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Ornella89

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    Ornella89 a donné une réputation à soulman pour un billet, Pourquoi partir ?   
    Tout à l'heure je lisais un billet sur le forum. Vous l'avez sans doute vu, quelqu'un qui repartait en France après 10 années passées au Québec. Tout ce qui ressortait du message, c'était beaucoup d'amertume, de la frustration, une liste exhaustive de tout ce que cette personne en était venue à détester ici. Loin de moi l'idée de la critiquer, je compatis vraiment et je ne connais pas son histoire.

    Mais cela m'a fait penser à trop d'histoires entendues, trop de cas d'amis, de proches ou d'inconnus qui, au moment d'aborder un changement dans leur vie, s'attardent sur tout ce qui les a écœurés dans ce qu'ils quittent au lieu de se réjouir de ce qui s'en vient. Pas forcément pour des projets aussi grands qu'une immigration, parfois c'est juste pour un nouveau travail, une nouvelle maison, voire même une nouvelle activité du dimanche matin. Que d'énergie perdue à se lamenter sur ce qui est passé sans aucun attrait pour ce qu'il reste à découvrir. J'aime tellement lire des messages qui disent :

    " Plus que 4 jours avant mon retour en France. J'ai tellement hâte, après 6 ans ici, de revoir tous mes amis. Les vacances en Bretagne, les plages désertes et les crêperies du Finistère, les marchés emplis d'accents chantants et de fromages de chèvre quand je vais voir ma famille en Ardèche, ces chaudes soirées sur la terrasse avec le chant des cigales à jouer à la belote. Me sentir à nouveau totalement chez moi quand je marche dans la rue, rire aux blagues de mes collègues parce que je comprendrai à quoi ils font référence. Pouvoir assister à nouveau à toutes les réunions familiales qui m'ennuyaient tant avant, voir grandir mes neveux, savoir que je compte dans leur vie, que je ne suis pas l'"oncle qui habite loin". Vieillir avec les miens, retrouver toutes mes références. Je suis heureux d'avoir pu vivre tout ça, j'ai appris beaucoup sur moi et sur le fait de se sentir étranger quelque part. Je ne verrai plus les immigrés de la même façon en France, parce que maintenant je les comprends. Le soleil que je chérirai dans le sud ne sera pas le même pour un Sénégalais que celui qui l'a vu naître. Je comprends ça maintenant. Tout comme je comprends désormais l'Algérien qui fête l'Aïd en famille, qui célèbre la fin du Ramadan, brève bouffée de sa terre natale qu'il partage à Angoulême, Strasbourg, Lille avec d'autres qui, comme lui, sont venus ici offrir à leurs enfants une chance que eux n'ont pas eue. Je rentre en sachant que j'ai été au bout de mon rêve, sans regret, avec la certitude que quand je serai vieux et qu'il sera trop tard pour bouger à nouveau, je ne me dirai pas "si seulement", "j'aurais du". Mais en sachant par contre que je serai là où je souhaitais vieillir, chez moi, avec les miens."

    " Je suis dans l'avion, ça y est, l'inconnu. Ce n'est pas avec deux séjours de quelques semaines qu'on peut connaître un pays, je ne sais donc pas ce qui m'attend. Mais c'est exactement pour ça que je suis là, prêt à commencer une nouvelle vie. J'ai hâte de vivre ce dépaysement, ce décalage, de pouvoir me plonger intégralement dans un pays, un continent qui m'est étranger. La Gaspésie ne sera jamais la Vendée, Vancouver n'est pas Rome et New York n'est pas Berlin. Mais ça, je le sais, je ne pars pas à 6000 kilomètres pour essayer de tout rapprocher de ce que je connais déjà, sinon j'aurais juste déménagé à 100 kilomètres de Brive. Ça me rappelle mes potes qui étaient partis s'installer en Guadeloupe, ils chialaient tous les jours sur le fait de ne pas avoir de fenêtre, que les laitages étaient chers, que les gens étaient moins souriants que quand ils étaient venus en touristes. Je ne vois pas l'intérêt de vouloir vivre sur une île aussi loin en retrouvant son confort de Paris. Quand je vivais à Marseille je mangeais des sardines sur le Vieux Port, quand j'étais étudiant à Strasbourg j'allais au marché de Noel boire du vin chaud. J'ai découvert le foie gras à Périgueux et la truffade à Clermont. C'est court une vie, on change souvent de place, autant s'attacher à ce qui est bon là où on est que de regretter ce qu'on n'y trouve plus. Je ne vais pas chercher des pistes de ski en Martinique et ne chercherais pas plus à faire de la plongée sous marine dans les Alpes. J'allais au Parc des Princes voir le PSG à Paris, quand je suis arrivé à Brive j'ai découvert le rugby. J'ai hâte d'aller voir un match de hockey, ça a l'air super. J'ai tellement hâte de plonger dans une routine, découvrir de nouvelles personnes, de nouveaux amis, apprendre à me faire accepter. Une nouvelle vie."

    C'est certain que pour avoir le goût de partir, ça peut venir au départ d'un ras le bol de sa vie actuelle. C'est sûr. Pas forcément, mais c'est courant. Ceci dit au moment de construire un nouveau projet, on doit selon moi totalement se tourner vers ce qui s'en vient, ce qui reste à construire. J'ai rencontré beaucoup d'immigrants qui arrivaient ici en disant qu'ils venaient parce que c'est "plus facile de trouver du travail", "il parait que ça paye mieux", "j'en avais marre de la France". La plupart sont repartis. Parce que leurs problèmes les ont suivis, évidemment. Certains souffraient de dépression et n'ont fait qu'accentuer leur mal-être, d'autres n'avaient aucune idée de ce qu'ils voulaient faire dans la vie, d'autres enfin n'en pouvaient plus de leur vie de famille et cherchaient un moyen de sauver leur couple, en pensant qu'un changement d'air leur ferait le plus grand bien. Autant dire que leurs problèmes toujours là à leur arrivée couplés aux difficultés de l'immigration, au coût du projet et à tout ce qui peut saper le moral les premiers mois, ça a été dans la majorité des cas la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Immigrer peut aider à résoudre ses problèmes si ceux-ci étaient liés à votre vie passée, c'est certain, mais ça ne va pas effacer un problème de fond que vous traînerez avec vous où que vous alliez.


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    Ornella89 a donné une réputation à soulman pour un billet, Harcèlement moral   
    "Gros porc", "sale bougnoule", "pd", "fayot", "salope"... Combien de fois a-t-on entendu ça quand on était enfant, ado, dans les cours de récré, le bus qui nous amenait en sortie scolaire, sur le chemin du retour de l'école ? Peut-être en étiez-vous victime, peut-être faisiez-vous partie des "bourreaux" ? Peut-être encore faisiez-vous juste partie de cette majorité silencieuse qui de par sa neutralité, sa peur ou sa complaisance accepte, tolère, se rend complice ?

    Pour beaucoup d'adultes, ça ne semble "pas grave". "Ils s'amusent", "rien de bien méchant". Mais où s'arrête le jeu, l'insulte gratuite mais sans rancune et où commence le harcèlement moral ? Le bullying, comme on dit ici, en Amérique du Nord.

    On en a beaucoup parlé, au Québec, les 2-3 dernières années. Une journée spéciale sur l'intimidation, quelques reportages sur ces adolescents, ces enfants qui ont choisi de se donner la mort pour ne plus avoir à subir, parce que personne ne les avait entendus, écoutés. Indignation, incompréhension, écœurement devant ce phénomène amplifié par les réseaux sociaux. Se faire intimider, insulter, railler, humilier c'est déjà pas évident, mais devant des millions de personnes ça semble encore pire. Et pourtant quoi de neuf ? Est-ce qu'on ne voyait pas la même chose dans ces ères pré-internet, où on se parlait plus des Chevaliers du Zodiaque que des dernières vidéos sur Youtube ? Ou une montre Casio avec calculatrice était aussi tendance que le dernier iPhone ? Est-ce que les jeunes d'aujourd'hui sont pires que nous l'étions ? Et surtout, aujourd'hui, que faisons-nous, en tant qu'adultes, parents, enseignants pour trouver des solutions ?

    Je ne me lancerai pas dans un débat sociologique sur comment éradiquer l'intimidation, le harcèlement quel qu'il soit. C'est un sujet passionnant que j'affectionne particulièrement et sur lequel je débattrais volontiers pendant des heures.

    Mais si je souhaitais en parler sur ce forum lié à l'immigration c'est parce que, peut-être pour la première fois de votre vie vous allez vous retrouver dans le rôle du "marginalisé", de celui qui est différent. Est-ce que c'est mal ? Bien sûr que non, c'est juste un constat, une certitude qu'on peut vivre de bien des façons. Peut-être qu'enfant vous n'aviez rien de notable, ni gros, ni petit, ni grand, ni maigre, pas de nom à double sens qui peut être raillé. Ni très timide ni trop voyant, capable de vous fondre dans les murs ou suffisamment sûrs de vous pour ne pas vous faire écœurer. Mais en arrivant dans un nouveau pays, une nouvelle culture, vous allez peut-être pour la première fois de votre vie vous sentir différents. Ne plus faire partie de la "majorité" peut décontenancer et d'une façon ou d'une autre vous force à vous poser de nouvelles questions sur vous et sur les autres. Il n'y aucune recette magique, chaque histoire est unique et chacun va réagir différemment. Certains vont à peine le ressentir. D'autres vont se refermer sur eux-mêmes, se rapprocher d'autres Français, en souffrir, s'en plaindre. D'autres encore vont s'en servir comme d'une motivation et une incitation à en faire encore davantage pour s'intégrer et vivre leur immigration pleinement. Apprécier au quotidien ce sentiment de dépaysement qui vous a poussés à partir, à tenter l'aventure.

    Dans certains cas ça ne sera qu'un constat, quelques décalages par rapport à vos collègues ou voisins, des références que vous n'avez pas, mais parfois ça pourra devenir un fossé, une barrière qui pourraient vite vous paraître insurmontables. Dans ce cas-là, parlez-en, communiquez, n'hésitez pas à aller chercher des conseils chez ceux qui pourraient vivre la même chose que vous. Ne taisez pas la moindre souffrance, le moindre doute.

    En 2006 j'avais écrit un roman graphique, Comme un Papillon, qui parlait du suicide chez l'enfant. Oui, oui, je sais, c'est super gai J'en ai un peu parlé je crois dans ma présentation. En tant qu'éducateur spécialisé j'avais vécu tellement de cas d'enfants qui pour des raisons incompréhensibles pour nous préféraient mettre fin à leur vie. C'est arrivé plusieurs fois que ces gestes ne soient que des appels au secours, mais plusieurs sont arrivés malheureusement à leur fin sans que personne ne puisse comprendre ce qui les avait amenés là. Ça m'avait montré à quel point on sous-estime grandement des notions telles que la dépression, le harcèlement, la détresse psychologique. On a toujours l'impression que pour un enfant, "ça va passer". Mon éditeur insistait pour qu'à la fin du roman l'enfant finalement change d'avis, pensant que le message était suffisamment passé. Mais c'était hors de question, le seul but de cet ouvrage était de montrer aux parents qu'un enfant de 10 ans pouvait pour une raison ou une autre décider de se tuer. Le suicide est la deuxième cause de mortalité pour les moins de 20 ans. J'ai finalement changé d'éditeur et même si ça peut paraître complètement idiot, j'ai dessiné les 12 dernières pages de mon livre en pleurant. Je ne dirai pas "en pleurant comme un enfant", non, en pleurant comme un adulte conscient et impuissant devant toute cette souffrance.

    Pourquoi j'écris ça aujourd'hui ? Parce que je suis tombé sur ce trailer, cette bande-annonce choc prélude à un reportage sur france5 la semaine passée je crois :
    Ça m'a rappelé la polémique l'année passée sur le clip d'Indochine :

    Et parce que j'avais envie d'en parler avec vous, qui peut-être comprenez un peu mieux aujourd'hui ce qu'ont vécu le petit gros, le Tunisien, l'efféminé de votre classe quand ils étaient ostracisés, rejetés.
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    Ornella89 a donné une réputation à soulman pour un billet, Citoyen Canadien !   
    Ça y est, après un peu moins de 2 ans d'attente, je peux enfin le dire, je suis Canadien !

    Arrivé en mars 2007, j'ai lancé la procédure en novembre 2011. Les questions début juillet, et donc la cérémonie mercredi dernier, le 10 octobre. Oui, oui, la totale, l'hommage à la Reine, l'hymne national, les petits drapeaux et tout. On était presque 400, et comme le disait la juge 52 nationalités représentées. Arrivé à 1h, parti à 4h30 avec le papier en main.

    Qu'est-ce que j'ai ressenti lors de cette journée ? Difficile à résumer, une grande fierté, un honneur, un aboutissement mêlé à un départ. Je pense que chacun de nous peut faire cette démarche pour des raisons différentes. chacune se vaut mais je me suis demandé objectivement pourquoi je souhaitais franchir le pas.

    Oh c'est sur, déjà ça sera plus facile à la frontière. Je dois souvent me déplacer aux Etats Unis pour le travail et chaque fois je ralentis mes collègues Québécois.

    C'est rassurant, aussi. De savoir que maintenant, quoi qu'il arrive, je n'ai plus un statut temporaire au Canada. Je n'ai plus besoin de renouveler ma résidence permanente. Des fois qu'un jour ça change. On ne sait jamais. Mes patrons aussi, peut être que ça va les rassurer, leur montrer encore un peu plus que je me sens chez moi ici.

    Mais ça ce sont des détails "techniques", administratifs. Pas de quoi éprouver la moindre joie alors, si ce n'est que ça. Et pourtant quand je suis sorti de la salle j'avais un grand sourire jusqu'aux oreilles.

    Pour la perception des autres ? Me sentir plus intégré ? Non. Déjà parce que je me sens parfaitement intégré, personne ne me donne l'impression que je ne suis pas admis, que je suis un étranger. Un passeport n'y changera rien, et je dirais même que citoyen ou pas je resterai toujours de temps en temps "le Français". Mais dit avec affection, parce que j'ai beau avoir perdu presque intégralement mon accent français, pour mes amis Québécois il restera toujours une petite trace, et c'est très bien de même. Comme un anglophone qui malgré un français parfait gardera toujours cette petite touche british sur certaines consonnes.

    Non, si je suis tellement fier et touché d'être devenu Canadien, c'est juste pour moi. Pouvoir enfin participer à la vie politique, voter, faire mon devoir, m'impliquer encore davantage dans la vie quotidienne. Savoir que quels que soient les choix faits par la population, j'aurai apporté ma voix. Que je ferai partie des statistiques.

    J'étais heureux comme un enfant aussi parce que, si j'avais fait la démarche de citoyenneté en pensant à mes amis Québécois, j'ai été vraiment touché le jour de la cérémonie par toutes ces familles, ces enfants, ces immigrants comme moi qui sont devenus Canadiens. Certains pleuraient. Beaucoup se sont embrassés. Quand la juge nous a demandé de féliciter nos voisins de gauche et de droite personne ne l'a fait machinalement, les gens se regardaient dans les yeux pour se souhaiter le meilleur. En arrivant dans la salle j'étais fier de faire peut-être encore peu plus partie intégrante du peuple des Rene Levesque, Lafleur, Tremblay, Côté, mais d'un coup je me rendais compte que j'étais également fier de faire partie de cette assemblée. J'étais touché par ces familles, ces 52 nationalités, certains, beaucoup sûrement ont vécu l'enfer avant d'arriver, une vie de souffrance avant d'enfin être accueillis ici. Et pour eux, bien plus que pour nous français, la citoyenneté est la certitude que jamais ils n'auront à retourner contraints et forcés dans un pays qu'ils ont rejeté.

    Je ne pense pas que j'arriverai à retranscrire exactement ce que j'ai ressenti en mots, mais je vais essayer. J'ai écrit des albums, des livres, des articles sur les bidonvilles de Dharavi en Inde, sur le Rwanda, la Palestine, en ce moment l'histoire que je dessine se situe au Tchad et au Soudan.

    J'ai été dans tous ces pays, rencontré ces gens, témoigné de leurs douleurs comme de leurs joies. Mais malgré les semaines passées avec eux, dans ces familles, je sais bien que je n'ai fait qu'effleurer leur vie, leur réalité. De voir des ressortissants de tous ces pays réunis ici, au Canada, dans une cérémonie qui leur permet de mettre enfin derrière eux ce qu'ils ont fui, les voir accéder en ce jour comme moi et comme tant d'autres avant nous à la citoyenneté canadienne, ça m'a vraiment ému aux larmes. Oh non, ça va, rassurez-vous, je n'ai pas braillé quand même, je sais me tenir !! Mais j'imaginais ce qu'ils devaient ressentir, les sacrifices qu'ils ont consentis pour donner cette chance à leurs enfants, et je ressentais comme un honneur d'être avec eux à ce moment précis. J'ai passé beaucoup de temps à regarder ces visages, ces regards échangés entre eux, à tel point que finalement je n'ai pas trop eu le temps de me concentrer sur mon expérience personnelle, elle était tellement insignifiante.

    Et de toute façon, comment se concentrer avec Basile, ce grand Sénégalais au coeur immense et au sourire permanent avec qui j'ai passé de très belles heures. C'est que le hasard est drôle parfois. Quand j'ai été passé les questions, quand on a fini le test on doit aller s'assoir dans une grande salle remplie de monde. Il y a des centaines de personnes, on se place où on veut, certains sont là depuis des heures. Je m'étais donc assis au hasard à côté de ce colosse noir qui semblait si content d'être là. On avait tout de suite sympathisé, l'attente était longue et nous avions plein d'histoires à nous conter. Il avait des jus de fruit en trop, j'avais des biscuits, on a pu donc compléter nos repas Quand c'était à mon tour de passer, on s'est souhaité mille bonnes choses.

    Arrivé à la cérémonie, on s'est vu de loin, on s'est salué avec un sourire, espérant se voir plus tard, peut-être après. Les places étaient imposées, on avait tous un numéro défini sur notre convocation, on était comme je le disais près de 400, et on s'est quand même retrouvé côte à côte ! Un très beau hasard.

    Bref, comme d'habitude je m'étale, mais je voulais partager avec vous cette belle journée où je suis devenu canadien, comme les Tremblay, Côté, Ouellet mais également les Baboucar, Khadri, Ngyen.

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