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Rester...


soulman

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Je n'ai pas beaucoup d'amis Français au Québec. Je ne les ai pas fuis, mais je ne les ai pas cherchés non plus. Et comme la plupart de mes activités m'amenaient à côtoyer des Québécois, dans l'ensemble pas mal tous mes amis depuis mon arrivée viennent du Canada.

Mais ça arrive parfois que quelques Français arrivent au studio, généralement pour quelques mois. Ils ne sont souvent que de passage, arrivent par groupes de 2 ou 3. S'ensuivent souvent les mêmes "rituels", les mêmes questions : d'où vous venez en France, ça fait longtemps que vous êtes arrivés, c'est quoi votre statut, vous pensez rester, ça vous plait jusque là, etc. Quand ils viennent d'arriver, ça me fait chaque fois une petite bouffée de souvenirs. L'accent, les références culturelles, leur rythme en soi. Parce que oui, les différences culturelles vont jusque là. La bulle d'intimité, le rythme de paroles, le style d'humour, pas mal de choses divergent. Je ne ressens pas de nostalgie, au contraire, on ne passe pas notre temps à parler de la France, l'essentiel de nos échanges concernent la vie au Québec. Ils ont des tas de questions et j'ai envie de faciliter leur intégration, que leur expérience soit le plus agréable possible.

Mais comme ce sont beaucoup des jeunes qui venaient chercher une première expérience, très souvent ils repartent au bout d'un an. Parfois plus, souvent moins. Et chaque fois ça me fait la même chose, ce petit feeling d'après-fête. Quand tout le monde est parti et que vous restez seul dans l'appartement, avec les restes de bouteilles vides, les mégots et les chips par terre. Pour ceux qui ont déjà été éducateur ou moniteur de camp, ça me rappelle quand vous restez quelques jours après tout le monde pour "fermer" la colo, que tout le monde part petit à petit. D'abord les jeunes, puis les autres "monos", et pour finir vous restez seul dans un endroit qui quelques jours plus tôt vibrait de la vie de centaines de personnes et qui maintenant est vide.

Si on s'arrête de lire là, ça pourrait donner l'impression que je les envie d'être repartis et que je me morfonds à rester seul, mais c'est le contraire.

J'ai aimé l'énergie de ces jeunes Français, leur présence, j'étais content de les voir tous les matins, de pouvoir aborder des sujets avec eux dont je ne pourrais discuter ni avec mes collègues ni même avec ma blonde (quoi qu'elle s'en vient bonne en culture française, à force ! :) ). Mais une fois replongé dans mon quotidien québécois, j'aime cette tranquillité, ce "cocon" qui m'entoure depuis que j'ai posé le pied ici il y a 7 ans et quelques. Si je reprends mes exemples de tout à l'heure, après une fête quand tout le monde est parti, je ne ressens pas le vide. Je prends le temps de me poser, de profiter du calme, je souris en repensant à toutes les anecdotes de la soirée, heureux de sentir que mes amis ont passé un bon moment. Stravinsky (si je me souviens bien) disait que le silence de quelques secondes qui suit la fin d'une oeuvre appartient encore au musicien. Cette attente qui précède les premiers applaudissements est un moment spécial dans un concert. Les musiciens ont fini de jouer, les spectateurs n'ont pas encore brisé la magie, c'est une bulle fragile qui n'en est que plus belle quand le spectacle était réussi.

Je regarde ces jeunes repartir en France comme on regarde un bateau s'éloigner du quai. Il y a quelques minutes encore, il était là, vibrant de vies et de promesses, mais une fois seul sur le quai, quand le bateau disparaît au loin, on n'est pas forcément envieux de l'aventure que les passagers vont vivre. On peut tout simplement être en accord avec son quotidien et heureux de pouvoir vivre ses propres défis, espérer que tout va bien se passer pour eux tout en appréciant le fait d'avoir trouver où poser ses propres valises.

Rester ce n'est pas arrêter de rêver, renoncer à l'aventure, c'est parfois au contraire vivre son rêve au quotidien en souhaitant à tout le monde de trouver le sien.

2 Commentaires


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  • Habitués

Merci :) Pas évident de synthétiser un sentiment comme celui-là, une sorte de plénitude qui ne dépend pas des autres mais qui ne les exclue pas non plus. Comme un frisson qui vous parcourt l'échine quand vous êtes sous une grosse couette devant un feu, que personne ne se sent obligé de parler, vous êtes juste.... bien. Ça n'empêche pas que certains soirs vous allez aimer sortir, d'autres recevoir un groupe d'amis et faire une fondue. d'autres soirs encore vous coucher tôt bien confortable avec un bon livre et un lait chaud. Mais là, dans l'instant, vous êtes bien où vous êtes, dans le silence, et le fait de ne "rien faire" ne veut aucunement dire que vous vous ennuyez ou que vous ne savez pas vous amuser.

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