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À propos
Le Québec et moi, c'est une grande histoire d'amour et de haine. Depuis mon premier séjour d'une année dans les années 90, je ne rêvais que d'une chose : y retourner. Ce qui fut fait en 2007, après quelques voyages de reconnaissance et l'aide d'internet et de quelques amis pour y tisser de nouveaux liens. Le 1er juillet nous débarquions en tribu avec enfants et chien à Dorval. Depuis nous avons pas mal roulé notre bosse : 8 emplois pour moi, 5 pour mon conjoint, 3 déménagements, 2 chevaux et 2 chiens. Le tout en seulement 10 ans.
Nous avons réalisé notre rêve : nous nous sommes installés en campagne à une heure de la ville la plus proche, et nous avons construit un ranch. Un vrai ranch, avec des chevaux et 40 hectares de terrain. Nous avions juste oublié une chose : notre âge. Eh oui, le compteur tourne ... Nous sommes aujourd'hui dans la cinquantaine avancée et me lever le matin à 5h30 pour faire les boxes et nourrir les animaux, ce n'est plus de mon âge. Surtout quand on tombe sur l'hiver du siècle ! Je me souviendrai toute ma vie du 15 mars 2017 et de la neige qui bloquait la porte de l'écurie. Nous avons du mettre à peut près 2 heures à déneiger ce jour là... À 40 ans, même 45, c'est amusant. Après, c'est fatigant. Ou alors il faut avoir du matériel : un tracteur, des équipements de ferme. Du stock. L'idéal c'est de vivre en communauté, de pouvoir compter sur la famille et les amis et de s'y mettre tous ensembles. Heureusement, la solidarité campagnarde est grande : nous avons toujours pu compter sur notre voisin, que ce soit pour déneiger en hiver ou faire les foins en été. C'est important.
Nous avons donc pris la décision de retourner vivre en ville. C'était le projet d'une vie, mais nous l'avions juste démarré un peu trop tard. Aujourd'hui nous passons le relais à d'autre pionniers, prêts à se lancer dans une nouvelle aventure. Ouvrir un ranch ou une activité d'éco-tourisme, avec des chiens de traineaux par exemple ... C'est l'endroit idéal pour ça. Il y a de quoi faire de belles randos sur notre forêt privée. C'est important parce qu'au Québec la notion de droit de passage n'existe pas. La propriété privée c'est sacré. Donc, impossible de traverser un champ à cheval ou avec son chien sans autorisation (en général un contrat avec monnaie sonnante et trébuchante). Vous risquez de vous faire courser en 4 roues ou, pire, de voir votre chien pris dans un piège à loups. C'est pour cela que nous avions acheté un aussi grand terrain : pour être chez nous. Mais c'est une aventure terminée, et nous passons à présent à une autre étape de notre vie.
Nous habitons désormais à Québec, avec juste un cheval et, quand même, deux chiens. Impossible de nous passer de nos compagnons à quatre pattes, ils nous donnent tellement !
Moi, l'artiste peintre - écrivaine - cow girl, j'ai repris un emploi de bureau. Ce n'est pas ce dont je rêvais, loin de là, mais ça paie les factures et cela me libère l'esprit pour créer sereinement sans craindre l'avenir. Je participe à des symposiums de peinture, j'expose, je peins, j'écris et je monte à cheval. la belle vie, quoi !
Le bilan de ces 10 années, c'est que le grand défi de la vie au Québec n'est pas ce que l'on croit. L'hiver et le froid ne posent aucun problème. Sérieusement. Les maisons sont isolées, on a des pneus neige sur les voitures, et on s'habille en conséquence. Non, le froid, ce n'est rien. Le défi, ce sont les québécois eux-mêmes. Bien sûr nous avons des amis québécois, on est n'est pas des sauvages. Mais il faut comprendre une chose : le français, même celui qui s'intègre et se fond dans la masse, sera toujours un étranger. Même après 10 ans, même après 20 ans. Les québécois vivent entre eux en famille et ne sortent jamais. Il n'y a qu'à regarder les jardins, même en été : il n'y a personne dehors. En France les gens s'invitent, on prend facilement l'apéro chez l'un ou chez l'autre. Ici on va au resto. En 10 ans nos amis se comptent sur les doigts d'une main. En France nous avions des amis chez nous tous les samedi soirs, c'était porte ouverte. Ici non, ce n'est pas possible. Ou alors il faut faire un grand ménage avant de recevoir du monde. Parce que les maisons sont aseptisées. On reçoit quand on a un intérieur digne d'un magasine de décoration, ou alors on ne reçoit pas.
Il y a aussi une chose qui m'horripile : quand on me précise au resto que le pourboire n'est pas compris. Bien sûr que je sais que le pourboire n'est pas compris, ça fait 10 ans que je vis ici et d'ailleurs, j'ai même la citoyenneté canadienne !!! Ah oui ? Ça fait longtemps que vous êtes au Québec ? Pourquoi êtes vous venus ici ? (regard vide d'incompréhension chez mon interlocuteur). J'ose à peine imaginer quelqu'un en France qui poserait les mêmes questions à un noir ou un arabe. D'ailleurs on n'oserait pas. On est quand même plus ouverts en France. Ici un français fait figure d'extra-terrestre. Alors un africain ou un asiatique ... Ça doit vraiment être dur pour eux.
Il ne faut pas oublier que le Québec, c'est aussi le Canada. C'est pour ça que nous restons ici. Nous sommes canadiens, pays de la diversité et du multiculturalisme. C'est vrai, et nous le revendiquons. Et nous avons quand même quelques bons amis québécois, qui nous ont accueilli à bras ouverts. Mais nous souhaitons aujourd'hui nous tourner un peu plus vers la communauté française à Québec. Pas ceux qui vont et viennent, les bobos qui repartiront dans 2 ans. Non, les vrais expat, ceux qui s'installent et prennent racines. Parce que passé un certain âge, retourner en France est tout simplement impossible. Nous sommes trop américanisés à présent.