La file et les écureuils
C’est en préparant un voyage au Vietnam que je me suis rendu compte à quel point étaient ancrés dans la culture québécoise certains traits de caractère tellement différents de ceux des Français.
Je suis installé à Montréal depuis deux ans, je n’ai bien évidemment pas attendu de partir au Vietnam pour comprendre que les Québécois et les Français avaient des différences.
Mais voilà, en lisant ce « faire-ne pas faire » sur le Vietnam, je me suis aperçu que sur certains points, les Français étaient plus proches culturellement des Vietnamiens que des Québécois ! La phrase choc qui m’a mis la puce à l’oreille ? « Il est parfois inutile de faire la file l’un derrière l’autre ». L’auteur encourageait le lecteur visitant le Vietnam à ne pas systématiquement se placer derrière les derniers arrivants, mais de se mêler à la foule en désordre pour être servi.
J’ai eu un moment d’hésitation. Cette phrase me semblait vaguement incongrue, pas à sa place, adressée à quelqu’un d’autre… Et tout à coup, j’ai compris ! Cette phrase avait été écrite par un Québécois pour des Québécois. Car pour un Français, faire la file demande en soi un effort certain, une prise de recul, une réflexion préalable. Les deux plus grandes surprises du Français nouvel arrivant au Québec sont sans aucun
doute la profusion d’écureuils et les files d’attente aux arrêts de bus !
Donc, conseiller à un Français de NE PAS faire la file, c’est tenter de lui inculquer un comportement qui est déjà chez lui une caractéristique génétique. Pour moi, Français immigré au Québec, cette phrase consistait à m’exhorter à revenir à un comportement inné que j’avais mis 2 ans à désapprendre.
En revanche, j’ai eu un doute en lisant le conseil suivant : « ne jamais s’énerver, éviter le conflit, car les Vietnamiens détestent le conflit ». Ah ! Finalement, peut-être ce livre s’adresse-t-il aux Français. Car enfin, on ne peut tout de même pas demander aux Québécois d’éviter le conflit encore plus que dans leur vie quotidienne ?
Car oui, vous qui projetez de venir vivre ici, sachez-le, les Québécois abhorrent le conflit. Lors d’une réunion d’information à laquelle j’avais assisté à l’ambassade du Canada à Paris avant d’émigrer, l’intervenante,
Québécoise, nous avait prévenus : « Dans une réunion au Québec, quand le ton monte, la réunion s’arrête. En France, c’est là qu’elle commence. ».
Information vérifiée et validée. Lequel des deux comportements est le bon, ce n’est pas la question. Comme souvent, certainement un mélange des deux !
Difficile en tout cas d’énerver un Québécois. Mais du coup, difficile aussi de s’énerver contre un Québécois ! Car oui, les Québécois sont gentils. C’est un cliché. Ils n’aiment pas toujours être qualifiés de gentils, car dans la bouche des Français, « gentil » possède souvent un léger côté péjoratif. En même temps, les Québécois sont effectivement gentils ! Et c’est une qualité rare, qui fait qu’on se sente si bien ici.
Et puis, honnêtement, dans la bouche d’un Français, qu’est-ce qui n’a pas un « léger côté péjoratif » ?
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