. Vraiment? Il paraît qu’un couple de nouveaux arrivants sur 2 finit par se séparer.
Même avec la plus grande motivation, les motifs sont nombreux pour refaire ses valises,immigrer un peu plus loin ou rentrer dans son pays d’origine : insatisfaction professionnelle, choc culturel, éloignement familial, hiver trop long, difficultés financières, intégration difficile, chicanes de couple, déception globale…. Une idée noire qui tourne, tourne et tourne en rond dans un petit appartement peut vite faire remonter à la surface beaucoup de ressentiments.
Une job stimulante et une rémunération confortable aident beaucoup à apprécier la qualité de vie au Canada. Clairement, l’épanouissement professionnel est l’une des meilleures clés pour réussir son immigration. Pourtant je vois beaucoup de personnes autour de moi qui ont mis leurs ambitions professionnelles entre parenthèses pour suivre leur conjoint(e). Elles se disent (ou se font dire) : tout est possible au Canada, quand on veut on peut, il suffit de, on s’adaptera, on cherchera sur place… Mais, et si on ne trouvait rien de satisfaisant? Comment être heureux dans son couple si on doit se contenter d’un poste d’agent d’accueil alors qu’on a été conseillère RH avec 10 années d’expériences hors Canada? Comment rester optimiste quand cela fait 3 ans qu’on est coincé dans une job de mécanicien au salaire minimum à Chicoutimi après avoir été ingénieur chez Airbus? Est-ce vraiment cela immigrer? Un mélange d’égoïsme et de sacrifice naïf? Pour un couple qui réussit son pari, combien souffrent en silence?
Ce n’est pas évident d’immigrer en famille. La barre est placée très haut.
Pendant ce temps, le vent continue d’arracher les feuilles jaunies.
Et ces amitiés auxquelles je m’étais habitué.
L’autre soir, en faisant mon épicerie, j'ai croisé mon conseiller financier. Après m'avoir reconnu, il m'a salué par mon nom. Sans hésiter.
C'est peut être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup.
Avant le Canada, mes relations n’ont jamais été terribles avec les banques. Je suis pourtant resté plus de 20 ans avec la même institution financière. Le nom, le logo et même le personnel a souvent changé. Mais sans aucun bénéfice personnel. Jamais personne n'a semblé savoir qui j'étais sans au préalable devoir regarder ses fiches. Histoire sans doute de bien me faire sentir que je n'étais qu'un petit dossier anonyme et misérable. Juste bon à subir docilement l'augmentation annuelle des frais en tout genre.
Au canada, avantage au client
Bien entendu, même au Canada, les banques ne sont pas là pour donner de l'argent. Il ne faut pas rêver. Mais c’est tout de même le jour et la nuit pour ce qui concerne la relation clientèle. De nombreuses entreprises gagneraient à envoyer leurs cadres faire un stage au Canada.
Voici quelques exemples qui pourraient les inspirer….
Dans les premières semaines de mon immigration, j'ai beaucoup apprécié les ateliers d'information organisés pour expliquer le système bancaire canadien aux nouveaux arrivants : comment retrouver des services équivalents à ce que je connaissais, la signification des sigles locaux (REER/CELI/REEE/...), mes obligations fiscales en Europe, etc. Bien sûr, je n'ai pas hésité à contacter différentes banques, histoire d'entendre différents sons de cloche. Mais à chaque fois, j'ai pu obtenir un rendez-vous dans un délai très bref et discuté longuement avec un conseiller. Waouh ! Toujours la même disponibilité pour partager des conseils. Et si nos discussions devaient déborder, ça n’a jamais été un problème. C'est comme arriver dans une agence bancaire à cinq minutes de la fermeture. Non seulement, personne ici ne m'a jamais dit "désolé on va fermer, revenez demain", mais s'il faut passer encore 30 minutes avec moi, le personnel l'a toujours fait avec un grand sourire.
Dans beaucoup de domaines on répète mécaniquement que le client est roi. Mais il faut vraiment être au Canada pour vivre cette qualité d’attention.
Le choix d'une banque
Choisir une banque est l'une des premières priorités pour un immigrant. Car après tout, ça ne fait pas de sens de garder tout son argent sous un matelas. Mais quelle banque choisir ? Le marché est tellement concurrentiel que la plupart des places se marquent à la culotte. On pourrait toujours choisir une banque sur des critères de proximité, de maillage, de type de ristournes (boni dollars ? points air miles ? ...), de coûts de services ou même de goodies. L'avantage en tant que nouvel arrivant, c'est de bénéficier d'offres préférentielles pendant les premières années. Alors pourquoi se priver ? Desjardins, BMO, BNC, RBC, ScotiaBank, HSBC, TD Bank… Toutes déploient beaucoup d’efforts pour séduire les immigrants. On aurait tort de ne pas profiter de ce rapport de force pour essayer et comparer différentes solutions.
Et comme si dérouler un tapis rouge pour les nouveaux arrivants n'était pas suffisant, les banques sont prêtent à accueillir l'argent des immigrants mais aussi celui des futurs immigrants. Pour preuve : il est tout à fait possible d’ouvrir un compte bancaire au Canada à distance, avant même d’y poser un pied, ou sur place avec un statut de touriste. J’ai vécu ces deux expériences.
Un banquier plutôt qu'une banque
Ouvrir un compte en banque au Canada, ce n’est vraiment pas compliqué.J’ai ouvert des comptes pour collectionner Ipad, télévision, et autres cadeaux de bienvenue. Puis, je n'ai pas hésité à partir ailleurs. Les néons et offres promotionnelles, c'est bien pour attirer le chaland. Mais ensuite il faut travailler pour le fidéliser.
Même au sein d’une même banque, la qualité de la relation avec un conseiller fait toute la différence.
Il est tout à fait possible qu’un jour j’opte pour une banque en ligne. Mais d’ici là, en tant que nouvel arrivant, j’ai surtout cherché des conseils pour démarrer les choses correctement. Alors un banquier qui a une vraie empathie, parce qu'il a personnellement vécu une expérience d'immigration ou parce qu'il a une expertise dans l'accompagnement de nouveaux arrivants qui me ressemblent, moi, ça me rejoint davantage qu’un expert financier dont l’horizon se limite à la Beauce et qui me regarde avec des gros yeux quand je lui demande à quoi sert encore un chéquier au XXI siècle.
Il y a des tonnes de sujets qui peuvent sembler tellement évidents pour un Canadien. Mais voilà, je ne suis pas Canadien.
En fait, en tant qu’immigrant récent, je n'ai pas besoin de conseils. Merci bien. Je veux juste des conseils pertinents s'il vous plaît. Sans que j'ai à systématiquement poser de question pour obtenir des débuts de réponse. Parce que c’est impossible de savoir tout ce que j’ignore. Et si ce n'est pas un conseiller bancaire qui m'explique spontanément pourquoi et comment bâtir mon historique de crédit, qui l'aurait fait à mon arrivée au Canada ? Qui m'aurait guidé pour faire le ménage dans mes produits financiers en Belgique/France ? Ça prend quand même un certain vécu pour discuter avec moi de mon retour éventuel, à l’heure de la retraite ou précipitamment en cas d’imprévu. Pour l’immigrant que je suis, trouver le bon interlocuteur, qui comprend suffisamment mes défis, c'est juste essentiel.
Bien sûr il arrive que des conseils soient à côté de la plaque. Et prodiguer des conseils pertinents n’empêche pas mon banquier d'essayer, de temps en temps, de me vendre des produits maison hors de prix. C'est de bonne guerre. A moi de faire mes devoirs. N'empêche, si un jour il changeait d’institution, il est possible que je le suive. Qu'importe le nom de la banque. Pourquoi pas.
Ça fait bizarre mais je suis content que mon banquier canadien me reconnaisse en ville. A force d’échanger, nous avons appris à nous apprécier en tant que personnes. Je n'ai jamais cru cela possible avant d'immigrer. Étonnant.
Nous ne sommes pas rendus à être des amis facebook – faut pas pousser - mais il figure dans mes favoris téléphoniques.
Je mesure qu'un avis d’expert, surtout quand il est question de sous, c’est toujours bon à prendre dans le démarrage d'une aventure.